You are on page 1of 32

La guerre dans les rues

Lemploi darmes hautement destructrices dans les villes viole-t-il le droit de la guerre?

chapper la violence
Aprs les guerres et les catastrophes, la violence prend racine dans certaines villes

Croix-Rouge Croissant-Rouge
N U M R O 3 . 2014 www.redcross.int

Trouver refuge
Pour les handicaps, sismes et inondations sont encore plus terrifiants

Le visage
de lhumanit
LE MAGAZINE DU MOUVEMENT INTERNATIONAL
DE LA CROIX-ROUGE ET DU CROISSANT-ROUGE

Le Mouvement international de la Croix-Rouge


et du Croissant-Rouge comprend trois composantes:
le Comit international de la Croix-Rouge (CICR), la Fdration
internationale des Socits de la Croix-Rouge et du
Croissant-Rouge (FICR) et les Socits nationales.

Fdration internationale des Socits


de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge

CICR
Organisation impartiale, neutre et indpendante,
le Comit international de la Croix-Rouge
(CICR) a la mission exclusivement humanitaire
de protger la vie et la dignit des victimes de
conflits arms et dautres situations de violence,
et de leur porter assistance. Le CICR sefforce
galement de prvenir la souffrance par la
promotion et le renforcement du droit et des
principes humanitaires universels. Cr en 1863,
le CICR est lorigine des Conventions de Genve
et du Mouvement international de la Croix-Rouge
et du Croissant-Rouge, dont il dirige et coordonne
les activits internationales dans les conflits
arms et les autres situations de violence.

La Fdration internationale des Socits


de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge
(FICR) est le plus vaste rseau humanitaire de
volontaires au monde. Il touche chaque anne,
travers ses 189 Socits nationales, 150millions
de personnes. Ensemble, nous uvrons avant,
pendant et aprs les catastrophes et les urgences
sanitaires pour rpondre aux besoins et amliorer
les conditions dexistence des personnes
vulnrables. La FICR agit de faon impartiale,
sans distinction de nationalit, de race, de sexe,
de croyances religieuses, de classe ou dopinion
politique. Guide par la Stratgie2020 son plan
daction collectif pour relever les grands dfis
de la dcennie en matire daide humanitaire et
de dveloppement, la FICR est dtermine
sauver des vies et changer les mentalits.

Les Socits nationales de la Croix-Rouge et


du Croissant-Rouge mettent en application les
buts et les principes du Mouvement international
de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge dans
189 pays. Elles y assument le rle dauxiliaires
des pouvoirs publics pour tout ce qui concerne
lhumanitaire et y conduisent des activits dans
des domaines tels que les secours en cas de
catastrophe, les services de sant et lassistance
sociale. En temps de guerre, elles fournissent
une assistance la population civile affecte et
apportent leur soutien aux services de sant de
larme, le cas chant.

Le Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge


est guid par sept Principes fondamentaux :
humanit, impartialit, neutralit, indpendance, volontariat, unit et universalit.
Toutes les activits de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge poursuivent le mme objectif :
aider ceux qui souffrent, sans discrimination aucune, et contribuer ainsi la paix dans le monde.

Tirer les
leons dEbola
L
A VILLE DE KENEMA, dans la troisime
zone urbaine de Sierra Leone, est lune
des plus durement touches par la
flambe pidmique de maladie virus Ebola
en Afrique occidentale. Des quipes locales
et internationales de soignants de la CroixRouge et du Croissant-Rouge sy activent,
risquant leur vie quotidiennement pour
que toute personne admise dans le centre
de soins durgence de la FICR bnficie des
meilleures chances de survie. Le centre a ouvert ses portes en septembre la demande
du gouvernement sierra-lonais et il devrait
fonctionner pendant 12mois.

Paralllement, depuis le mois de mars, des


milliers demploys et de volontaires CroixRouge forms travaillent darrache-pied en
Guine, au Libria et en Sierra Leone pour informer et mobiliser les communauts, pour
soigner les malades et pour inhumer les victimes sans risque et dans la dignit: autant
de tches essentielles pour juguler lpidmie. Ces agents sont les hros sur le front
dun effort mondial pour empcher Ebola de
stendre davantage encore. La Croix-Rouge
et le Croissant-Rouge ont aussi dispens une
prparation aux situations durgence et des
cours de formation dans 15 pays dAfrique
dj touchs ou exposs au risque.
Grce leur labeur, nous finirons par vaincre
cette maladie. Dores et dj, cependant, une
question cruciale simpose: et aprs? Nous
contenterons-nous de pousser un grand soupir de soulagement pour passer dautres
dossiers, ou saurons-nous tirer les leons de
cette pidmie sans prcdent?
Si cette pidmie rvle une chose, cest bien
de quelle manire foudroyante une maladie
peut ravager des socits dpourvues de systmes sanitaires solides et fonctionnels pour
dtecter les maladies, informer la population
et ragir rapidement lchelle ncessaire.

Mme dans les pays les plus avancs, la


flambe pidmique a rvl des lacunes en
matire de prparation, de formation et de
matriel. Dans ces tats fragiles, qui mergent tout juste des tnbres de la guerre et
dannes dinstabilit politique, le manque
de lits dhpital, de personnel, dambulances
et dautres outils essentiels a fait que de
nombreuses personnes nont jamais t hospitalises, mais renvoyes chez elles pour y
tre soignes par leurs proches, qui souvent
ont t contamins leur tour.

La crise a aussi mis au jour de graves lacunes


dans la capacit de raction des organisations humanitaires internationales, des
organisations de sant et des donateurs. Une
importance excessive a t accorde au cours
des dernires annes la ralisation de projets ciblant un problme ou une maladie, ou
axs sur des objectifs de sant spcifiques,
plutt que sur le dveloppement de systmes de sant fonctionnels, capables de
ragir une large gamme de catastrophes
sanitaires ou naturelles inattendues.
Le Mouvement de la Croix-Rouge et du
Croissant-Rouge continuera pauler les
communauts touches, avant, pendant et
aprs lpidmie, et soutenir le dveloppement des capacits des Socits nationales
en tant que partenaires de premier plan dans
les rseaux locaux de prparation et de prvention.
Tout ceci ne suffira pas, cependant, sans investissements, aussi bien publics que privs,
dans des solutions long terme qui englobent lducation, la bonne gouvernance,
de meilleures infrastructures et des systmes
de sant qui fonctionnent bien. Il y faudra du
temps et de largent, certes, mais les cots de
lautre option des flambes meurtrires
toujours plus nombreuses sont encore
plus levs.

Photo: FICR

ditorial

Linitiative lance dernirement par la Banque


mondiale afin de crer un fonds durgence
dot de 20milliards de dollars est un pas dans
la bonne direction. Cet investissement devrait
toutefois aussi contribuer au dveloppement
de systmes qui empcheront de futures
flambes, qui les dtecteront rapidement
lorsquelles se produiront et qui aideront les
communauts locales ragir par leurs propres
moyens. De nombreux tats fragiles auront
toujours besoin dune aide humanitaire extrieure durant les situations durgence, mais le
dveloppement des capacits locales, bas sur
les connaissances locales et soutenu par elles,
pourrait grandement rduire ces besoins.
Au sein du Mouvement de la Croix-Rouge et
du Croissant-Rouge, nous uvrons depuis
de nombreuses annes au renforcement de
la rsilience des communauts face aux catastrophes et aux urgences sanitaires. Face
des maladies mortelles telles que la dengue,
le cholra, le paludisme, le VIH/sida et Ebola,
la riposte rside presque invariablement dans
des solutions globales qui font appel la fois
aux communauts, aux collectivits locales et
aux gouvernements, ainsi quaux coles, aux
institutions mdicales locales et la socit
civile, en unissant les efforts de tous.
Alors que nous travaillons lradication dEbola
en Afrique occidentale et ailleurs, jexhorte la
communaut internationale dployer des
ressources une chelle qui reflte lampleur
des difficults et des sacrifices faits par ceux qui
se battent sur le front. Nous devons aussi garder
le regard tourn vers lavenir, pour que, une fois
ce flau vaincu, nous puissions canaliser nos
nergies vers la prochaine tape: faire en sorte
que toutes les nations fragiles deviennent plus
saines, plus sres et mieux prpares.
Elhadj As Sy
Secrtaire gnral de la Fdration internationale des
Socits de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge.
N U M R O 3 . 2014 | C R O I X - R O U G E C R O I S S A N T - R O U G E | 1

Appel lhumanit
En Irak et en Syrie, la prolifration de
groupes arms et les rcentes frappes
ariennes internationales ont aggrav
les consquences humanitaires des
conflits et rendu plus difficile encore
lacheminement de laide humanitaire.
Les conflits en Syrie et en Irak mettent
chaque jour en pril un nombre
toujours plus grand de personnes, a
dclar Dominik Stillhart, directeur des
oprations du CICR. Le CICR a lanc un
appel toutes les parties impliques
dans ces conflits pour quelles
respectent le principe fondamental
de la dignit humaine, pargnent la
population civile les effets des hostilits,
et facilitent une action humanitaire
neutre, indpendante et impartiale.

Petites armes, grands effets


Un trait sur le commerce des
armes qui rglemente les transferts
internationaux darmes classiques est
entr dernirement en vigueur aprs
sa ratification par 50pays. Les partisans
de ce texte, dont le CICR, affirment
quil sagit dun progrs essentiel vers
la rduction des souffrances humaines
causes par la prolifration des armes
classiques, depuis les armes lgres
et les munitions jusquaux chars de
combat, avions de chasse et navires
de guerre. Lorsquils prennent des
dcisions sur des transferts darmes, les
pays doivent dsormais tenir compte
des consquences de leurs actes en
termes humanitaires.

Secours la frontire
Des milliers de Libyens et de travailleurs
trangers ont fui en Tunisie pour
chapper aux affrontements arms
en Libye. Le Croissant-Rouge tunisien
a ouvert une base oprationnelle
proximit de la frontire pour fournir
de la nourriture, un appui psychosocial
et dautres services, avec laide de la
FICR et du gouvernement du Japon.
Le Croissant-Rouge libyen, lune des

chos
Personne ne veut mapprocher. Les
gens ont peur. Ils refusent mme de
toucher notre argent si nous voulons
acheter quelque chose au magasin
ou manger au restaurant.
Nelson Sayon, 29ans, membre de lquipe
dinhumation sans risque et dans la dignit de la
Croix-Rouge du Libria dans la capitale du pays,
Monrovia, cit par le magazine Time.

rares organisations humanitaires


encore luvre en Libye, a fourni une
assistance mdicale et des secours
durgence depuis le dbut
des violences au mois de mai.
Face la dgradation des conditions
de scurit dans le pays, le CICR a
temporairement vacu ses employs
internationaux Tunis en juillet. Le
CICR a collabor avec le CroissantRouge libyen, avec lappui de 130
collaborateurs locaux, pour apporter
une aide essentielle aux hpitaux du
pays, pour ragir aux urgences et pour
secourir les personnes dplaces.

Des militaires
dbattent du DIH
Des officiers suprieurs de 57 pays se
sont runis Xian (Chine) la fin du
mois de septembre pour participer
latelier pour officiers suprieurs sur
les rgles internationales rgissant
les oprations militaires (SWIRMO)
2014. Dans un exercice de simulation,
les officiers avaient pour mission de
librer une petite le sous contrle
de lennemi tout en respectant le
droit international humanitaire (DIH).
Organis conjointement par le CICR
et lArme populaire de libration de
Chine, latelier SWIRMO 2014 a offert
aux militaires de haut rang une occasion
sans pareil dchanger leurs expriences
sur la difficult dappliquer le droit
rgissant les oprations militaires.
Aujourdhui, le droit des conflits arms
est confront de nombreux dfis, il est
donc capital que les pays amliorent
la communication sur ce sujet, assure
Yan Jun, secrtaire gnral adjoint du
dpartement de politique gnrale
de lArme populaire de libration de
Chine.

Au Pakistan, la mousson
dclenche des inondations
Les pluies tardives de la mousson au
mois de septembre ont provoqu
dimmenses inondations dans de
vastes tendues du Pakistan, touchant
quelque 2millions de personnes.
Lautorit nationale de lutte contre
les catastrophes a annonc que prs
de 44000foyers et plus de 600000
hectares de cultures avaient t dtruits,
tandis que plus de 300personnes ont
perdu la vie. La Socit pakistanaise
du Croissant-Rouge a immdiatement
distribu des vivres et des articles de
secours tentes, bches, trousses
darticles dhygine et ustensiles
quotidiens 13000familles. Kausar

2 | CROIX-ROUGE CROISSANT-ROUGE | NUMRO 3 . 2014

Photo: Cheryl Gagalac/FICR

En bref...
Une anne peine aprs lun des typhons les plus puissants jamais enregistrs
aux Philippines, les efforts de relvement commencent porter leurs fruits. Maria
Redubla Liporada peut en tmoigner: elle est lune des milliers de bnficiaires
qui ont reu une subvention en espces pour moyens de subsistance de la part
du Mouvement Croix-Rouge Croissant-Rouge. Elle a utilis largent pour metre
sur pied sa boulangerie. Sur cette photographie, elle traverse un cours deau pour
aller vendre des gteaux de riz dans son village Burauen, province de Leyte,
dans le centre des Philippines.
Bibi, une femme ge de 40ans,
raconte: Tout le village tait sous deux
mtres deau. Nous sommes vivants,
mais nous avons tout perdu.

dorigine, pays de transit et pays de


destination pour prserver la dignit et
la scurit de tous les migrants, quel que
soit leur statut juridique.

