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En 2019, les stagiaires ont-ils pris le pouvoir ?

ANALYSE // Chaque année, les classements ChooseMyCompany/HappyIndex®Trainees 2020, révélés en exclusivité par “Les Echos START”, sont très attendus par les entreprises, de plus en plus soucieuses de leur marque employeur auprès des stagiaires et alternants. Attention spoiler : celles qui ont les meilleures notes, sont celles qui se sont adaptées pour plaire…

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Chez Bouygues Construction (n°3 du classement de la catégorie Internationale), ambiance sportive lors d’un événement pour consolider le binôme tuteur-stagiaire/alternant. (Bouygues Construction)
Publié le 9 oct. 2019 à 17:41Mis à jour le 10 oct. 2019 à 10:39

“Un bon candidat peut être recruté en 48 heures, à peine”, assure Celica Thellier d'Auzers, cofondatrice de ChooseMyCompany, le site de notation des entreprises par leurs collaborateurs. C’est un fait : le marché est particulièrement tendu et la nouvelle génération de stagiaires et d’alternants en position de force. Pour prendre sa décision, un étudiant étudie de près les employeurs, les compare à ses concurrents (en termes de rémunération, contenu de la mission, accueil, intégration et avantages), lit les témoignages d’anciens stagiaires et consulte les classements. Bref, les entreprises n’ont plus le droit à l’erreur. Ce qui explique pourquoi, les entreprises les mieux notées sont celles qui ont “réellement ‘professionnalisé’ l’expérience stagiaires ou alternants”, assure-t-on chez ChooseMyCompany.

L’opération séduction commence avant même le processus de recrutement. L’idée étant de faire rayonner l’entreprise dans l’esprit des candidats. Cette année et pour la première fois, Bouygues Construction a ouvert ses portes à des milliers de potentiels alternants, dans quatre villes de France. L’occasion de mettre toutes les chances de son côté pour convaincre celui ou celle qui hésitait encore à postuler. Pari réussi pour la campagne de communication “seras-tu le millième alternant à intégrer Bouygues Construction ?”, si l’on en juge sa troisième position dans le classement, catégorie International (les entreprises dont les étudiants peuvent effectuer leurs missions dans différents pays). 

Un processus de recrutement revisité

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Depuis peu, Capgemini a bouleversé le déroulé de l’entretien. Fini la présentation de l’entreprise par le responsable RH. Désormais, le candidat télécharge pendant l’entretien, un jeu sur son téléphone et teste ses connaissances sur l’entreprise. “C’est grâce aux retours des stagiaires et des alternants, que l’on a adapté l’échange et que l’on se démarque” explique Jihane Baciocchini, directrice du recrutement.

Sans surprise, le montant de la rémunération joue un rôle dans la décision finale de l’étudiant. Certaines entreprises l’ont bien compris et pour faire la différence sur un marché hautement concurrentiel, elle n’hésitent pas à mettre le prix. Chez Theodo, une entreprise de développement d'applications web et mobiles, “les stagiaires-développeurs sont très bien rémunérés, un montant supérieur au SMIC” assume Julien Laure, Chief Executive Officer.

Basé à Rouen, le groupe Ferrero, se distingue de son côté, en prenant en charge les frais de déplacement et d’hébergement de ses alternants, lorsqu’ils sont à l’école. Une aide financière qui soulage et pèse sûrement dans la balance au moment des choix.
D’autres, enfin, misent sur les services : “On met à disposition de tous nos salariés et stagiaires, un coiffeur, un pressing et une cantine”, décrit fièrement Michaël Truntzer, responsable Ressources Humaines de Bouygues Construction.

Parier sur la première impression

Quand l’étudiant est recruté, l’équipe RH organise souvent, une journée d’intégration. Beaucoup d’employeurs surinvestissent ce premier jour pour faire bonne impression. Chez Antemeta, un cabinet de conseil dans l’IT, “les 19 alternants rencontrent les différents managers de l’entreprise les différents services, et se voient attribuer un guide de bienvenue et des goodies”, décrit Charlotte Daviau, la DRH. Cette année, nouveauté : la promotion 2019 porte même un nom, histoire de souder les troupes. Elle s’appelle Bill Gates.

Du côté de la maison de mode Chloé, les nouveaux venus “vont à la rencontre des différents métiers et assistent à une présentation de l’entreprise en présence de membres de la direction. À travers cet événement, on montre qu’ils comptent”, estime Sophie Surteauville, DRH. Quant à Capgemini, le cabinet propose carrément un séminaire d’intégration au Château de Chantilly.
Même investissement au siège français de Ferrero, à Rouen, où chaque année, une centaine de jeunes venus de toute la France sont accueillis. Pour les fédérer, “en plus de la phase d’intégration, on organise un tour de la ville en partenariat avec l’Office du Tourisme” précise Valérie Savoye. Au quotidien, l’équipe RH veille à ce qu’une communauté se crée, que les jeunes déjeunent ensemble, qu’ils se retrouvent lors d’événements. Dans cette optique, Bouygues Construction utilise Yammer, une sorte de réseau social interne, qui permet de souder des communautés, notamment une dédiée aux stagiaires et alternants.

Donner des feedbacks et gagner des points

Après l’effet “whaou” de “l’onboarding”, reste à convaincre sur la durée. Pour cela, très vite, le stagiaire ou l’alternant est considéré comme un collaborateur. Une personne à qui l’on confie des responsabilités et des missions “en mode projet”. Chez Theodo, “on traite les stagiaires exactement comme les non-stagiaires”. Ce sont tous des “Theodoer”, autrement dit des développeurs destinés à progresser et à atteindre des objectifs.

“Un millennial a besoin d’avoir un retour sur son travail. Il a soif de grandir”, observe Celica Thellier d'Auzers. Par conséquent, beaucoup parmi les entreprises les mieux classées forment des binômes entre un coach et un coaché (l’étudiant). Chez Chloé, dès la première semaine, une réunion avec le manager et une autre avec le service RH sont prévues pour prendre la température. Puis à mi-parcours, on refait le point, pour évaluer la progression. En fin de stage, on réfléchit aux prochaines étapes, à l’après Chloé.

Valeurs et travail, compatibles ?

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Pour mieux cerner les attentes des étudiants et mieux y répondre, Bouygues Construction organise régulièrement des groupes de travail. Dans ce cadre, l’étudiant est invité à s’exprimer librement, à dire ce qui lui plaît dans l’entreprise, ce qui le déçoit et confronte ses valeurs à celles de l’entreprise. “Pour environ 70% de nos stagiaires et alternants, travailler dans une entreprise qui se soucie de son impact environnemental est décisif. On essaie donc d’orienter la stratégie de l’entreprise dans ce sens”, évoque le responsable RH de Bouygues Construction.

Chez The Walt Disney Company, “nous offrons, dans le cadre de notre programme Voluntears, la possibilité pour nos alternants de passer 40 heures du temps travaillé par an, au profit d’une association sélectionnée, pour apporter du soutien aux enfants malades ou en faveur de l’environnement”. Ce qu’on appelle le mécénat de compétences.

Pour beaucoup de responsables RH, un stagiaire ou un alternant comblé va rester ensuite dans l’entreprise. Pour ce faire, “on propose des sessions ‘carrière’. On leur parle de tous les métiers qui existent chez nous, des possibilités d’évolution, et des démarches à suivre pour être informé et pouvoir postuler”, raconte Eléonore De Lagarde, responsable RH chez Danone. Côté Theodo, on va droit au but : “on leur fait une proposition d’embauche, à la moitié du stage”. Et puis ? “Jusqu’ici, tous ont dit oui”.

Léa Taieb

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