Mémoire Sur les pas de leurs pères à Verdun

Deux fils de combattants de la Grande Guerre, l’un Allemand l’autre Français se rencontrent pour la première fois.
Christine CORBIER - 29 mai 2015 à 05:00 | mis à jour le 01 juin 2015 à 14:19 - Temps de lecture :
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Peter Sauter : « Je me souviens encore de l’intonation de la voix de mon père me disant qu’avant d’envahir la France, il n’avait jamais vu un Français et ne savait pas pourquoi il devait tirer dessus ». Photo ER
Peter Sauter : « Je me souviens encore de l’intonation de la voix de mon père me disant qu’avant d’envahir la France, il n’avait jamais vu un Français et ne savait pas pourquoi il devait tirer dessus ». Photo ER

«C’était très important de rencontrer quelqu’un comme lui. Ici, l’un en face de l’autre, pour pouvoir tirer un trait », entame Peter Sauter, 63 ans en s’adressant à Jean-François Cante, 68 ans. Ces deux fils de combattants de la Première Guerre mondiale sont émus, même s’ils ont échangé sur l’année quelques courriers, c’est la première fois qu’ils se voient. Et quel meilleur endroit que le fort de Vaux, en quelque sorte leur entremetteur. Puisque c’est Patricia, employée du fort qui les a mis en contact. Une action soutenue par Isabelle Nourry, gérante des forts de Vaux et Douaumont, représentant la Mission Histoire du conseil départemental de la Meuse.

« Quand j’étais petit, presque chaque nuit j’entendais mon père hurler. C’était effrayant, j’étais pétrifié dans mon lit. J’ai cherché à savoir pourquoi », lance Peter Sauter. Depuis des années il revient donc régulièrement à Verdun pour ses recherches, épaulé par Pierre Lenhard, passionné d’histoire. Avec Jean-François Cante, ils ont en commun des pères qui n’évoquaient pas cette période de guerre « pour nous protéger certainement », supposent-ils. « Juste sa blessure », confie M. Sauter, « Il avait été touché au dos par un shrapnel, ouvert au ventre, ses boyaux sortaient. Devant lui un poste sanitaire souterrain, derrière plus loin un poste de secours normal. Il a décidé de courir vers ce dernier, et c’était bien car dans l’autre tous sont morts tués par les gaz. Il a passé la nuit sur un brancard dans la ferme de Sorel près de Loison avec d’autres blessés. Quand le médecin après avoir cuvé son vin, a fait son tour, c’est lui qu’il a décidé d’opérer en premier. » Et il survécut malgré les quelques éclats d’obus, méchamment installés dans son dos.

La bataille de Verdun vue d’en haut

« Moi, mon père refusait de répondre à toutes mes questions et même à celles de mon fils. Mais je sais qu’au moment de la bataille de Verdun, il était au-dessus de la ville. Il était aérostier », lance Jean-François Cante, « et j’ai retrouvé ceci » et de sortir d’une boîte son carnet d’instruction militaire et d’autres documents. « J’ai aussi chez moi son porte-billets, sa plaque d’immatriculation, collier et bracelet et son quart. » Une immense fierté pour lui qui a fait une carrière militaire et civile dans le militaire et tout son service militaire à Verdun de 1966 à fin 1967. Sans oublier son fils, Olivier, gendarme à Sainte-Menehould.

Impressionné, Peter Sauter observe les documents avec attention et précaution. Et se souvient d’une autre anecdote, la fois où son père, alors maire de Egeheim a rencontré François Mitterrand, prisonnier de guerre en vadrouille. « Je l’ai retrouvé dans son livre ‘’Mémoires interrompus’’ ». Livre qu’il offre à Jean- François Cante tandis que celui-ci lui tend une bouteille d’un cru de chez lui. Chacun dévoile la photo de son père et d’imaginer ce que ceux-ci ont dû subir sur le champ de bataille. La rencontre d’aujourd’hui, elle, se veut en toute amitié.

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