Encore des migrants


disparus en mer

La crise alimentaire
menace en Somalie

Les mois rcents ont t lune des


priodes les plus meurtrires des
dernires annes pour les migrants
sur les mers. Plus de 750 personnes,
venant en majorit du Moyen-Orient
et dAfrique, se sont noyes en
Mditerranne en cherchant gagner
lEurope. Les migrants prennent souvent
la mer dans des bateaux de pche vieux
et surchargs qui parfois nont pas assez
de carburant pour gagner les rivages
europens. Pendant que des Socits
nationales comme la Croix-Rouge
italienne dlivrent les premiers secours,
apportent une assistance mdicale et un
soutien psychosocial, la FICR en appelle
une meilleure coopration entre pays

Trois ans aprs la dernire grave


crise alimentaire en Somalie, une
part toujours plus importante de la
population fait nouveau face de
graves problmes. Selon Mohamed
Sheikh Ali, qui coordonne les activits
du CICR dassistance et doptimisation
de la production alimentaire, Plusieurs
facteurs contribuent lmergence de
diffrentes situations problmatiques
ponctuelles dans le centre et le sud du
pays, mais galement dans lextrme
nord de la Somalie. Les habitants les
plus durement touchs sont ceux qui
subissent les consquences combines
des chocs climatiques et de la violence
lie au conflit.

Indice humanitaire
1 : la longueur (en kilomtres) dune
charpe tricote la main la mmoire
des personnes disparues au Prou. En
aot, lcharpe a t drape autour dun
btiment du sige du CICR Genve
pour marquer la Journe internationale
des personnes disparues*.
44 : pourcentage de dcs lis
des catastrophes causes par les
inondations en 2013. Les inondations
sont le type de catastrophe qui fait le
plus de victimes chaque anne. Les
temptes ont caus 41% des dcs
lis aux catastrophes en 2013**.
81 : pourcentage de personnes
touches par les catastrophes en 2013
vivant en Afrique**.
97 : pourcentage des enterrements de
victimes dEbola en Guine effectus
par la Croix-Rouge guinenne**.

529 : nombre de catastrophes signales


dans le monde entier en 2013, dont 337
catastrophes naturelles et 192 causes
par lhomme**.
810 : nombre de catastrophes signales
en 2005, la pire anne en termes de
nombre dvnements signals depuis
que des archives fiables existent**.
9533 : nombre de volontaires forms
pour faire face la flambe dEbola
entre mars et novembre 2014***.
102 000 : nombre dinterventions
chirurgicales ralises Gaza entre juillet
et septembre par les autorits mdicales,
pour partie avec le soutien du CICR*.
100 millions : estimation du nombre
de personnes touches par des
catastrophes en 2013 nettement
infrieur aux niveaux observs entre
2007 et 2011**.

Sources: *CICR; **Centre de recherche sur lpidmiologie des catastrophes; *** FICR

Sommaire
NUMRO 3 . 2014 . www.redcross.int
Q En couverture
Le visage de lhumanit

4 Q Rduction des risques


des catastrophes

Couverts de la tte aux pieds de vtements de protection,


les volontaires en premire ligne du combat contre
la maladie virus Ebola reprsentent le plus grand espoir
pour les personnes atteintes de cette maladie mortelle
et pour la prvention dune pidmie mondiale.

Enterrer les morts dEbola

10

Des quipes de jeunes volontaires sont luvre, souvent


du matin la nuit tombe pour effectuer lune des tches
les plus critiques et les plus dangereuses dans la lutte
contre la maladie: inhumer les corps des victimes.

Q Droit international humanitaire


Des villes sous le feu

12

Tirs dartillerie, de mortier, bombes lches par avion,


roquettes et missiles sont quelques-unes des armes
particulirement ltales et destructrices employes
aujourdhui dans des zones urbaines densment peuples.

Q Focus
La guerre dans les rues

Impression
Sur papier exempt de chlore par IRL Plus SA, Lausanne (Suisse)
Comit de rdaction
CICR
Mohini Ghai Kramer
Dorothea Krimitsas
Sophie Orr

FICR
Benot Carpentier
Pierre Kremer
Nina de Rochefort

Q 150 ans daction humanitaire


Aux sources de lHistoire

24

En janvier 2015, le CICR ouvrira ses archives


concernant les oprations de la priode 1965-1975.
Pour les historiens qui tudient les conflits de la
fin du XXesicle, cest une occasion sans pareil et
passionnante de mieux comprendre une poque qui
fut cruciale pour laction humanitaire.

Mon histoire Croix-Rouge


Croissant-Rouge

4. Le visage de lhumanit

10. Enterrer les morts dEbola


26

Le rcit mouvant dun agent de sant de longue date


du Mouvement, une histoire de vie, de mort et de sang,
des souvenirs de la cration de la Croix-Rouge du TimorLeste, et dautres rcits encore.

Supports dinformation
29
18 Q
Entre autres publications du Mouvement, le Rapport

Dans le sillage de la guerre et des catastrophes naturelles,


la violence a pris racine dans de nombreuses zones urbaines
dAmrique centrale en proie la pauvret. Quatre Socits
nationales de la rgion viennent en aide aux jeunes qui
gardent lespoir dune autre voie mais cela suffira-t-il
pour tenir la violence lcart?
Veuillez adresser vos articles, demandes de renseignements
et toute correspondance :
Croix-Rouge, Croissant-Rouge
Case postale 303, CH-1211 Genve 19, Suisse.
Courrier lectronique: rcrc@ifrc.org n ISBN 1019-9349
Rdacteur en chef
Malcolm Lucard
Secrtaire de rdaction
Paul Lemerise
dition franaise
Dominique Leveill
Maquette
Baseline Arts Ltd., Oxford (Royaume-Uni)
Mise en pages
New Internationalist, Oxford (Royaume-Uni)

23

Vivre un tremblement de terre est une preuve


terrifiante. Imagine-t-on ce quelle reprsente pour
une personne mal voyante ou en chaise roulante?
Un programme de prparation aux catastrophes de
la Croix-Rouge du Nicaragua, destin aux personnes
handicapes, est un exemple des activits menes par
les Socits nationales pour rduire les risques lis
aux catastrophes naturelles ou dues lhomme.

14 Q Portraits

Avec lurbanisation croissante sous toutes les latitudes,


la guerre moderne se droule elle aussi de plus en plus
souvent entre les immeubles dhabitation, dans les rues,
les quartiers, les centres commerciaux et les marchs des
grandes villes. Ces images illustrent les rpercussions
long terme et les cots de la guerre mene dans les villes.

Q Violences urbaines
chapper la violence

Trouver refuge

sur les catastrophes dans le monde 2014 de la FICR


analyse limpact de la culture sur la prparation aux
catastrophes, tandis que le CICR publie un guide sur
les enfants en dtention.

Nous remercions chaleureusement les chercheurs et le personnel dappui


du CICR, de la FICR et des Socits nationales pour leur concours.
Croix-Rouge, Croissant-Rouge parat trois fois par an, en langues
anglaise, arabe, chinoise, espagnole, franaise et russe. Il est tir
plus de 70000exemplaires et diffus dans 189 pays.
Les opinions exprimes nengagent que les auteurs des articles et ne
refltent pas ncessairement lopinion du Mouvement international
de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge. Les articles non sollicits
sont les bienvenus, mais ne seront pas renvoys.
La rdaction se rserve le droit de rcrire tous les articles. Les articles et les
photographies non soumis au droit dauteur peuvent tre reproduits sans
autorisation pralable; prire de citer Croix-Rouge, Croissant-Rouge.
Les cartes publies dans ce magazine ont une valeur strictement
informative et sont dnues de toute signification politique.

14. La guerre dans les rues

18. Hors de la zone de tir

Couverture : Un membre dune quipe dinhumation sans risque et


dans la dignit de la Croix-Rouge du Libria se prpare dsinfecter le
domicile dune personne dcde souponne davoir succomb la
maladie virus Ebola Monrovia (Libria). Photo: Victor Lacken/FICR
Photos sur cette page, de haut en bas: Katherine Mueller/FICR; Victor Lacken/FICR;
Annibale Greco/CICR; Vladimir Rojas/FICR; Socit de la Croix-Rouge du Japon

26. Mon histoire


N U M R O 3 . 2014 | C R O I X - R O U G E C R O I S S A N T - R O U G E | 3

Le visage de
lhumanit
Des milliers de volontaires ont le courage et la
compassion ncessaires pour regarder en face
lun des flaux les plus meurtriers. Cela suffira-t-il
pour arrter la maladie virus Ebola?

SMAN SESAY ne sait pas comment il a


contract le virus. Il ne se souvient pas non
plus de son arrive au centre de soins durgence de la FICR Kenema (Sierra Leone), aprs cinq
heures de route depuis son domicile Freetown.
Ce dont il se souvient, en revanche, cest davoir vu
les employs de la Croix-Rouge sapprocher de lui,
tous vtus de leur impressionnant costume de protection. Jai eu peur, reconnat cet homme de 37ans, le
deuxime patient atteint de la maladie virus Ebola
parvenu au centre. Mais ils mont bien trait.
son arrive, Osman tait lthargique, le regard
vitreux: un tat caractristique des personnes infectes par cette maladie mortelle qui avait dj fait prs

4 | CROIX-ROUGE CROISSANT-ROUGE | NUMRO 3 . 2014

de 2800morts dans les trois premiers pays touchs:


la Guine, le Libria et la Sierra Leone ( lheure o ce
magazine est mis sous presse, le nombre total de morts
dpasse 5100, dont 8 au Nigria).
En deux semaines, Osman Sesay a vu 11 patients
emmens pour tre enterrs dans le cimetire nouvellement cr. Lui a repris des forces. Ils mont parl et
mont donn des mdicaments et manger, raconte
Osman, brocanteur de profession. Ils se sont occups
de moi et mont aid rcuprer.
la fin du mois de septembre, aprs deux tests
sanguins ngatifs, Osman est devenu la premire personne avoir survcu la maladie virus Ebola dans le
centre de la FICR. Je ne sais pas pourquoi jai survcu
et les autres pas, dit-il, mais je suis enchant de rentrer
chez moi.
Le mme jour, une fillette de 11 ans, Kadiatu, elle
aussi parmi les premiers patients parvenir au centre
de soins de Kenema, a t dclare gurie. Comme elle
avait sjourn dans la zone haut risque, Kadiatu a d
subir un bain au chlore suivi dune douche normale au

Mme lhistoire dOsman, le survivant, na pas une


fin entirement heureuse. Je suis content dtre en vie,
mais ma femme et mes fils jumeaux de trois mois sont
tous morts dEbola. Il me reste un fils de 13ans. Je ne
sais pas sil est en bonne sant.

Visages dhumanit

savon, pour liminer tout reste ventuel du virus. Ses


habits infects ont t dtruits, et elle a reu une robe
neuve et de nouvelles sandales.
Les histoires dOsman et de Kadiatu nourrissent
lespoir quil est possible, avec des soins, de survivre
Ebola. Cependant, ces rcits sont rares et peu nombreux face ce virus sans merci, contre lequel aucun
traitement nexiste et qui attaque les organes si violemment que la personne infecte est pour ainsi dire
saigne mort de lintrieur.
Les premiers symptmes ressemblent ceux du
cholra : maux de tte, fi vre, diarrhe, vomissements, mais ils peuvent aussi voquer le paludisme
ou un empoisonnement alimentaire. Pourtant, la
grande majorit des malades dEbola ne vivent pas
plus de quelques semaines. Un grand nombre dentre
eux narrivent jamais jusqu un centre de soins, et
presque tous ceux qui y parviennent emporteront
avec eux, en guise dimages dtres humains, celle
dtrangers recouverts de la tte au pied dhabits de
protection blancs.

Mme dissimuls par leur quipement de protection


individuelle (EPI) le terme technique qui dsigne
lensemble combinaison, bottes, lunettes protectrices et
gants chirurgicaux en caoutchouc formant cet trange
scaphandre lunaire, les agents de sant qui saffairent ici
sont sans doute le plus authentique visage de lhumanit
dans la lutte contre ce flau particulirement inhumain.
Cest cet attirail de cosmonaute qui permet des
personnes comme Brima MomoduJr, infirmier communautaire de 28ans, daider les patients avoir le plus
de chances de survie. Et malgr les barrires que ces
habits de protection placent entre ses patients et lui, il
fait tout son possible pour soulager leurs souffrances.
Certains de nos patients ici sont tout fait stables,
explique-t-il. Ils peuvent se verser de leau et se dplacer dun endroit lautre. Ils parlent un peu. Nous en
avons aussi qui sont trs faibles. Ils ne peuvent rien
faire seuls. Manger leur est trs difficile; mme boire
de leau est difficile pour eux.
Je nourris mes patients parce que je veux quils
prennent des forces. Comme certains patients dfquent, urinent et vomissent sur eux, je dois au moins
faire leur toilette au lit pour quils se sentent rafrachis
et pour quils soient en meilleure sant. Aprs, je leur
apporte des habits pour changer les vtements salis.
Au cours dune pause entre ses tours dans la zone
haut risque, il peut enlever son masque, respirer sans
entrave lair frais et dvoiler son visage, brillant de
sueur aprs 45 minutes dans son accoutrement touffant. Je massois dehors pour respirer au moins un peu
dair frais et pour prendre un peu de repos. Jessaie de
rcuprer suffisamment pour retourner servir mes patients au mieux.
La sant de soignants comme Brima Momodu est
essentielle pour stopper cette maladie qui gagne rapidement du terrain. La tche, pourtant, est terriblement
risque, difficile, prouvante et motionnellement
puisante. La plupart des agents de sant interrogs
ici disent quils se sentent en scurit grce leur EPI,
qui les couvre des pieds la tte, et aussi parce quils
respectent les protocoles appropris.

