Accueil

Politique
Adoption au Sénat du projet de loi antiterroriste : que contient finalement le texte ?

Adoption au Sénat du projet de loi antiterroriste : que contient finalement le texte ?

On fait le point

Par

Publié le

Le décrié projet de loi antiterroriste censé remplacer cet automne l’état d’urgence a été adopté par les sénateurs ce mercredi 19 juillet après avoir subi d'importantes modifications. Le juge des libertés et de la détention fait son grand retour dans la loi après son passage par le Conseil d'Etat et le Sénat.

Revu à plusieurs reprises, y compris par le gouvernement lui-même, le très controversé projet de loi antiterroriste censé remplacer à partir du 1er novembre l’état d’urgence, a été adopté en première lecture par les sénateurs ce mercredi 19 juillet. Voté à une large majorité grâce aux 229 voix (contre 106) de la droite (LR), du centre mais aussi de La République en marche (LREM), le texte a néanmoins subi au fil des semaines d’importantes modifications afin de mieux garantir la protection des libertés publiques menacées par la volonté de l’exécutif de transposer dans le droit commun des dispositions de l'état d'urgence.

Date limite

Les sénateurs ont ainsi décidé de limiter au 31 décembre 2021 l’application des principales mesures de contrôle et de surveillance inscrites dans le projet de loi porté par le ministre de l’Intérieur, Gérard Collomb, conformément aux préconisations votées dès le 12 juillet par la commission des lois du Sénat. Mesures concernées : l’assignation dans la commune, le bracelet électronique ou encore la perquisition administrative.

Outre l’instauration de cette date limite, inexistante dans la mouture initiale, les mesures ont été pour certaines revues par les sénateurs voire supprimées, à l’instar de l’obligation pour un suspect (soit toute personne pour laquelle les autorités ont des "raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace d’une particulière gravité pour la sécurité et l’ordre publics") de déclarer tous ses numéros d’abonnement et identifiants de communication électronique. Les sénateurs ont de fait estimé que cette obligation portait atteinte au respect de la vie privée et l’ont par conséquent annulée.

Retour du juge pour l'assignation dans la commune

Parmi les mesures revues figure l'une des plus importantes propositions du texte, à savoir le renouvellement des assignations dans la commune décidées par le préfet pour des périodes allant de trois à six mois. Tout renouvellement devra à présent être autorisé par le juge des libertés et de la détention (JLD), a jugé le Sénat. Initialement, le projet de loi permettait à l'inverse au seul préfet de renouveler indéfiniment ces assignations sous réserve qu’il apporte "des éléments nouveaux ou complémentaires". Les personnes assignées ne pourront pas, par ailleurs, être astreintes à plus de trois pointages au commissariat par semaine, au lieu d’un par jour prévu au départ dans le texte du gouvernement.

Actuellement, l’état d’urgence permet des assignations à résidence sans possibilité pour la personne assignée de quitter son domicile. A l’avenir, avec la nouvelle loi, la liberté de circulation d’un individu ne sera pas réduite à un périmètre géographique inférieur à la commune.

Les sénateurs ont en outre décidé de "circonscrire l’usage" des nouvelles "zones de protection", une autre mesure phare du texte. Dans ces nouveaux périmètres qui pourront être instaurés par le préfet pour sécuriser un lieu ou un événement sujet à un risque terroriste, des palpations de sécurité ou encore des fouilles de véhicules avec l’accord du conducteur devraient bientôt être menées. Ces mesures de surveillance nécessitaient auparavant une réquisition judiciaire.

Retour du juge pour les perquisitions

Avant que le Sénat ne révise la copie du ministère de l’Intérieur, le conseil d’Etat - qui a validé mi-juin l’essentiel du projet de loi antiterroriste - avait aussi fait pression sur l’exécutif de manière à ce qu’il amende lui-même sa première version du texte sur l'un des principaux points décriés : les perquisitions. Le projet de loi antiterroriste qui prévoyait d’abord qu’une perquisition puisse être décidée, comme sous l’état d’urgence, par le préfet uniquement, introduit en effet aujourd'hui la participation d’un juge dans la prise d’une telle décision. Le juge des libertés et de la détention est maintenant chargé d'autoriser au préalable toute perquisition, conduite sous son contrôle.

Autre satisfaction pour les juges du Palais Royal : les motifs de fermeture des lieux de culte ont été restreints. Seuls les propos ou idées diffusés dans le but de conduire à la préparation d’une attaque terroriste pourront dorénavant justifier une fermeture administrative. Comme l’avait souhaité le Conseil d’Etat, le gouvernement a finalement décidé que la provocation à la haine ou à la discrimination envisagée au départ ne suffirait plus à engendrer la fermeture d’un établissement sur décision préfectorale.

Le projet de loi antiterroriste doit désormais être débattu à l’Assemblée nationale. Les discussions débuteront au mois d’octobre dans un contexte toujours tendu tant le texte continue de susciter des inquiétudes. Le ministre de l’Intérieur a quant à lui insisté sur "le besoin d'adapter" le dispositif actuel de lutte contre le terrorisme face à une menace "toujours prégnante"...

Votre abonnement nous engage

En vous abonnant, vous soutenez le projet de la rédaction de Marianne : un journalisme libre, ni partisan, ni pactisant, toujours engagé ; un journalisme à la fois critique et force de proposition.

Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne