Cet article vous est offert
Pour lire gratuitement cet article réservé aux abonnés, connectez-vous
Vous n'êtes pas inscrit sur Le Monde ?

Les perturbateurs endocriniens, qu’est-ce que c’est ?

Souvent cités comme une préoccupation sanitaire majeure en France, les perturbateurs endocriniens et les risques qu’ils présentent sont pourtant mal connus.

Par  et

Publié le 01 mars 2017 à 15h31, modifié le 04 septembre 2018 à 09h59

Temps de Lecture 4 min.

Ils ont un nom barbare mais ils reviennent de manière récurrente dans le débat public. Les perturbateurs endocriniens sont présents dans de très nombreux produits. Près de deux tiers des résidus de pesticides détectés dans l’alimentation européenne sont le fait de molécules suspectées d’être des perturbateurs endocriniens, a révélé une enquête de l’ONG Générations futures publiée mardi 4 septembre.

En décembre, les Etats membres de l’Union européenne avaient fini par adopter de nouveaux critères d’identification – après un premier veto par le Parlement européen qui les jugeait trop laxistes. Ces substances chimiques, omniprésentes dans l’environnement humain, représentent un enjeu sanitaire majeur pour les années à venir, mais restent mal connues du grand public.

Qu’est-ce qu’un perturbateur endocrinien ?

Un perturbateur endocrinien (PE) est un agent chimique capable d’interférer dans le système hormonal d’un organisme. Pour rappel, les hormones sont des molécules messagères secrétées dans le sang par des glandes spécialisées pour réguler à distance le comportement de certains organes ou tissus. Elles régulent de très nombreux comportements et mécanismes de notre corps, tels que la croissance et la puberté, la température corporelle, le métabolisme de graisses, la faim ou la satiété, le sommeil, la libido, le niveau d’insuline, le rythme cardiaque, etc.

  • Les « glandes endocrines »

Les hormones sont sécrétées par des glandes dites « endocrines » (littéralement « qui sécrètent à l’intérieur », contrairement aux glandes « exocrines » qui sécrètent des molécules destinées à être expulsées de l’organisme). Elles sont diffusées par le système sanguin jusqu’aux organes cibles auxquelles elles « s’accrochent » grâce à un système de récepteurs uniques à chaque organe et pour lesquelles elles sont conçues. Et c’est précisément sur ce système de récepteurs que les perturbateurs endocriniens agissent en se fixant sur les organes à la place des hormones, qu’ils sont capables d’« imiter » parce qu’ils ont certaines propriétés chimiques semblables.

Un perturbateur endocrinien qui se fixe sur le récepteur hormonal d’un organe ou d’un tissu peut alors créer un stimulus et modifier le comportement de celui-ci, même lorsque aucune hormone n’a été sécrétée. Les perturbateurs peuvent aussi bloquer l’action des hormones en se fixant en grand nombre sur les récepteurs que ces dernières doivent utiliser.

Où trouve-t-on les perturbateurs endocriniens ?

Parmi les perturbateurs endocriniens, on trouve des substances produites intentionnellement pour leur effet hormonal (contraception, traitement de la stérilité, etc.). Après leur prise, ces hormones naturelles ou de synthèse sont rejetées en partie dans l’urine et la matière fécale. Ces rejets entraînent un risque indirect : « Ils persistent dans l’environnement de longues années et peuvent être transférés d’un compartiment de l’environnement à l’autre (sols, eau, air, etc.) de longues années après qu’ils ont été produits », note l’Inserm.

  • Bisphénol A

On trouve également, parmi les perturbateurs, des substances dont le but premier n’est pas de produire un effet sur le système endocrinien, à l’image du bisphénol A. Ce dernier est présent dans beaucoup de produits du quotidien – emballages alimentaires plastifiés, mais aussi lunettes, certains composites dentaires, tickets thermiques des caisses enregistreuses ou revêtement interne des boîtes de conserve ; il est également présent dans certains cosmétiques, qui comportent par ailleurs d’autres perturbateurs, comme des parabènes ou des phtalates.

  • Certains pesticides

Certains pesticides comportent des composés dits « organochlorés » (littéralement, qui comportent au moins un atome de chlore) comme le chlordécone ou le DDT. Malgré l’interdiction de ces produits en France (respectivement en 1993 et en 1971), ils sont toujours à l’origine de cancers et de maladies endocriniennes aujourd’hui.

  • Matières imperméabilisantes

Des perturbateurs endocriniens, les composés perfluorés, sont aussi contenus dans les matières imperméabilisantes comme dans les textiles antitaches et dans certains emballages alimentaires cartonnés ou plastifiés. Ils peuvent être à l’origine de cancers de la prostate ou de stérilité.

Enfin, pour rendre certains produits moins inflammables, comme les plastiques, les textiles (rideaux, tapis, etc.) ou les équipements électriques, des « composés polybromés » sont ajoutés. Ils peuvent avoir des effets au niveau des fonctions hépatiques, thyroïdiennes et œstrogéniques.

Plus rares, certains perturbateurs endocriniens sont produits naturellement en petites quantités par des plantes, comme les phyto-oestrogènes (germe de luzerne, soja, froment, etc.).

  • Dans les fonds marins

Les êtres humains ne sont pas les seuls à être contaminés puisque l’on retrouve régulièrement des traces de ces perturbateurs dues aux activités humaines dans des milieux naturels que l’on pensait jusqu’ici préservés, comme les forêts primaires ou les fonds marins profonds, dans lesquels ont été retrouvées des traces importantes de certains perturbateurs endocriniens (les PCB et les PDBE).

Le Monde
-50% sur toutes nos offres
Accédez à tous nos contenus en illimité à partir de 11,99 € 5,99 €/mois pendant 1 an.
S’abonner

En 2013, un rapport commun de l’OMS et du PNUE indiquait que près de 800 produits chimiques sont connus ou soupçonnés d’interférer avec le système hormonal humain. Seule une faible proportion de ces produits a subi des tests visant à identifier des effets manifestes sur des organismes vivants.

Lire aussi Article réservé à nos abonnés Perturbateurs endocriniens : la fabrique d’un mensonge

A quels niveaux d’exposition le risque sanitaire devient-il sérieux ?

La particularité des perturbateurs endocriniens est qu’une très faible dose peut suffire à augmenter les risques de développement de certaines maladies en lien avec le système hormonal, car la quantité d’hormones secrétées est généralement faible pour fonctionner de manière efficace. Les individus sont plus vulnérables aux perturbateurs endocriniens pendant les périodes importantes dans le développement biologique du corps humain, comme la gestation ou la puberté.

Certains perturbateurs endocriniens peuvent également produire des effets qui se transmettent entre les générations. La hausse des maladies liées au système hormonal constatée aujourd’hui peut donc également s’expliquer par une exposition des générations précédentes à des perturbateurs endocriniens.

De plus, la méthode avec laquelle sont déterminés les niveaux d’exposition « sûrs » pour l’être humain se révèle elle-même inadaptée, selon le rapport de l’OMS de 2013. Cette méthode suppose qu’il existe un seuil sous lequel nous n’observons jamais d’effets adverses et que des faibles doses n’ont aucune conséquence, alors même que les travaux de recherches menés ces dernières années ont montré qu’un tel seuil n’existe pas nécessairement et que les perturbateurs endocriniens peuvent agir à faible dose.

Plusieurs études ont estimé le coût sanitaire de l’exposition à ces substances à 157 milliards d’euros par an pour l’Europe et à 340 milliards de dollars annuels aux Etats-Unis.

Retrouvez tous les articles explicatifs des Décodeurs dans notre rubrique « Pour comprendre ».
L’espace des contributions est réservé aux abonnés.
Abonnez-vous pour accéder à cet espace d’échange et contribuer à la discussion.
S’abonner

Voir les contributions

Réutiliser ce contenu

Lecture du Monde en cours sur un autre appareil.

Vous pouvez lire Le Monde sur un seul appareil à la fois

Ce message s’affichera sur l’autre appareil.

  • Parce qu’une autre personne (ou vous) est en train de lire Le Monde avec ce compte sur un autre appareil.

    Vous ne pouvez lire Le Monde que sur un seul appareil à la fois (ordinateur, téléphone ou tablette).

  • Comment ne plus voir ce message ?

    En cliquant sur «  » et en vous assurant que vous êtes la seule personne à consulter Le Monde avec ce compte.

  • Que se passera-t-il si vous continuez à lire ici ?

    Ce message s’affichera sur l’autre appareil. Ce dernier restera connecté avec ce compte.

  • Y a-t-il d’autres limites ?

    Non. Vous pouvez vous connecter avec votre compte sur autant d’appareils que vous le souhaitez, mais en les utilisant à des moments différents.

  • Vous ignorez qui est l’autre personne ?

    Nous vous conseillons de modifier votre mot de passe.

Lecture restreinte

Votre abonnement n’autorise pas la lecture de cet article

Pour plus d’informations, merci de contacter notre service commercial.