Ma premire
semaine ici a t une
exprience surraliste
de montagnes russes
entre la vie et la mort,
lespoir, le deuil, la
douleur et la joie.
Lorsque je suis arrive
Kenema et au centre,
ma premire tche a
consist superviser
quatre enterrements.
Anine Kongelf, dlgue de
sant communautaire de la CroixRouge de Norvge, qui a travaill
Kenema (Sierra Leone) en
septembre et en octobre

J De nouvelles recrues des


quipes dinhumation sans
risque et dans la dignit de la
Socit de la Croix-Rouge du
Libria en cours de formation
Monrovia, la capitale du pays. Avec
laugmentation du nombre de
dcs dus la flambe mortelle, la
Socit nationale a d multiplier
ces quipes dans tout le pays.
Photo: Victor Lacken/FICR

La zone haut risque


Les dangers, cependant, sont bien rels. Le virus ne
se transmet pas par voie arienne, mais par le contact

Supplment Web
Le chlore est votre alli
Un aperu de la formation ncessaire pour participer un mois la lutte anti-Ebola. Voir www.redcross.int.
N U M R O 3 . 2014 | C R O I X - R O U G E C R O I S S A N T - R O U G E | 5

direct avec les fluides corporels dune personne infecte. La peau des soignants ne doit donc jamais tre
expose au toucher dun patient, ni la toux, un
ternuement, une goutte de sueur ou de vomi ni
mme au contact de ses propres gants.
Si une ouverture, mme minuscule, dans les EPI est
dcele pendant que lagent se trouve dans la zone
haut risque, il doit immdiatement quitter la zone de
soins et enlever son quipement protecteur pour tre
vaporis de nombreuses reprises avec une solution
chlore.
Lun des pires dangers rside dans un instrument
quils utilisent tous les jours: les aiguilles employes
pour les prlvements sanguins. Pendant quils
effectuent ces prlvements un geste qui est habituellement de pure routine , comment viter de
penser un fait expos pendant leur formation : le
taux de survie, parmi les agents de sant piqus par
une aiguille infecte dans une zone de soins anti-Ebola,
est gal zro.
Le moindre faux mouvement peut donc tre mortel,
dans un environnement o la visibilit est limite, o
lurgence est de mise et o les patients ne matrisent
pas toujours leurs mouvements. Toutes les procdures
doivent tre accomplies lentement et avec une extrme prudence.
De nombreux soignants, locaux ou internationaux,
ont contract le virus en travaillant dans ces conditions;
nombreux sont ceux qui en sont morts. Avec cette menace toujours prsente, les agents de sant surveillent
leur sant en permanence: la moindre fivre, le plus
petit mal de tte suscitent immanquablement une angoisse considrable.

Affronter la peur
Pour ceux qui manipulent les cadavres une tche
absolument essentielle pour empcher la maladie de se rpandre , le danger est tout aussi rel.

Je ne minquite pas de
ce que les gens peuvent
dire, parce que jai t
volontaire de la CroixRouge: mon premier
principe fondamental,
cest lhumanit. Cest
cela qui me motive:
je veux sauver la vie
de nos frres et surs.
Edward Sannoh (24ans),
volontaire de la Socit de la
Croix-Rouge de Sierra Leone,
originaire de Kenema, lune des
zones les plus durement touches
par la maladie virus Ebola

K Des volontaires de la CroixRouge de Sierra Leone dsinfectent


leur quipement de protection
aprs avoir lev le corps dune
victime dEbola son domicile
Banjor (Libria).
Photo: Victor Lacken/FICR

Edward Sannoh, jeune homme de 24ans originaire


de Kenema, est membre dune quipe dinhumation
sans risque et dans la dignit: il recueille les corps
des patients dcds dans la zone haut risque et
les prpare pour la morgue. Le plus difficile, cest
quand on est dans la zone haut risque, explique-t-il.
On na pas la permission de sasseoir, de sallonger
ni de toucher les collgues. On ne doit toucher un
malade quen cas de ncessit. Sans cela, on ne peut
rien faire.
Avec lomniprsence de la mort, le sentiment de
peur est palpable parmi les patients comme au sein
des communauts qui ont dj perdu tant de leurs
membres cause de la maladie. Les gens sont terroriss, videmment, dit Edward Sannoh. Il y a encore
des gens qui ont peur de certains dentre nous, qui travaillons dans ce centre.
Pourtant, Edward ne perd pas courage. Je ne minquite pas de ce que les gens peuvent dire, parce que
jai t volontaire de la Croix-Rouge: mon premier principe fondamental, cest lhumanit. Cest cela qui me
motive: je veux sauver la vie de nos frres et surs.
Cest le principe numro un de la Croix-Rouge.
Or, la peur dEbola suscite de vives motions dans
certaines des zones touches par la maladie et la menace pesant sur les agents de sant est bien relle. Le
16septembre, un groupe dhommes arms a attaqu
une dlgation de personnel de lutte anti-Ebola qui
comprenait des reprsentants du gouvernement, du
personnel mdical, des journalistes et des employs
de la Croix-Rouge alors quils travaillaient dans la communaut de Wom, au sud-est de la Guine. Sept
membres de la dlgation ont t tus, y compris des
agents de sant, des responsables locaux et des journalistes; deux personnes sont toujours portes disparues.
Un responsable de la section locale de la Croix-Rouge
guinenne a t gravement bless.
La mme semaine, dans la ville de Forcariah, au sud
de Conakry, la capitale guinenne, six volontaires de
lquipe dinhumation sans risque et dans la dignit
ont t attaqus par la population locale. Lun deux
a t bless, les autres ont fui pour se rfugier dans
la fort voisine. En rponse, la FICR et la Croix-Rouge
guinenne ont appel les gouvernements et les communauts respecter le personnel humanitaire et
sanitaire, ajoutant que tous les actes entravant laction des personnes qui combattent cette pidmie
y compris les attaques contre les employs et les
volontaires ainsi que les protestations violentes et linscurit au Libria et en Sierra Leone empchent
des communauts entires de bnficier de laide dont
elles ont besoin.

Une crise mondiale


Ds le dbut de la crise, les personnes comme Brima
Momodu Jr et Edward Sannoh ont t en premire
ligne de la lutte contre cette pidmie, qui a commenc
6 | CROIX-ROUGE CROISSANT-ROUGE | NUMRO 3 . 2014

L Dans la zone risque rduit du


centre de soins anti-Ebola de la
FICR Kenema (Sierra Leone), les
soignants discutent des activits
de la journe. Dans la zone
haut risque, des zones distinctes
sont rserves aux cas suspects,
probables et confirms et les
agents de sant doivent travailler
couverts de la tte aux pieds par
leur quipement de protection
individuelle.
Photo: Katherine Mueller/FICR

Supplment
Web
Vous trouverez sur
www.redcross.int des blogs
rdigs par des mdecins et
par dautres personnels de
sant dans les centres de soins
durgence de Sierra Leone.

Nombre de cas dEbola signals en Afrique occidentale depuis mars 2014


3500
3000
Guine

2500
2000

Sierra Leone

1000
500
0

mars

avril
av
ril

mai

juin

juillet

aot

sept

octt
oc

N U M R O 3 . 2014 | C R O I X - R O U G E C R O I S S A N T - R O U G E | 7

Source: Organisation mondiale de la Sant

Libria
1500
Nombre de cas

dans les districts ruraux priphriques de Guine pour


gagner ensuite le Libria et la Sierra Leone. Depuis, la
progression rapide de la maladie et lapparition de cas
au Nigria, en Espagne et aux tats-Unis a rapidement
fait comprendre aux dirigeants du monde entier que
cette flambe pidmique tait une menace non seulement pour lAfrique occidentale, mais bien pour le
monde entier.
la date du 17novembre 2014, le nombre de malades signals avait atteint le chiffre sans prcdent de
14 386, et plus de 5400 personnes taient dcdes
dEbola, selon lOrganisation mondiale de la Sant
(OMS). Aux tats-Unis, les Centres de lutte contre la
maladie estimaient au mme moment que si la flambe se poursuivait au mme rythme, le nombre de cas
pourrait atteindre 1,4million en janvier 2015.
Pourtant, il na pas t facile de mobiliser les forces
ncessaires pour faire face la progression dEbola.
Les systmes de sant publique de Guine, du Libria
et de Sierra Leone, affaiblis par des annes de conflits
prolongs, taient dpourvus des installations, du personnel et des quipements ncessaires pour contenir
la maladie.
Ebola a aussi mis en lumire de graves faiblesses du
systme mondial cr pour rpondre aux urgences
sanitaires. Une srie de coupes budgtaires et en
personnel au sein du Groupe de lOMS responsable
des situations durgence na pas amlior les choses;
en outre, de nombreuses organisations humanitaires, y compris le Mouvement de la Croix-Rouge et
du Croissant-Rouge, manquaient de lexprience et
des systmes permettant de ragir rapidement aux
exigences particulires de cette maladie si virulente
(mme si les volontaires des Socits nationales locales
furent parmi les premiers ragir).
cela, une exception notable celle de Mdecins
sans Frontires (MSF), qui avait une exprience importante du virus Ebola. Comme cette organisation
manquait aussi de moyens tant humains que financiers
pour combattre la maladie seule, elle a fourni une formation cruciale aux agents des autres organisations, y
compris les volontaires et les employs de la FICR et
des Socits nationales durant la monte en puissance
rapide de la raction du Mouvement.

Aujourdhui, plus de 7700 volontaires ont t forms avec laide de la FICR, du CICR et des Socits
nationales de Guine, du Libria, du Nigria et de
Sierra Leone pour exercer dans les communauts
des activits de mobilisation sociale, dappui psychosocial, dinhumation sans risque et dans la dignit, de
recherche des chanes de contacts infectieux, de transport des malades et de gestion des cas cliniques. La
FICR a par ailleurs tendu ses activits de prparation
Ebola et dintervention 14autres pays dAfrique occidentale o la propagation de la maladie est dsormais
la plus probable. Depuis le dbut de lpidmie, plus
de 169agents expatris ont t envoys sur place et six
appels durgence ont t lancs par la FICR.
Paralllement, le CICR, prsent en Afrique occidentale depuis de nombreuses annes en raison des
conflits dans la rgion, a fourni un soutien diversifi, en
termes de technique, de matriel et de personnel, par
lintermdiaire de ses dlgations au Libria et en Guine (son bureau en Sierra Leone a t ferm en 2013).
Le CICR a aussi dploy 20employs internationaux
supplmentaires dans la rgion, tout en renforant son
soutien aux Socits nationales et ses autres partenaires dans toute une gamme de secteurs, des soins de
sant la mdecine lgale, en passant par les moyens
techniques, la scurit conomique ou encore leau et
lhabitat.
Sur le terrain, cependant, nombreux sont ceux
qui jugent insuffisante la raction internationale.
Nous avons dsesprment besoin de davantage de
moyens, affirme Friday Kiyee, membre de lune des
premires quipes dinhumation sans risque et dans la
dignit Monrovia. Sans personnel sur le terrain pour
organiser, coordonner et informer, nous perdrons notre
temps. Ici, de nombreux hpitaux nont que trs peu de
personnel et les patients qui ont le plus grand besoin
dautres services mdicaux ne sont pas soigns.

Friday Kiyee explique que le service local de sant


est aux abois. Il est urgent douvrir de nouveaux
centres de soins, dinstaller davantage de de lits,
damener plus de matriel, de personnel mdical et
de dispenser plus de formation. Lorsquune ambulance est appele pour emmener un malade, il arrive
frquemment que le service de soins anti-Ebola soit
dj complet et que le patient soit renvoy chez lui.
Ces gens vont mourir chez eux, explique-t-il, et quand
les patients dcdent la maison, leurs proches restent
en contact avec eux jusquau dernier moment, et
contractent le virus leur tour; le taux de dcs continue donc grimper.

Une culture du contact physique


Lune des tragiques ironies de ce drame est quavec
Ebola, lhumanit mme dont font preuve les familles
en soignant leurs proches et en prparant leur corps
lors de linhumation est lun des principaux facteurs de
transmission de la maladie. En Sierra Leone, il est de
coutume dembrasser les morts pour maintenir le lien
avec ses anctres.
Dans tous les pays touchs, le contact physique (embrassades, serrements de main, baisers) fait partie des
gestes quotidiens. Lun des messages vitaux que les
agents de sant diffusent est dviter tout contact avec
autrui. En Guine, la Commission nationale de lutte
contre Ebola dont la FICR et la Socit nationale font
partie a renforc ce message en envoyant des SMS
pendant les clbrations de lAd al-Adha, la priode
sainte du calendrier musulman (dite aussi Tabaski
dans de nombreux pays dAfrique occidentale).
Les messages nous souhaitaient de bonnes ftes
de Tabaski, mais ils nous demandaient dviter de nous
toucher les uns les autres lors des salutations traditionnelles, pour freiner la propagation dEbola, raconte
Amadou, tudiant en mdecine Conakry. Je comprends la raison, mais cest bizarre de ne pas embrasser
mes proches en cette priode de lAd.
La culture locale a jou un rle important ds le
dbut de la crise. Bien des gens, en Afrique occidentale,
ont vu Ebola comme le fruit de la sorcellerie; dautres
souponnaient le vaudou. Comme de nombreuses
personnes consultent les gurisseurs traditionnels, la
raction sanitaire a inclus des contacts avec ce groupe.
Fallah James, du district de Kailahun (Sierra Leone), durement touch par la maladie, en tmoigne.
Quand jai appris, en tant que chef des gurisseurs
traditionnels de mon district, quon pouvait attraper

L Pour contribuer freiner la


propagation dEbola, les volontaires
de la Croix-Rouge guinenne se
rendent dans les communauts et
parlent directement aux habitants
pour changer les attitudes et les
comportements qui pourraient
diffuser le virus. Photo: Moustapha

la maladie par contact physique, jai cess de soigner


les patients, et jai conseill mes collgues de faire de
mme pour linstant, jusqu ce que nous ayons reu
une formation et des renseignements prcis sur Ebola,
pour viter que de nombreux membres de notre communaut ne soient contamins.

