Publié le: 8 septembre 2017

Non à Prévoyance vieillesse 2020

L’invité du mois

Un bref historique tout d’abord. L’AVS − système à répartition − garantit à toute personne ayant cotisé une retraite (et également des prestations au décès) d’un montant dépendant du salaire moyen actualisé durant toute sa carrière mais au moins la rente minimum (actuellement 14 100 francs par an pour une personne seule) et au plus la rente maximum (actuellement 28 200 francs par an). Et cela, pour autant que le nombre d’années de cotisation soit complet. Le deuxième pilier − système à capitalisation individuelle − a été construit dès 1985, de façon à ce que la somme de la rente AVS et celle du deuxième pilier représente 60% du dernier salaire, pour un très grand éventail de salaires.

Les hypothèses de l’époque (règle d’or) à savoir des rendements moyens de 4% et des augmentations salariales moyennes de 4% également, ainsi qu’une espérance de vie basée sur le début des années 80, permettaient d’atteindre le but fixé par le législateur. Cette construction justifiait alors aussi bien le seuil d’entrée LPP (salaire minimal) que la déduction de coordination, ainsi que le taux de conversion, c’est-à-dire le facteur qui transforme un capital en rentes. Pendant de nombreuses année, ce taux a pu être maintenu à 7,2%, il est actuellement de 6,8%.

Qu’en-est-il aujourd’hui? Peu d’inflation, des taux d’intérêts au plus bas voir négatifs, de très faibles augmentations de salaires, ainsi qu’une espérance de vie qui s’accroit (et c’est tant mieux!) sont autant d’éléments qui affaiblissent le deuxième pilier et ne permettent plus de garantir une rente globale de 60% du dernier salaire.Pour atteindre ce but, il n’y a pas de remède miracle, il faut au moment de la retraite disposer de capitaux plus élevés. Or cela ne peut résulter que d’une augmentation de la durée des cotisations (cotiser plus tôt, travailler plus longtemps), ou que dans l’augmentation du montant des cotisations ou encore que par un apport de fonds extérieurs (entreprise ou le contribuable pour les caisses publiques).On peut toujours espérer que le troisième cotisant (la performance financière) apporte une contribution plus importante que celle que l’on connaît aujourd’hui, mais cela est très improbable selon les économistes.

Quid du taux de conversion? Les politiciens se sont enflammés sur le taux de conversion qui a été ainsi politisé, alors qu’il s’agit d’un élément purement mathématique provenant d’éléments actuariels simples (taux d’intérêt et table de mortalité). Si l’on veut modifier uniquement ce taux, les éléments constitutifs doivent obligatoirement être adaptés: c’est un problème mathématique et non politique. Si, par décision politique, un taux de conversion arbitrairement trop haut était décidé, les caisses de pensions ne pourraient plus survivre, car les capitaux dont elles disposeraient ne permettraient plus de payer entièrement les rentes. Le problème est dramatique pour les caisses qui sont en sous-couverture (quand la fortune ne permet pas de couvrir tous les engagements), car elles doivent se recapitaliser et simultanément prendre des mesures pour l’avenir. Elles sont aussi en situation très difficile dans le choix de leurs placements, car elles ne sont plus en mesure de prendre le moindre risque.

Un complément d’AVS de 70 francs 
par mois? Ce n’est vraiment pas une 
bonne idée. En effet voulons-nous 
vraiment déstructurer notre prévoyance vieil­lesse en faisant participer l’AVS et son sys­tème de répartition, financé par la contribu­tion de la Confédération et par ses cotisants 
(pour lesquels les cotisations au-delà d’un 
certain salaire relèvent de la fiscalité pure) 
au déficit structurel de notre deuxième pilier 
financé sur la base d’un partenariat social par les employeurs, les assurés et espérons-le par un troisième cotisant? Est-ce là une 
seconde attaque après AVSplus sur notre système de prévoyance? La gauche souhaite-elle mettre le grappin sur notre deuxième 
pilier? Pourquoi 70 francs par mois et non 50 francs ou bien 200 francs? Et que se passera-
t-il dans deux, cinq ou dix ans? Selon la situation, il faudra augmenter ce complément AVS ou bien le diminuer ou encore le supprimer. On devra alors créer un système générationnel des plus injustes et des plus compliqués, puisque chaque classe d’âge aura sa propre attribution.

La rente proposée ne sera versée qu’aux nouveaux retraités.Les retraités des années précédentes n’en bénéficieront nulle­ment, il faudra donc certainement envisager de réduire cet effet de seuil. Pour les bénéficiaires d’une retraite confortable ce versement ne va pas changer leur niveau de vie.Par contre, pour ceux qui bénéficient d’une retraite modeste et de prestations complémentaires, cette rente supplémentaire va les pénaliser. En effet, les 70 francs de complément vont être portés en déduction des prestations complémentaires. Dès lors, comme les rentes AVS sont imposées et pas les prestations complémentaires, le retraité se verra amputé de revenu.Voulons-nous vraiment pénaliser les plus modestes de nos concitoyens?

Voulons-nous vraiment une AVS à deux (voire même à plusieurs) vitesses? Il y a là une injustice et le principe d’égalité de traitement pour tous est bafoué. Le financement de cette mesure, qui coûtera 1,4 milliard par an, alourdira les charges de la Confédération puisqu’elle doit financer l’AVS à près de 20%. Elle devra donc augmenter les cotisations et la TVA (financée par tous y compris par les anciens retraités qui ne bénéficient pas de l’augmentation de 70 francs) ou rehausser l’impôt fédéral direct ou encore prendre des mesures d’économies. De plus, toutes les assurances sociales ont des difficultés financières. Les dettes sont importantes et les réserves sont en forte diminution. Il faut absolument pérenniser pour elle-même notre AVS, sans la contraindre à des dépenses supplémentaires de façon à ce qu’elle atteigne sa stabilité financière à long-terme. L’augmentation de l’âge terme pour les femmes va dans ce sens, même si la mesure est politiquement impopulaire et difficile à faire passer dans l’opinion, alors qu’elle est absolument nécessaire et techniquement justifiée −les femmes ayant une espérance de vie plus longue que les hommes).

Et les caisses de pensions? Les caisses de pensions ont un objectif prioritaire, à savoir garantir les prestations contractuelles en maintenant un taux de couverture et des réserves suffisants. Cela peut passer par des mesures drastiques dans le cadre d’une modification profonde du règlement ou encore par des réductions de taux d’intérêt ou de taux de conversion, ce qui entraîne automatiquement des diminutions de prestations. Dans certains cas extrêmes, une réduction des rentes en cours peut même être envisagée. Le Conseil de fondation a un rôle primordial à jouer. Il doit prendre les bonnes décisions au bon moment. Pour ce faire, il doit être formé et remis à niveau en permanence de façon à accomplir sa tâche dans le cadre strict du deuxième pilier et de son évolution. Attendre que cela passe est la pire des solutions. Vouloir compléter les prestations par une participation de l’AVS est un non-sens, chaque composant de notre prévoyance doit s’organiser pour lui-même.

Pour conclure, ce sera Non à cette réforme de façade qui ne garantit pas des rentes sûres et pérennes et n’assure pas la conservation du contrat intergénérationnel. Voter Non bloque une pseudo-
réforme et ouvre la voie vers une vraie réforme qui évite de péjorer tout le système de la prévoyance vieillesse.

Non le 24 septembre à la loi fédérale du 17 mars 2017 sur la réforme de la Prévoyance vieillesse 2020!

Les opinions exprimées dans cette rubrique ­n’engagent que l’auteur.

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