Diallo/FICR

La zone sans contact

Je narrive pas
imaginer ce que
reprsente pour eux
le fait dtre amen ici
et dtre parqu dans
des zones confines,
avec des personnes aux
allures dextraterrestre
dambulant autour
deux.
Garth Tohms, spcialiste eau et
assainissement volontaire auprs
de la Croix-Rouge canadienne, qui
travaille en Sierra Leone

Supplment Web
45 minutes dans la zone haut risque
Kevin Garcia, Croix-Rouge espagnole
Je commence mhabiller en enlant ce qui dsormais nous parat presque une deuxime peau, le costume
EPI (...). Ds que jai revtu mon masque, je commence respirer comme dans une autre atmosphre. Lodeur
de neuf du masque misole de lodeur habituelle de chlore dans chacune des zones spares du site...
8 | CROIX-ROUGE CROISSANT-ROUGE | NUMRO 3 . 2014

La peur et lopprobre ne sont pas, pour autant,


lapanage de lAfrique occidentale. De nombreuses
organisations humanitaires ont eu beaucoup de mal
mobiliser et dployer des collaborateurs et des volontaires expatris pour cette mission risque et difficile,
en partie en raison des craintes dans les pays dorigine
parmi les collgues, les amis et la famille. Sajoute
cela le fait que les personnes qui partent sur le terrain
pour la FICR doivent tre prtes passer au minimum
un mois sur place, quoi sajoute un sjour de trois semaines de quarantaine leur domicile pour sassurer
de labsence de symptmes.
Aprs que plusieurs agents de sant internationaux
ont t placs en quarantaine force leur retour de
mission en Afrique occidentale, le Mouvement a officiellement exhort les gouvernements garantir et
faciliter les dplacements des agents de sant qui se
rendent en Afrique occidentale ou qui en reviennent.
Le texte de la dclaration affirme notamment: Lopprobre ou la discrimination envers les travailleurs
sanitaires y compris leur mise en quarantaine sans
fondement scientifique dbouchera invitablement
sur une crise des ressources humaines un moment o
nous avons un besoin vital de personnes qualifies.
Anine Kongelf, de la Croix-Rouge de Norvge, figure
parmi les personnes qui ont rcemment relev le dfi.
Elle a accept deffectuer une tourne en Sierra Leone,
jugeant que son exprience dans la recherche de personnes exposes au cholra en Hati et dans laction
communautaire serait utile pour combattre Ebola.
Je moccupais de lpidmie de cholra, mais ce
ntait pas grand-chose par rapport ce que nous affrontons ici, raconte Anine Kongelf, dont le travail en Sierra
Leone consistait coordonner les activits avec dautres
organisations afin de retrouver les personnes exposes

au virus, prises en charge, guries ou enterres, afin de


surveiller lensemble des mesures prises pour les personnes infectes. Je navais jamais rien vu de tel.
Peu aprs son arrive, elle crivait sur un blog: Ma
premire semaine ici a t une exprience surraliste
de montagnes russes entre la vie et la mort, lespoir,
le deuil, la douleur et la joie. Lorsque je suis arrive
Kenema et au centre, ma premire tche a consist
superviser quatre enterrements.
La triste vrit est que les tombes vont se multiplier
avec ladmission de nouveaux patients, dont certains
perdront la bataille contre le virus. Ce jour-l, lun des
corps inhums tait celui dun garon de 8ans.
Les personnes qui travaillent directement avec les
patients ne sont pas les seules tre exposes au danger. Garth Tohms, volontaire auprs de la Croix-Rouge
canadienne, est lui aussi une rcente recrue internationale. Plombier de profession, il a pens que son
exprience et sa formation au travail avec des matires
dangereuses pour larme canadienne seraient utiles
dans son travail dexpert en eau et assainissement pour
aider le centre de soins durgence de Kenema. Il explique que mme les tches les plus simples, comme le
remplacement dune valve, peuvent devenir une tche
trs ardue lintrieur de la zone haut risque.
Le pire, ce sont les lunettes protectrices: elles se
couvrent vite de bue, ce qui rduit le temps que nous
pouvons passer lintrieur. Je les vaporise abondamment de liquide antibue lintrieur, sans essuyer les
gouttes qui se forment. La vision est un peu floue, mais
je peux voir plus longtemps.

Comme dautres personnes qui travaillent ici, Garth


est aussi frapp par lhumanit dont il est tmoin chaque
jour entre personnes malades ou soumises une pression intense et terrorises. Malgr les rcits de violences
contre des agents de sant, il affirme que nombreux
sont ceux ici qui apprcient leur travail, et que les habitants locaux les saluent souvent avec un sourire aimable
et lapostrophe traditionnelle: How de body?
Sue Ellen Kovac, de nationalit canadienne, qui vient
de regagner Cairns, en Australie, aprs un mois pass
au centre de soins de Kenema, raconte quelle a t
frappe par la rsilience des personnes confrontes
cette catastrophe sans prcdent.
lhpital, nous avions une dame adorable, Lucy,
qui avait perdu son mari et tous ses enfants cause
dEbola. Pourtant, chaque matin, elle me saluait dun
large sourire et me demandait si jallais bien et si javais
bien dormi. How de body? Quel courage! Je mattendais aux ravages de la maladie sur les corps, mais pas
cette rsilience. Mon cur se brise devant les preuves
que subissent des personnes comme Lucy.

Les survivants

How de body ?
Pour introduire un lment dhumanit dans son travail, Garth Tohms annonce son arrive aux patients de
lextrieur, et si possible ajoute une plaisanterie. Ainsi,
ils savent qui passe proximit deux et qui leur parle
derrire le masque, crit-il. Je narrive pas imaginer ce
que reprsente pour eux le fait dtre amen ici et dtre
parqu dans des zones confines, avec des personnes
aux allures dextraterrestre dambulant autour deux.

K Kadiatu (11ans) fut la troisime


patiente au diagnostic dEbola
confirm admise au centre de
soins nouvellement cr de la FICR
Kenema (Sierra Leone).
la fin du mois de septembre,
elle fut lun des premiers patients
du centre dclar guri.
Photo: Katherine Mueller/FICR

On retrouve cette rsilience chez les survivants. Lun


des premiers Guinens survivre la maladie est Saa
Sabas, qui avait contract le virus en soccupant de son
pre malade. Aprs son transfert au centre de soins
anti-Ebola cr par MSF Guckdou (Guine), il sest
rtabli et a regagn son foyer, mais il a t victime
de lostracisme de ses voisins. Les gens mvitaient,
mme si je leur montrais mon attestation de sortie.
Saa Sabas est maintenant volontaire pour la CroixRouge guinenne. Il se rend dans les communauts
pour sensibiliser ses compatriotes sur la manire de
prvenir la propagation de la maladie et pour combattre des craintes et rumeurs courantes. Je suis lun
deux et je peux madresser eux dans une langue
quils comprennent, explique-t-il. Qui mieux que moi
peut leur parler dEbola?
Ces survivants sont la preuve vivante quEbola peut
tre vaincu. Comme le raconte lun des agents de sant
qui sest occup de Kadiatu: Quand elle est sortie, elle
tait gurie, dlivre du virus, en scurit. Elle sest
retourne pour saluer de la main Haja une autre patiente qui stait occupe delle lintrieur et elle
est passe le long de la double clture orange.
Elle a salu de la main une dernire fois les autres
patients avant de sloigner et quelquun a demand:
How de body?
Elle a rpondu: trs bien, et pour la premire fois
depuis des semaines, elle le pensait vraiment. Q
Cristina Estrada, Katherine Mueller et Malcolm Lucard
Cristina Estrada est responsable principale de lassurance-qualit
des oprations de la FICR, Katherine Mueller est responsable des
communications de la FICR pour la Zone Afrique de la FICR et Malcolm
Lucard est rdacteur en chef de Croix-Rouge, Croissant-Rouge.
N U M R O 3 . 2014 | C R O I X - R O U G E C R O I S S A N T - R O U G E | 9

Enterrer les
morts dEbola
Au risque de leur vie, des quipes de volontaires
de la Croix-Rouge travaillent sans relche chaque
jour pour enterrer les victimes dEbola afin
dviter dautres de connatre un sort similaire.

VANT LIRRUPTION DE LPIDMIE de maladie


virus Ebola qui ravage le Libria, Friday Kiyee
travaillait comme entrepreneur de pompes
funbres lhpital de la Rdemption de Monrovia, la
capitale: il a donc lhabitude de manipuler des cadavres.

10 | CROIX-ROUGE CROISSANT-ROUGE | NUMRO 3 . 2014

Voir nos frres libriens mourir nous afflige


explique Friday, qui dirige lune des quipes dinhumation sans risque et dans la dignit de la Croix-Rouge du
Libria Monrovia. Notre travail consiste recueillir
les corps. a ne nous plat pas, mais le fait est quil faut
le faire, car sinon, le virus continuera se propager.
Sa journe de travail commence par une liste de
communauts o il doit se rendre pour lever les corps
des personnes souponnes dtre dcdes dEbola.
Son quipe (lune des six quipes actives dans le comt
de Montserrado) recueille en moyenne une quinzaine
de corps par jour. Le nombre augmente rgulirement
et la nature de la maladie rend les corps fortement

contagieux, avec un virus qui tue plus de la moiti des


personnes quil contamine.
Depuis que nous avons commenc, la fin du mois
de juillet, pas un jour na pass sans que nous ayons au
moins un corps recueillir, explique Friday Kiyee. Cela
nous obsde tous.
Son quipe a t forme par la Croix-Rouge, par Mdecins sans Frontires et par lOrganisation mondiale
de la Sant. Je risque ma vie, car la moindre erreur
je serai contamin. Nous ne pouvons que nous vtir
comme il faut et respecter toutes les procdures de
scurit avant daller lever un corps.
Cest ce souci du dtail, garantissant que tous les
membres de lquipe ont bien revtu leurs habits
protecteurs et que le dsinfectant est utilis gnreusement et bon escient, qui a permis dviter que la
maladie ne touche des membres de lquipe, malgr la
contagion environnante.
Nous avons deux personnes charges de la dsinfection, explique Friday. Le dsinfecteur sale est celui
qui entre le premier pour dsinfecter la zone avant que
les autres ne viennent enlever le corps. Puis le dsinfecteur propre dsinfecte ceux qui sortent de la maison
ou du lieu de la leve du corps.
Les familles ne sont pas toujours contentes de voir
les corps de leurs proches emmens par des hommes
vtus dhabits de protection. Ce type de scne peut
crer de la confusion, du ressentiment, voire parfois de
lhostilit.
Avant demmener le corps, nous faisons un peu de
travail social, dit Friday. Nous appelons la famille et la
communaut en deuil se rassembler et nous nous
prsentons, ainsi que lemblme de la Croix-Rouge.
Nous leur parlons et nous veillons rpondre leurs
questions avant demmener le corps.

Parfois, quand nous


arrivons dans un
village, les habitants
nous disent que nous
amenons la maladie.
Il arrive quils nous
jettent des pierres et
nous demandent de
quitter la ville.
Julius Tamba Kamanda, 21 ans,
membre de lquipe dinhumation
sans risque et dans la dignit de la
Croix-Rouge de Sierra Leone

Personne ne veut me ctoyer


Tout ne se droule pas toujours sans encombre. Un
journaliste du magazine Time se trouvait en compagnie
dune quipe de la Croix-Rouge du Libria lorsquils
ont t pris partie par une foule de villageois leur
demandant avec colre pourquoi ils venaient maintenant chercher le corps alors que personne ntait venu
quand ils avaient demand une ambulance. Lun des
membres de lquipe, Nelson Sayon, 29ans, a racont
Time que de nombreux membres de lquipe avaient
aussi t mis lcart par leur communaut.
Personne ne veut mapprocher, crit le journal en
rapportant ses propos. Les gens ont peur. Ils refusent
mme de toucher notre argent si nous voulons acheter
quelque chose au magasin ou manger au restaurant.
En Sierra Leone, les quipes connaissent les mmes
difficults. Parfois, quand nous arrivons dans un village, les habitants nous disent que nous amenons la
maladie, raconte Julius Tamba Kamanda, membre de
lquipe dinhumation sans risque et dans la dignit de
la Croix-Rouge de Sierra Leone. Il arrive quils nous

J Des volontaires de la CroixRouge du Libria emportent


le corps dune victime dEbola
dcde chez elle Banjor
(Libria). Les membres de lquipe
travaillent darrache-pied, souvent
des premires heures de la journe
jusquaprs minuit, dans des
conditions difficiles, frquemment
confronts lhostilit et
lopprobre, alors quils jouent un
rle absolument essentiel pour
stopper la propagation du virus.
Photo: Victor Lacken/FICR

jettent des pierres et nous demandent de quitter la


ville.
Sans lassistance des chefs et des autres groupes
humanitaires qui les soutiennent et qui leur expliquent
que la communaut ne sera pas touche, ils ne nous
tolreraient pas, ajoute-t-il.
La journe de travail des quipes court parfois de
8 h du matin minuit, voire plus tard, en fonction des
besoins, et certaines dentre elles font face une autre
difficult: le manque de matriel essentiel.
Nous portons nous-mmes les corps jusquau cimetire pied, explique Julius Tamba Kamanda. Cest
puisant; cest pourquoi nous demandons quon nous
fournisse une civire pour faciliter notre tche.
Dernirement, son quipe a d transporter un corps
sur plus de 3kilomtres pour parvenir jusquau cimetire.
Nous avons d nous arrter cinq reprises peut-tre
sur le chemin, ce qui peut entraner des retards et des
risques: lorsquon pose le corps par terre, sur des pierres,
le sac pourrait se dchirer et le virus se rpandre.
Les quipes sont aussi confrontes des personnes
endeuilles auxquelles il est demand de renoncer
leurs pratiques traditionnelles densevelissement. En
Sierra Leone, les communauts enterrent habituellement elles-mmes leurs proches, et il est de coutume
de serrer dans ses bras le corps des personnes dcdes pour garantir que le lien avec les anctres se
perptue. Or, cest aprs la mort que le virus Ebola est
le plus virulent.
Cest pourquoi, lorsque nous arrivons dans une
communaut pour prparer un corps lenterrement,
aprs avoir parl avec les anciens, nous invitons maintenant la famille venir et assister la procdure,
explique Daniel James, coordonnateur de lquipe
dinhumation sans risque et dans la dignit pour la
Croix-Rouge de Sierra Leone.
Ils peuvent y assister sans danger de leur fentre. Ils
voient ainsi que nous traitons leur parent avec respect
et attention; sils le souhaitent, nous nous interrompons pour quune prire soit rcite. La famille peut
ainsi participer et nous avons constat que cela permet
de dissiper certaines rumeurs quant la manire dont
nous nous occupons des corps.
La bonne nouvelle, poursuit Daniel James, est que
davantage de personnes sont informes de la manire
dont se diffuse le virus Ebola et de ce quelles doivent
ou ne doivent pas faire. De plus en plus de communauts signalent aux autorits les dcs domicile, ce
qui est une trs bonne chose.
Le travail est dangereux, explique-t-il, mais absolument vital et il entend bien continuer. Je continue
travailler malgr tous les obstacles, parce que cest
indispensable. Q
Victor Lacken et Katherine Mueller
Victor Lacken est photographe et crivain; Katherine Mueller est
responsable des communications de la FICR pour la Zone Afrique.
N U M R O 3 . 2014 | C R O I X - R O U G E C R O I S S A N T - R O U G E | 1 1

Des villes
sous
le feu
Tirs dartillerie, de mortier,
bombes lches par avion,
roquettes et missiles: ces armes
particulirement ltales et
destructrices sont employes
toujours davantage dans des
conflits qui ont pour thtre
des zones urbaines densment
peuples.

Le nombre de victimes
civiles et lampleur
des destructions ont
atteint un niveau sans
prcdent dans la rgion
ces dernires annes.
Robert Mardini, chef des
oprations du CICR pour le Proche
et le Moyen-Orient

VEC LURBANISATION CONSTANTE lchelle


de la plante, les guerres, elles aussi, frappent
de plus en plus souvent dans les villes. Dans un
grand nombre des conflits actuels Gaza, Irak, Isral,
Libye, Syrie, Ukraine et dautres encore , les affrontements se droulent dans les rues des villes, l o des
foules dhabitants se pressaient nagure dans des marchs ciel ouvert, circulaient en voiture ou pied pour
se rendre au travail ou lcole.
Aujourdhui, bon nombre de ces paysages urbains sont rduits des squelettes en ruines,
dforms, danciens immeubles de logements
et de zones commerciales, qui surgissent encore
au-dessus de monceaux de dbris et de ferrailles
tordues. Les survivants doivent naviguer dans ce
ddale pour se procurer leur pitance quotidienne.
Les destructions causes par les conflits rcents sont
choquantes, mais que dire des consquences pour les
gens qui vivent dans un tel cadre de dvastation?
Ces armes explosives sont conues pour des champs
de bataille et non pour des zones urbaines bties, a
dclar le prsident du CICR, Peter Maurer, devant lAssemble gnrale des Nations Unies en octobre.
Au vu des conflits rcents, nous mettons srieusement en doute que ces armes puissent tre utilises
pour cibler avec une prcision suffisante des objectifs
militaires dans des zones peuples, ou mme que leurs
effets puissent tre limits comme le prescrit le droit
international humanitaire, a-t-il ajout. Il nest pas

12 | CROIX-ROUGE CROISSANT-ROUGE | NUMRO 3 . 2014

question ici des armes elles-mmes, mais de savoir o


et comment elles sont utilises.

Un fait courant
Les destructions massives dans de grandes villes ne
sont pas une nouveaut dans lhistoire de la guerre.
Le bombardement de la ville espagnole de Guernica
en 1937, et par la suite le bombardement de zones
tendues, y compris des centres urbains, pendant la
Seconde Guerre mondiale, ont suscit ladoption de
dispositions dans les Conventions de Genve de 1949
(renforces ultrieurement par les Protocoles additionnels de 1977) qui cherchaient limiter le nombre de
victimes civiles et interdire des pratiques telles que le
bombardement de zone sans discrimination.
Larticle 51 du Protocole additionnel I interdit les
attaques dont on peut attendre quelles causent
incidemment des pertes en vies humaines dans la
population civile, des blessures aux personnes civiles,
des dommages aux biens de caractre civil, ou une
combinaison de ces pertes ou dommages, qui seraient
excessifs par rapport lavantage militaire concret et
direct attendu.
La prohibition, au regard du droit, des attaques disproportionnes et linterdiction qui en dcoule de la
destruction arbitraire de villes ou de villages, ou des dvastations que ne justifie pas la ncessit militaire sont
au cur du droit relatif la conduite des hostilits, expliquent John Borrie et Maya Brehm, deux experts dans

ce domaine, dans un article paru en septembre 2011


dans la Revue internationale de la Croix-Rouge.
Plus rcemment, de nouvelles conventions, qui interdisent dautres armes explosives telles que les mines
terrestres et les armes sous-munitions sans oublier un protocole la Convention relative aux armes
classiques qui exige des tats quils enlvent les restes explosifs de guerre , sont venues renforcer les arguments
contre lemploi darmes explosives frappant sans discrimination dans des zones forte densit de population.
Bien que le bombardement de zone soit aujourdhui
illgal, et que de nombreux tats ne considrent plus
comme acceptable le recours aux armes sous-munitions, lemploi dautres armes explosives, mme dans
des zones densment peuples, demeure un fait courant
dans les conflits arms actuels, relvent les auteurs en
invoquant de nombreuses tudes de cas tires de conflits
survenus en 2011: Afghanistan, Irak, Liban et Somalie.
Pour sa part, le CICR reconnat que les combattants
prennent souvent position dans des quartiers rsidentiels et dans dautres lieux o des civils peuvent tre
exposs aux effets des affrontements. Il affirme cependant que les forces attaquantes doivent nanmoins
veiller constamment rduire au minimum limpact
de leurs oprations sur cette population, notamment
par le choix des moyens et mthodes de guerre. Il faut
envisager dautres armes et dautres tactiques.
L Lemploi darmes explosives
de grande puissance dans les
zones urbaines force souvent
les civils survivants fouiller les
dcombres pour en tirer les objets
indispensables leur survie.
Des quartiers nagure pleins de
vie se retrouvent souvent sans
lectricit ni systmes deau et
dassainissement, tandis que la
vie conomique est anantie. Les
graves dommages infligs par ces
armes font que les habitants qui ont
fui sont privs de foyer et resteront
dplacs pendant des annes.
Photo: Teun Anthony Voeten/CICR

I Durant les conflits, le


Mouvement prend diverses
mesures pour maintenir les services
de base en tat de fonctionner.
Ici, des spcialistes de leau et de
lhabitat du CICR et du CroissantRouge arabe syrien rencontrent
des responsables locaux du rseau
lectrique Damas (Syrie) pour
parler des rparations apporter
des systmes dnergie critiques.
Photo: Croissant-Rouge arabe syrien

Le tribut pay par les civils


De nos jours, les conflits en Syrie, les combats en Isral
et Gaza ou encore en Ukraine sont des exemples
criants des consquences de lemploi dengins explosifs dans des zones civiles.
Gaza, les infrastructures publiques, les installations
mdicales et sanitaires et les coles ont subi de graves
dommages, quand elles nont pas t dtruites. Plus de
2100personnes ont t tues, prs de 11000 blesses, et
on estime 108000 le nombre dhabitants qui ne pourront pas regagner leurs habitations.
Le rseau deau ainsi que les installations lectriques
ont t gravement endommags, tandis que le secteur
mdical a t pouss dans ses derniers retranchements et les hpitaux ont t touchs par des obus ou
dautres munitions.
Les destructions dans la bande de Gaza ne se limitent
pas aux biens de caractre civil et aux infrastructures,
explique Younis Al-Khatib, prsident de la Socit du
Croissant-Rouge palestinien. Elles ont aussi eu un impact important sur la sant et les moyens dexistence
des citoyens de Gaza.
Les missiles tirs depuis Gaza sur des zones rsidentielles et urbaines en Isral ont fait quant eux au moins
cinq victimes, dont un volontaire du Magen David Adom
(MDA), plus de 800blesss civils et contraint entre 5000
et 10000habitants fuir leur foyer.
Cest dans ce contexte que le CICR a ritr ses appels (relays par la FICR et par les Socits nationales)

aux deux parties au conflit pour quelles pargnent les


zones civiles et respectent le DIH. Le nombre de victimes civiles et lampleur des destructions ont atteint
un niveau sans prcdent dans la rgion ces dernires
annes, relve Robert Mardini, le chef des oprations
du CICR pour le Proche et le Moyen-Orient.

Les humanitaires en danger


Les guerres daujourdhui en milieu urbain font aussi
courir des risques importants aux agents humanitaires,
qui demeurent actifs, mobiles et visibles lorsquils vacuent les blesss ou fournissent des services et des
secours essentiels aux populations civiles. Parmi les
38agents humanitaires du Croissant-Rouge arabe syrien et les 7employs du Croissant-Rouge palestinien
tus pendant le conflit syrien, plusieurs ont t victimes
darmes explosives non identifies, tandis que des infrastructures essentielles ont, l, aussi, t touches.
En juillet 2014, deux urgentistes du Croissant-Rouge
palestinien ont t tus et trois blesss dans lexercice de leurs fonctions. Les ambulances touches
taient clairement marques de lemblme du Croissant-Rouge. Et en aot, un volontaire du MDA en Isral
a t tu par un missile dans le kibboutz o il vivait.
Avec la dtrioration de la situation, la scurit de
notre personnel demeure pour nous une grave proccupation, affirme Noam Yifrach, le prsident du
comit excutif du MDA, en particulier parce que, du
fait de la dure prolonge de cette phase durgence,
nous avons d dployer des volontaires et du personnel supplmentaires dans les zones dopration.
Pendant ce temps, avec la poursuite des combats
dans lest de lUkraine, les civils paient un lourd tribut
avec les bombardements intermittents des zones dhabitation dans des villes comme Lougansk, qui mettent
en pril la population comme les agents humanitaires.
En septembre, un obus sest abattu lextrieur
des bureaux du CICR, tuant Laurent du Pasquier, un
dlgu du CICR de 38 ans, de nationalit suisse,
qui travaillait comme administrateur et qui avait
accompli des missions en gypte, en Hati, au Pakistan, en Papouasie-Nouvelle-Guine et au Ymen.
Nous sommes atterrs par cette perte tragique, a dclar Dominik Stillhart, directeur des oprations du CICR,
au lendemain du drame. Les bombardements aveugles
de zones rsidentielles sont inacceptables et constituent
une violation du droit international humanitaire. Q

N U M R O 3 . 2014 | C R O I X - R O U G E C R O I S S A N T - R O U G E | 1 3

Focus

La guerre
dans les rues
Avec lurbanisation croissante sous toutes les latitudes, la guerre moderne se droule elle aussi de plus
en plus souvent entre les immeubles dhabitation, dans les rues, les quartiers, les centres commerciaux
et les marchs des grandes villes. Les conflits rcents Gaza, en Irak, en Libye, en Syrie et en Ukraine
montrent limpact que des armes ltales peuvent avoir dans des environnements urbains densment
peupls. Ils montrent aussi lenvi combien il est difficile de protger la vie humaine dans des zones de
combat o les systmes ncessaires la vie eau, gouts, lectricit, transports, fourniture de vivres
et de carburant sont complexes et tendus. Ces images, qui illustrent toutes des conflits en cours,
amnent sinterroger sur les effets long terme et les cots normes quentranera la remise en tat
de ces quartiers dtruits pour que leurs habitants puissent nouveau y vivre, y travailler, y commercer
et y jouer en toute scurit.
L Lemploi dexplosifs puissants
dans des zones urbaines fait
de nombreux morts, mais peut
aussi causer des destructions
dune ampleur telle quelles
bouleversent le paysage urbain.
Gaza, ce garon se tient
devant un btiment ras par un
bombardement arien.
Photo: Annibale Greco/CICR

J Les armes explosives employes


dans les zones peuples sont
souvent de nature frapper sans
discrimination et ne peuvent tre
diriges avec assez de prcision
pour viter de faire des victimes
civiles. Ici, une femme passe
devant un btiment dtruit par
les bombardements Popasna,
une ville de lest de lUkraine, en
octobre 2014.
Photo: REUTERS/David Mdzinarishvili
14 | CROIX-ROUGE CROISSANT-ROUGE | NUMRO 3 . 2014

J Dans les conflits qui font


rage aujourdhui dans des zones
urbaines, de nombreux acteurs se
disputent la mainmise sur divers
quartiers ou zones stratgiques.
Bien souvent, ils tirent avec des
armes explosives partir de zones
o rsident ou travaillent encore
des civils.
Photo: REUTERS/Shamil Zhumatov
N U M R O 3 . 2014 | C R O I X - R O U G E C R O I S S A N T - R O U G E | 1 5

Focus

L Dans bien des zones urbaines


de conflit, ce type de scne nest
que trop frquent. La queue dune
bombe non explose merge de
ce tas de dcombres de btiments
dtruits, dans une zone proche
dAlep (Syrie). Outre le danger
pour les habitants, la prsence
de ces restes non exploss
entrave gravement les efforts de
reconstruction.
Photo: REUTERS/Hamid Khatib

I Une femme isralienne reoit


des soins lors de son vacuation
aprs la chute dune roquette
tire de la bande de Gaza sur la
ville de Sderot, au sud dIsral,
le 31juillet 2014.
AFP Photo/Gil Cohen-Magen
16 | CROIX-ROUGE CROISSANT-ROUGE | NUMRO 3 . 2014

J En 2014, le conflit entre Isral


et Gaza a fait plus de 2000morts,
dont deux urgentistes du
Croissant-Rouge palestinien. Au
nord-est de Gaza, le CroissantRouge palestinien a aid, avec
lappui du CICR, lvacuation
des blesss et fourni des
services mdicaux durgence la
population. Photo: Rama Humeid/CICR
K La guerre en milieu urbain
comprend une dimension
psychologique particulire, due
aux dangers de btiments sur le
point de seffondrer et la menace
de munitions non exploses
dissimules dans les dbris. La
destruction de zones urbaines par
des armes explosives suscite aussi
des questions concernant lavenir,
en particulier pour les jeunes, qui
doivent essayer de trouver un
espace de vie, et mme une sorte de
normalit, dans un environnement
parfaitement anormal. Cette fillette
palestinienne joue avec un ballon
prs des dcombres de sa maison
familiale dans lest de la ville de
Gaza, en octobre 2014.
Photo: REUTERS/Suhaib Salem

N U M R O 3 . 2014 | C R O I X - R O U G E C R O I S S A N T - R O U G E | 1 7

chapper la violence
E
Dans le sillage de la guerre et des catastrophes
naturelles, la violence a pris racine dans
de nombreuses zones urbaines dAmrique
centrale. La Croix-Rouge offre une aide aux
jeunes qui gardent lespoir dune autre voie.

18 | CROIX-ROUGE CROISSANT-ROUGE | NUMRO 3 . 2014

NTRE LES RUES DE TERRE et de boue dfonces et pentues, les masures de Hbitat Confen
mergent au-dessus de la dense vgtation tropicale. Cest un jour de semaine et ce matin, les rues
du quartier sont calmes. Nous sommes dans lune des
nombreuses communauts qui composent Ciudad
Delgado, une ville de 120000habitants quelques kilomtres de San Salvador, la capitale dEl Salvador.
Hbitat Confen est une communaut qui sest dveloppe rapidement aprs le grave tremblement de
terre doctobre 1986, lpoque ou El Salvador tait
plong dans la guerre civile, explique Mario Gutirrez,
dirigeant communautaire et membre du conseil dadministration de lassociation de dveloppement de la
communaut.

Au lendemain de la guerre civile, qui a dur de 1980


1992, les zones urbaines se sont tendues trs rapidement et sans planification. Cest lun des nombreux
facteurs qui ont contribu la violence urbaine.

violence changeante, nouveau dfi


Ciudad Delgado nest pas la seule ville confronte
ces problmes. El Salvador est lun des pays les plus violents de la rgion, avec plus de 2300homicides en 2013
un chiffre cependant bien infrieur celui de 2011,
lorsque plus de 4000 meurtres avaient t signals,
selon le ministre de la Justice et de la Scurit publique.
Cette nouvelle forme de violence urbaine est reconnue comme lune des difficults les plus criantes
de la rgion. En avril2011, la Croix-Rouge dEl Salvador
a lanc un projet intitul Chances dintgration, une
initiative finance par la Croix-Rouge italienne, le CICR,
la Croix-Rouge suisse et la Croix-Rouge de Norvge.
Les ministres de la Sant et de lducation ainsi
que les autorits municipales de Ciudad Delgado
collaborent aussi au projet, qui cherche favoriser lintgration sociale des jeunes et de leur famille Hbitat
Confen. La communaut entire bnficie du projet,
qui offre des possibilits concrtes plus de 400jeunes
et adolescents gs de 10 25ans.
Les initiatives, qui dureront jusquen dcembre 2014,
donnent aux jeunes la possibilit de faire valoir leurs
comptences artistiques, sportives, sociales ou leurs
aptitudes de direction. Le programme offre ainsi aux
jeunes une chance dchapper la violence, lalcool
et la drogue.
Les mesures prises, explique Arqumedes Flores, le
coordonnateur du projet, renforcent les structures au
service des jeunes et de la communaut, amliorent la
prvention sanitaire et la salubrit du milieu, et encouragent lart, la culture et les loisirs.
Le gouvernement a bti 1040logements pour crer
Hbitat Confen, et ce sont les personnes touches par
la guerre ou par le sisme qui sont venues habiter ici,
poursuit Mario Gutirrez, qui vivait lui-mme avec sa
famille San Salvador et qui a tout perdu dans le tremblement de terre. Cest pourquoi on trouve ici des
familles venues des 14dpartements du pays.
Depuis quelques annes, la vie des 5500habitants de
Hbitat Confen sest nettement amliore: les groupes
violents sont bien moins actifs, grce en partie aux
projets lancs par la Croix-Rouge dEl Salvador et par
dautres acteurs locaux et internationaux. La violence
reste cependant une proccupation pour la communaut et les possibilits offertes aux jeunes sont limites.
Les services sociaux taient trs limits au dpart,
explique Mario Gutirrez, mais avec le temps, nous
avons organis la communaut pour grer diverses
institutions locales et des projets de dveloppement,
comme des espaces de loisirs pour les enfants et les
jeunes, avec le soutien de la Croix-Rouge, qui sest
jointe nous depuis cinq ans.

Faire revivre la communaut


Le projet a permis de crer un programme scolaire
pour 1500 lves, mais aussi de construire une aire

J Hbitat Confen, dans la ville


de Ciudad Delgado, qui fait partie
de laire urbaine de la capitale
San Salvador, des jeunes suivent
un cours de hip-hop, lune des
nombreuses activits organises par
la Croix-Rouge dEl Salvador dans
le cadre de son projet Chances
dintgration.
Photo: Vladimir Rodas/FICR

Avec le temps, nous


avons organis la
communaut pour grer
diverses institutions
locales et des projets de
dveloppement, comme
des espaces de loisirs
pour les enfants et les
jeunes.
Mario Gutirrez, dirigeant
communautaire et membre du
conseil dadministration dune
association de dveloppement
communautaire Hbitat Confen,
Ciudad Delgado (El Salvador)

K La violence entre bandes


lourdement armes est une
ralit quotidienne depuis de
nombreuses annes Ciudad
Delgado. Cependant, quelques
signes despoir se font jour: ici,
un membre dune bande dispose
des armes qui seront remises aux
autorits la faveur dune trve
entre gangs en mai 2013.
Photo: REUTERS/Stringer

N U M R O 3 . 2014 | C R O I X - R O U G E C R O I S S A N T - R O U G E | 1 9

de planche roulettes, un terrain de football, un belvdre, un parc de loisirs pour enfants et le centre
Henry-Dunant pour les jeunes, o quelque 550 lves
suivent des cours de couture, de fabrication de bougies
et de piatas (figures remplies de jouets et de sucreries utilises lors des ftes), dinformatique, de danse
(y compris de break dance) et de diverses formes dexpression artistique.
La Croix-Rouge dEl Salvador propose aussi un plan
de prvention et dassistance contre lalcoolisme et la
toxicomanie, destin aux adolescents.
Jai commenc fumer de la marijuana quand
javais 12ans, explique un jeune de 14ans participant
au programme. On navait rien faire pour soccuper
ici, nous les jeunes, alors on est entrs dans la bande
de notre quartier.
Ma mre me disait: Comment, tu fumes de la marijuana, ton ge! Mais je ne lcoutais pas... jusquau
jour o jai assist lun des ateliers du programme.
Jy ai rencontr des jeunes dautres quartiers et nous
avons fait connaissance. Jai commenc voir les
choses autrement: jai arrt la drogue et je me suis mis
frquenter lcole. prsent, je pense mon avenir.
Je veux tudier laronautique et devenir astronaute.
On peut toutefois sinterroger sur lefficacit long
terme de ces efforts de prvention et sur le rle de
la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge en matire de
prvention de la violence. Si le Mouvement a surtout,
jusquici, ragi la violence, les Socits nationales
sont de plus en plus nombreuses voir la ncessit
dagir davantage pour influer sur certaines de ses
causes profondes.
La Croix-Rouge de Norvge concentrait jusquici
ses efforts sur des projets de sant rurale et de rduction des risques lis aux catastrophes, explique Lars
Erik Svanberg, conseiller de programme pour la rgion
Amriques au sein de la Socit nationale, mais au vu
des effets de la violence urbaine sur la situation humanitaire, nous avons depuis deux ans rorient notre
action vers ce domaine.
Lars Erik Svanberg sait bien que les Socits nationales, en tant quorganisations non gouvernementales,
ne sauraient sattaquer lensemble des causes de la
violence, mais il est convaincu quelles peuvent en attnuer les consquences sur la situation humanitaire.
Nous pensons que le Mouvement, puisquil repose
sur les principes de neutralit et dimpartialit, est bien
plac pour sengager dans ce type dactivit dans la rgion, affirme-t-il.
Comme dans bien dautres rgions du monde, la
Croix-Rouge dEl Salvador a souvent plus facilement
accs aux zones qui sont aux mains de groupes violents
que certains autres services publics. Sa mission, en effet,
est purement humanitaire et elle ne reprsente pas un
gouvernement national ni une autorit publique.
La grande difficult laquelle se heurtent les projets
contre la violence urbaine, expliquent les organisateurs,
20 | CROIX-ROUGE CROISSANT-ROUGE | NUMRO 3 . 2014

L Des garons et des filles


participent un camp de football,
une activit propose par le projet
de la Croix-Rouge dEl Salvador
Possibilits pour lintgration
sociale Hbitat Confen. Pour
maintenir ses activits, le projet doit
trouver un financement durable.
Photo: Vladimir Rodas/CRCR

est la ncessit de ne pas perdre llan et de garantir leur


durabilit, en termes de financement comme dadhsion
des communauts, afin que limpact social du projet
dans le quartier puisse se renforcer, voire stendre ensuite au reste de Ciudad Delgado.
Une autre difficult est lie aux bandes elles-mmes.
Si lobjectif ultime de la Croix-Rouge dEl Salvador est
lintgration et linclusion sociale des jeunes, y compris ceux qui pourraient tre membres de bandes ou
proches delles, celles-ci ne risquent-elles pas de voir
dans ces initiatives une menace contre leur capacit de
recruter de nouveaux membres et de conserver leur ascendant sur leurs rivaux?

Former des jeunes dirigeants au Guatemala

Dans un cadre tel que


celui-ci, o certains
enfants ne vont mme
pas lcole, les enfants
touchent trs tt la
drogue et lalcool.
Duilio Monterroso, responsable
dun programme de prvention de
la violence pour la Croix-Rouge du
Guatemala

Au Guatemala, pays voisin, la violence prend aussi


ses racines dans la guerre civile et dans la croissance
urbaine frntique et dsordonne pendant et aprs
la guerre. Ainsi, la communaut de Santa Isabel II,
une dizaine de kilomtres de Guatemala City,
a vu le jour en tant que communaut de rapatris: des
personnes qui avaient fui pendant la guerre civile et
qui ont t reloges ici une fois le conflit termin.
Ces gens venaient au dpart de la rgion dIxil,
dans le dpartement de Quich, dont la population est
principalement autochtone, explique Miguel Angel
Estrada, coordonnateur dun programme dintgration
sociale administr par la Croix-Rouge du Guatemala.
Bien que la vision du monde des autochtones repose
sur un lien profond avec la terre, le conflit qui a dur de
1960 1966 les a chasss de chez eux. Ils sont dabord
partis au Mexique, puis le gouvernement les a rapatris
et rinstalls ici.
Dans cette communaut, la Croix-Rouge du Guatemala gre lun des trois projets de prvention de la

violence destins aux jeunes dans les districts haut


risque. Le projet de Santa IsabelII, intitul Enfants et
jeunes pour une vie meilleure, a t lanc en 2011 et il
est mis en uvre en collaboration avec la Croix-Rouge
espagnole et avec le CICR, avec lappui des autorits
municipales de Villa Nueva.
Le projet sarticule autour dun centre communautaire administr par la Socit nationale. Cet
tablissement offre un havre aux enfants et aux adolescents; nous voulons quils se sentent ici chez eux,
dit Duilio Monterroso, coordonnateur du projet. Nous
esprons dvelopper les aptitudes de direction de ces
jeunes pour que leur voix soit entendue dans leurs
communauts. Cest trs important pour leur garantir
un meilleur avenir.
La premire phase de ce projet de quatre ans visait
simplement mobiliser les jeunes. Dans un cadre tel
que celui-ci, poursuit Duilio Monterroso, o certains enfants ne vont mme pas lcole, les enfants touchent
trs tt la drogue et lalcool. Cest le premier pas
vers lentre dans une bande, quils voient comme un
moyen de se protger.
Le centre offre dautres possibilits: une zone de loisirs, des cours de thtre, de danse (y compris de break
dance et de hip-hop), dart urbain et des classes dappui
pour aider les plus jeunes faire leurs devoirs.
Si un financement durable peut tre assur et si le
programme continue prendre dans la commu-

prsent, je pense
simplement mon
avenir. Je ne veux pas
tre impliqu dans des
entreprises illgales.
Donald Ordez (19 ans) a
t condamn cinq ans de
prison quand il avait 14ans,
mais il participe maintenant
un programme pour les jeunes
administr par la Croix-Rouge du
Nicaragua

K Cet atelier, dans le cadre dun


programme administr par la
Croix-Rouge du Nicaragua avec les
autorits locales, vient en aide aux
adolescents qui purgent une peine
pour diverses infractions sans avoir
t incarcrs.
Photo: Vladimir Rodas/CRCR

naut, les organisateurs esprent crer une cole au


sein du centre pour aider les jeunes apprendre un
mtier et pour encourager la cration de micro-entreprises, explique Duilio Monterroso.

Rinsrer des adolescents en grande difficult


Au Nicaragua, la Croix-Rouge adopte une dmarche
quelque peu diffrente, en paulant des adolescents
qui ont dj eu maille partir avec la justice. Donald
Ordez a 19ans: il nen avait que 14 quand il a t
condamn cinq annes de prison. Je navais rien, explique-t-il, alors un jour jai dcid de prendre quelque
chose qui ne mappartenait pas.
Donald est aujourdhui lun des 60jeunes participant
des ateliers organiss au sein du complexe judiciaire
central de Managua, la capitale du pays, dans le cadre
dun programme intitul Dirigeants de demain,
destin aux adolescents et aux jeunes en situation particulirement difficile.
Ce programme sinscrit dans un projet plus vaste,
Les droits humains des enfants, des adolescents et des
jeunes, dans la droite ligne de lobjectif stratgique
de la Croix-Rouge du Nicaragua consistant protger
les jeunes par la dfense de leurs droits et par la lutte
contre la discrimination.
Dans ces ateliers, des psychologues et des travailleurs sociaux encadrent des groupes de 15adolescents
grce des activits et des exercices qui les aident

N U M R O 3 . 2014 | C R O I X - R O U G E C R O I S S A N T - R O U G E | 2 1

dvelopper des outils de coexistence et surtout


cesser de rgler les conflits par la violence, dit Moiss
Cordero, lun des psychologues du programme.
Nos activits visent aussi les aider comprendre
les relations de pouvoir au sein de la socit afin de
les viter, ajoute-t-il. Par exemple, le pouvoir quils ont
exerc maintes reprises sur les femmes, ou le pouvoir
et la violence des bandes auxquelles certains dentre
eux ont appartenu dans leur quartier.
Les ateliers font partie dun programme dirig par
la Croix-Rouge du Nicaragua avec un financement de
la Croix-Rouge espagnole et de lUnion europenne,
et ils sont raliss en collaboration avec le pouvoir
judiciaire.
Les juges dcident du moment auquel les adolescents devraient participer au programme pour
soutenir leur rinsertion sociale et leur radaptation,
explique Ericka Blandino, directrice du dpartement
du systme judiciaire nicaraguayen qui soccupe de
lapplication et du suivi des sanctions pnales prononces contre des mineurs accuss dinfractions. Les
jeunes qui ont particip jusquici sont des dlinquants

condamns pour vol ou trafic de stupfiants. La plupart de ces enfants viennent de familles en grande
difficult, dit Mara Jos Blanco, la coordonnatrice du
projet.
Avec des problmes aussi profondment ancrs,
qui exigent des solutions globales, la majeure partie
des Socits nationales de la rgion affirment que le
partenariat avec dautres organisations est essentiel.
Les Socits nationales ne peuvent pas assumer le rle
de lcole ou du systme judiciaire, ni rsoudre le problme de la drogue ou rformer lconomie du pays.
Elles peuvent en revanche contribuer encourager de
bonnes pratiques communautaires, en particulier chez
des jeunes comme Donald Ordez, dont la vie est littralement en jeu.
prsent, je pense simplement mon avenir. Je ne
veux pas tre impliqu dans des entreprises illgales,
assure-t-il. Je veux juste retrouver mon village, Len,
devenir maon et me marier. Q
Manuel Ruiz Rico
Journaliste indpendant bas Bruxelles (Belgique).

Les premiers secours,


un pas vers la paix
Des rires et des cris retentissent dans une cour dcole de Medelln
(Colombie). Un groupe de jeunes y met en scne une situation
durgence, avec fausses blessures, brancards et pansements. Soudain,
un autre groupe entre en action pour secourir les blesss et mettre en
pratique sa connaissance des premiers secours. Vtus de T-shirts orns
demblmes de la Croix-Rouge, ces jeunes appartiennent aux brigades
ducatives, un programme de la Socit de la Croix-Rouge colombienne
qui a dj plus de 65ans dexistence.
Les brigades font aujourdhui partie dun projet intitul Davantage
despaces humanitaires, davantage de possibilits, ralis avec le CICR et la section dAntioquia de la Socit de la Croix-Rouge colombienne, qui
vise prvenir et rduire la violence dans les coles.
Lide consiste lancer des processus ducatifs informels et participatifs articuls autour des expriences vcues par les jeunes afin de
contribuer faire deux des personnes quilibres, avec un sens de la discipline, des comptences professionnelles et une morale du service et du
souci dautrui. Ces jeunes devraient idalement devenir aussi des figures de proue dans les coles et agir comme gardiens et mdiateurs au service
dune culture de coexistence et de paix.
Notre objectif est que les enfants disent Nous ne voulons pas de violence, nous avons dautres moyens et dautres options pour aller de
lavant; la drogue, les armes et la violence, ce nest pas pour moi, explique Valentina, enseignante volontaire dans les brigades.
Lexprience des brigades donne aux jeunes la possibilit de dvelopper leurs comptences et leur crativit et leur permet dvoluer
avec davantage de confiance dans lenvironnement difficile des quartiers les plus vulnrables de la ville. Nous avons vu beaucoup de cas de
toxicomanie et de menaces lcole parce que de nombreux lves sont dj engags dans le conflit arm, dit lun des tudiants qui participent
au programme. Ils introduisent la violence lcole avec pour but de propager leurs ides. Les brigades ont pour objectif dempcher ce processus
et de montrer la voie vers un monde meilleur.
Les brigades ducatives sont aussi un processus dapprentissage pour le CICR et pour la Socit de la Croix-Rouge colombienne, qui cherchent
recrer la ralit que connaissent les jeunes Medelln de nos jours et concevoir des activits qui la refltent. La plus grande difficult,
expliquent les organisateurs, consiste diffuser chez les jeunes les valeurs de lentraide, de lamour de la vie, du respect des diffrences et de
lattention lenvironnement et au milieu dans lequel ils vivent. Linfluence du programme est difficile quantifier, mais ses effets concrets sont
indniables: durant leurs trois ans dactivit dans les tablissements ducatifs de Medelln, les brigades ont amen 42tudiants devenir des
volontaires actifs de la Socit de la Croix-Rouge colombienne.
22 | CROIX-ROUGE CROISSANT-ROUGE | NUMRO 3 . 2014

L Des tudiants dans une


cole dun quartier difficile de
Medelln, o la violence due aux
bandes armes et aux groupes
criminels est monnaie courante,
participent un projet des
brigades ducatives dans lequel
les tudiants apprennent vivre
ensemble sans violence dans un
environnement trs instable.
Photo: Didier Revol/CICR

Trouver
refuge
Vivre un tremblement de terre est une preuve
terrifiante. Imagine-t-on ce quelle reprsente
pour une personne mal voyante ou en chaise
roulante?

ANS LE CENTRE POUR AVEUGLES et malvoyants de lassociation Marisela Toledo de


Managua (Nicaragua), deux personnes se
penchent sur une carte en trois dimensions. Leurs
mains effleurent des sillons, des bosses et des crtes :
les cours deau, les lignes de faille, les zones inondables ou sujettes des glissements de terrain, les
routes et les quartiers qui forment le district II de
Managua.
Grce cette carte, ces deux personnes peuvent
mieux comprendre comment viter des risques essentiels, en particulier en temps de catastrophe naturelle.
Elles participent un programme unique en son genre,
excut par la Croix-Rouge du Nicaragua, qui aide des
personnes handicapes de la vue trouver leur chemin
pour se mettre labri en cas de catastrophe.
Cette maquette est trs utile; elle pourrait nous permettre davoir la vie sauve, dit Mara Cristina Aguilar,
une participante aveugle.
Vivre une inondation, une tempte ou un tremblement de terre reprsente une preuve terrifiante
pour nimporte qui; pour une personne prive de la
vue et vivant dans un environnement urbain, cest
une perspective bien plus angoissante encore. Prives
des repres visuels que nous tenons pour acquis, elles
risquent dtre en outre confrontes des obstacles
inattendus si le paysage urbain est endommag ou
modifi.
Le projet est destin renforcer les capacits de prparation et de riposte aux tremblements de terre dans
les zones urbaines du districtII de Managua. Ce type
de prparation aide les habitants viter les obstacles
potentiels et les zones risque pour gagner des lieux
plus srs.

LLa Croix-Rouge du Nicaragua mne


des activits de prparation destines
limiter les risques dans les centres
urbains. Sur cette photographie, deux
personnes dun centre pour aveugles
Managua tudient un modle de la
ville en trois dimensions qui montre
les zones o elles peuvent se mettre
labri et la manire dont les dangers
potentiels peuvent tre vits.
Photo: Vladimir Rodas/FICR

Rduire les risques en milieu urbain


Financ par le service daide humanitaire et de protection civile de la Commission europenne (ECHO) ainsi
que par un consortium form par les Socits de la
Croix-Rouge dEspagne, du Nicaragua et des Pays-Bas,
ce projet nest que lune des nombreuses activits proposes aux personnes handicapes par la Croix-Rouge
du Nicaragua et dautres partenaires Managua.
En Amrique latine, lattnuation des risques en milieu urbain est une activit essentielle, car les pays de la
rgion ont lun des taux de croissance urbaine les plus
levs parmi les pays faible et moyen revenu. La rgion passe aujourdhui par une mutation conomique
et sociale radicale, abandonnant son modle essentiellement rural, centr sur la production agricole et
agro-industrielle, avec pour consquence des schmas
de peuplement irrguliers, un accs limit la proprit
foncire et toute une gamme de problmes sociaux et
conomiques, dans un contexte de pauvret.
Afin de prparer au mieux les communauts vulnrables dans ce contexte dlicat et complexe, les
organisateurs du projet considrent que le principal
enjeu consiste faire en sorte que les personnes handicapes soient elles-mmes directement associes
llaboration des plans de prparation, lidentification des obstacles architecturaux potentiels et
la cartographie locale des risques et des ressources.
Les plans de prparation et de riposte indiquent avec
prcision le nombre de personnes handicapes et
dsignent les personnes responsables de les aider en
cas dvacuation. Des exercices et des simulations permettent de mettre lpreuve les plans et de stimuler
la participation des personnes atteintes de divers types
dincapacit. Toutes les sances de formation devraient
se drouler rgulirement et tre adaptes pour tre
accessibles chacun. Q

Une question culturelle


Le Rapport 2014 de la FICR sur Les Catastrophes dans le Monde souligne que le fait dignorer le rle de la
culture locale dans la rduction des risques des catastrophes reprsente une dmarche courte vue, souvent
dangereuse et, terme, coteuse pour les organismes daide et de dveloppement. Des tudes de cas ont
montr combien le fait de prendre en considration la culture locale peut produire des avances et une
meilleure participation dinstitutions locales cruciales. Voir www.ifrc.org/world-disasters-report-2014.
N U M R O 3 . 2014 | C R O I X - R O U G E C R O I S S A N T - R O U G E | 2 3

Les documents internes des archives du


CICR sur les conflits des annes 1960 et 1970
clairent une poque dcisive pour laction
humanitaire.

Aux source
de lHistoi
D

ANS UNE PETITE PICE au sous-sol du


sige du CICR Genve (Suisse), lhistorien
Andrew Thompson examine mticuleusement des dossiers pleins de documents rapports
de mission dactylographis, tlgrammes confidentiels et lettres manuscrites que personne
dextrieur au CICR na jamais consults.
Cest un processus de dcouverte, explique
Andrew Thompson, professeur dhistoire lUniversit
dExeter, au Royaume-Uni. Jignore ce que je vais trouver et jprouve un sentiment dexpectative. Pour un
historien, cest un peu comme ouvrir un cadeau danniversaire ou entrer dans une confiserie.
Cette confiserie, en loccurrence, nest autre que les
archives du CICR, o Andrew Thompson parcourt des
documents qui ont entre 40 et 50 ans et qui seront
rendus publics en janvier 2015, conformment la politique du CICR, qui veut que les documents internes
soient ouverts la consultation par blocs de dix ans,
quarante ans aprs les faits quils dcrivent.
En plus de satisfaire la curiosit intellectuelle de
lhistorien, ces documents clairent dun jour nouveau
les conflits qui se sont drouls entre 1965 et 1975.
Ils permettent, en particulier, de mieux comprendre
un domaine qui intresse beaucoup Andrew Thompson, qui a dj parcouru rapidement les archives pour
ses recherches sur lvolution du droit international
humanitaire et des droits de lhomme en matire de
traitement des dtenus politiques dans les conflits non
internationaux.
Les archives du CICR revtent une norme importance pour les gens qui rflchissent et qui crivent
au sujet du pass et du prsent de laide humanitaire et des droits de lhomme, explique lhistorien.
Mais cest bien plus que cela: ce sont des archives
qui permettent dtudier le conflit sous toutes ses dimensions.

24 | CROIX-ROUGE CROISSANT-ROUGE | NUMRO 3 . 2014

L Des documents nouvellement


publis clairent dun jour
nouveau tous les grands conflits
de la priode 1965-1975. Parmi
eux, la guerre du Biafra, un
tournant historique pour le secteur
humanitaire. Ici, un dlgu du
CICR rend visite des dtenus
faits prisonniers par les forces
biafraises. Photo: Adrien Porchet/CICR
j Rapport dactylographi de
la visite dun dlgu Nelson
Mandela dans la tristement
clbre prison de Robben Island en
1967. Ce document figure parmi
les milliers de pices qui seront
rendus publiques par les archives
du CICR en janvier 2015.
Photo: Archives du CICR

Pour les historiens, les archives sont un vritable


ttrsor, car elles contiennent des rcits de premire
main manant des dlgus sur le terrain, ainsi que
m
de la correspondance interne et externe pour tous
d
les grands conflits de cette poque. Selon Andrew
TThompson, elles offrent une perspective qui nest
pas toujours prsente dans les archives diplomatiques ou
militaires, car en plus de lanalyse politique, elles montrent
comment le conflit touche la vie des simples citoyens.

Tournants historiques
En loccurrence, les archives clairent la guerre du Biafra
au Nigria, un tournant historique pour le secteur humanitaire, ainsi que le conflit entre Isral et ses voisins arabes,
la guerre des tats-Unis au Viet Nam, la guerre civile au
Ymen et la lutte contre lapartheid en Afrique du Sud,
entre autres.
Elles montrent aussi lvolution de principes et de
prcdents importants dans lapplication du droit international humanitaire et du droit relatif aux droits de
lhomme dans la priode suivant la Seconde Guerre mondiale et durant la guerre froide, lorsque de nombreuses
colonies sengagrent dans des guerres dindpendance
et lorsque limpasse dans la confrontation entre les superpuissances mondiales entrana la prolifration de
guerres par procuration dans le monde entier.
Andrew Thompson sintresse tout particulirement
la manire dont lexprience du CICR dans des pays
comme lAfrique du Sud et le Ymen (y compris ce qui
fut jusquen 1967 ltat dAden, sous contrle britannique) a contribu dfinir lattitude des groupes de
dfense des droits de lhomme et daide humanitaire
lgard des prisonniers politiques. On trouve dans les
archives des comptes rendus rdigs par Andr Rochat,
dlgu du CICR, qui rendait visite pour la premire
fois des dtenus politiques mfiants et sceptiques
dans les prisons du Ymen.

On trouve aussi une description trs factuelle de cet


entretien quun dlgu eut en Afrique du Sud en 1967
avec un dtenu politique du nom de Nelson Mandela, qui,
avec 30codtenus, travaillait dans une carrire de chaux
sur lle prison de Robben Island, lune des plus tristement
clbres des prisons administres par le gouvernement
de lapartheid aux affaires lpoque en Afrique du Sud.
Cest en 1963 que le CICR commena visiter les
prisonniers condamns pour motifs de scurit en
Afrique du Sud. Par la suite, le CICR rencontra rgulirement Mandela Robben Island, puis la prison de
Polsmoor, jusqu sa libration en fvrier 1990. Mandela voque ces visites dans son autobiographie, Un
Long Chemin vers la Libert.
On est frapp, la lecture du document, par la description franche et quilibre que fait Nelson Mandela
des conditions de vie en prison et par le compte rendu
dtaill de ltat de sant de ses camarades dtenus.
Lorsquil est question de lui-mme, en revanche, il
rpond simplement : En ce qui me concerne, je nai
aucune plainte formuler.

Transparence et rflexion
Toutes les archives ne sont cependant pas restes
entirement secrtes jusqu ce jour. Les chercheurs
peuvent demander lautorisation dtudier des parties
encore confidentielles des archives du CICR pour des
projets de recherche prcis; dautre part, les personnes
concernes par les faits dcrits peuvent aussi demander consulter les dossiers pertinents.
Les archives nintressent pas que les historiens. Elles
reprsentent aussi une ressource pour le Mouvement,
car elles reclent beaucoup dinformations sur laction
des Socits nationales pour toute personne souhaitant valuer laction humanitaire et ses effets.
Les archives garantissent la capacit de lorganisation de faire le bilan des activits dcoulant de son

L Distribution de mdicaments
pendant la guerre du Biafra.
Photo : H.D. Finck/CICR

mandat, explique Jean-Luc Blondel, chef de la Division


des archives et de la gestion de linformation du CICR.
Elles jouent un rle crucial dans le devoir de transparence de toute organisation. Dans le cadre de ce devoir
et afin de bnficier de lapport de regards et de mthodes extrieurs, le CICR encourage les recherches et
la critique indpendante de son histoire et de la manire
dont il sacquitte de son mandat, ajoute-t-il.
Une telle attitude nest pas sans risque. Lexamen
des dossiers peut mettre en lumire des erreurs commises dans la ngociation, des abus de langage ou un
manque de diplomatie. Dans certains cas, il rvle
aussi, dit Jean-Luc Blondel, certaines attitudes culturelles typiques de lpoque: un manque de sensibilit
culturelle, voire des sous-entendus racistes dans la manire dont certaines personnes sexprimaient.
Dans dautres cas, par exemple au Moyen-Orient
ou dans le sous-continent indien, certains vnements
qui se sont produits voici plus de 40ans demeurent,
aujourdhui encore, trs prsents dans les esprits, et les
analyses ou le droulement des vnements tels que
dcrits lpoque pourraient influer sur les actes ou les
ngociations daujourdhui.
Nanmoins, suggre Jean-Luc Blondel, lclairage du
pass permet aussi de mieux comprendre les racines des
conflits et de donner des ides sur la manire de faciliter
le rglement des diffrends ou au moins dengager les
parties dans une dynamique positive cette fin.
Le Mouvement est bien conscient de limportance des
souvenirs prservs dans ces archives. Cest pourquoi le
Conseil des Dlgus a adopt en 2011 une rsolution
qui appelle la prservation de son patrimoine historique et culturel. La question sera rexamine par le
Conseil en 2015. Q
Malcolm Lucard
Rdacteur en chef de Croix-Rouge, Croissant-Rouge.
N U M R O 3 . 2014 | C R O I X - R O U G E C R O I S S A N T - R O U G E | 2 5

Mon histoire Croix-Rouge


Croissant-Rouge
Prsident de la CroixRouge du Myanmar

ON PREMIER CONTACT
avec la Croix-Rouge remonte 1966 : jtais
alors un jeune mdecin frais diplm Yangon. Je me suis port
volontaire pour travailler Mingaladon, un quartier de banlieue
o le ministre de la Sant et la
Croix-Rouge collaboraient dans
les dispensaires. Jtais loin de
mimaginer, en commenant ce
travail bnvole, que plus dun
demi-sicle plus tard la CroixRouge tiendrait toujours une
place aussi centrale dans ma vie.
lpoque, le Myanmar tait
depuis peu indpendant du
Royaume-Uni et la pauvret tait
omniprsente. Je noublierai jamais le visage dsespr des personnes dont des nonnes, des moines
et des mendiants qui faisaient la queue pour tre
soigns, qui de diarrhe, qui de dysenterie ou de paludisme, ni lengagement des volontaires locaux qui
avaient t forms par la Croix-Rouge pour vacciner
et dispenser des premiers secours de base.

En 1967, je suis parti ltranger pour mener une carrire


acadmique en mdecine tropicale et ce nest que prs de 40ans
plus tard, en 2006, que je fus appel prsider la Croix-Rouge
du Myanmar. Le temps a pass,
les voyages sont plus faciles, les
progrs techniques ont t gigantesques, mais les principes
fondamentaux et le dvouement
du personnel et des volontaires
sont, fort heureusement, exactement les mmes que dans mes
souvenirs des annes 1960.
Cet esprit si particulier sest
manifest avec force en 2008,
lorsque le Myanmar a t dvast
par le cyclone Nargis, qui a fait au moins 130000morts
et des dizaines de milliers de blesss et de disparus
dans le delta de lIrrawaddy, une zone forte densit de
population. Voir les jeunes volontaires, dont un grand
nombre avaient eux-mmes perdu leur maison dans la
catastrophe, tout faire pour aider leurs semblables, a
t pour moi un moment mouvant et inoubliable.
Photo: Nick Jones/FICR

Professeur
Tha Hla
Shwe

Elle avait perdu beaucoup


de sang et il lui fallait une
transfusion pour survivre.
Jtais terrifi, je ne pouvais pas
imaginer ma vie sans elle.

Le projet Mon histoire,


lanc le 8mai, Journe
mondiale de la Croix-Rouge
et du Croissant-Rouge,
pour une dure dun an,
permet de partager les
expriences vcues au sein
du Mouvement.

26 | CROIX-ROUGE CROISSANT-ROUGE | NUMRO 3 . 2014

Photo: Socit de la Croix-Rouge de Singapour

Mon
histoire

Jeremy Nguee, racontant comment les dons


de la banque du sang de la Socit de la CroixRouge de Singapour ont sauv la vie de son
pouse Liang. Pour lire ce rcit:
www.redcross.int/mystory.

Photo: FICR

Patrick
Couteau

Longtemps agent de
sant de la Croix-Rouge
et du Croissant-Rouge,
ancien responsable du
programme mondial
de la FICR contre le
VIH/sida

LHEURE DE PRENDRE MA RETRAITE aprs


plus de trente annes au service de la CroixRouge et du Croissant-Rouge, jai toujours
le sourire aux lvres quand je pense que tout a commenc par un numro du magazine Paris Match en
1978. Je travaillais alors comme infirmier et cest en
feuilletant ce magazine un jour que je suis tomb sur
des images bouleversantes de la crise de rfugis qui
tait en train dclater au Cambodge.
Les Khmers rouges staient empars du pouvoir
et de nombreuses personnes tentaient de fuir le pays
pour chapper leur brutalit. Je voulais absolument
me rendre utile, et je me suis rendu au sige de la CroixRouge franaise pour proposer mes services. Mais nous
tions en 1978 et on ma rpondu quun infirmier de sexe
masculin, dans une quipe exclusivement fminine, serait un facteur de distraction: ma candidature a t
refuse. Jai eu la chance que deux infirmires tombent
malade, et cest ainsi que je me suis trouv bientt
bord dun avion vers ma premire zone de guerre, en
tant que premier homme infirmier jamais envoy par la
Croix-Rouge franaise en mission ltranger.
Dans le camp de rfugis la frontire avec la Thalande, la situation tait chaotique et nous travaillions
jour et nuit pour traiter toutes sortes de maladies,
de blessures de guerre, de blessures causes par des
mines, ainsi que des victimes de viol. Les Vietnamiens
bombardaient souvent la zone, et nous devions alors
courir nous mettre labri.
Un jour, en pleine alerte arienne, une femme rfugie enceinte ma demand de laide et jai fini par
lassister pour mettre au monde deux magnifiques jumeaux, malgr le fait que lon ne met jamais autoris,

en tant quhomme, suivre une formation daccoucheur. Cest ce moment-l que jai su que je voulais
consacrer ma carrire entire au Mouvement de la
Croix-Rouge et du Croissant-Rouge.
Les missions se sont succd : Ouganda, Angola,
Liban, Tchad, la Roumanie lors du renversement de
Ceausescu. Laide aux centaines denfants abandonns dans les orphelinats ma marqu pour toujours.
Un grand nombre dentre eux taient sropositifs en
raison des transfusions de sang contamin quon leur
avait faites pour compenser le manque de nourriture.
Dans les annes 1980, jai perdu beaucoup damis
cause du sida. Jtais et je demeure dtermin combattre lopprobre et la peur qui entourent les gens qui
vivent avec le VIH. La formation dune quipe dtudiants roumains comme volontaires pour toucher,
cliner et distraire les orphelins porteurs du VIH a, je
lespre, apport une petite contribution ce combat
gigantesque contre le VIH, la discrimination et la privation damour et dattention. Des annes plus tard, en
Afrique australe, jai nouveau t confront au VIH
et au sida, horrifi par les dgts que le virus infligeait
aux communauts. Mme aprs toutes ces annes, je
reste boulevers par le travail ralis par les volontaires
Croix-Rouge et Croissant-Rouge sur le terrain, et par
leur bravoure, leur obligeance et leur compassion.
Le souvenir de ces jeunes volontaires de la CroixRouge du Kenya qui ont pay de leur poche les
funrailles des patients dont ils soccupaient domicile, pour quils puissent tre enterrs dans la dignit,
me met toujours les larmes aux yeux. Jespre que leur
action se poursuivra jusqu ce que le virus soit enfin
jamais radiqu.
N U M R O 3 . 2014 | C R O I X - R O U G E C R O I S S A N T - R O U G E | 2 7

Mon histoire Croix-Rouge Croissant-Rouge

Estanislau
Guterres

Photo: Kate Jean Smith/FICR

Membre fondateur de
la Croix-Rouge
du Timor-Leste

jai jou de malchance: une unit de soldats indonsiens ma repr et ils mont tir dessus. Jai perdu trois
doigts et ils mont emmen dans un centre de dtention pour y tre interrog.
Jai finalement t libr et cest quand je suis revenu Dili que jai eu connaissance du CICR et du
travail quil ralisait avec les prisonniers politiques
et dautres personnes touches par loccupation et
le conflit. Lquipe du CICR ma engag pour aider
traduire du portugais en ttoum, notre langue locale,
et assez vite on ma confi davantage de responsabilits avec les visites aux dtenus, la recherche de
personnes et la runification familiale.
Vingt ans plus tard, je faisais toujours partie de
lquipe du CICR; je voyais des communauts lutter
et essayer de reconstruire leur vie. En 1999, le pays a
connu de nouvelles violences avec le rfrendum sur
lindpendance. La perspective de lindpendance se
faisant plus relle que jamais, et comme le CICR avait
dj un lourd fardeau, nous avons form un groupe
pour dmarrer la cration de notre Socit nationale.
En 2002, la Croix-Rouge du Timor-Leste a t officiellement reconnue par le gouvernement et en 2009
notre emblme a t reconnu par le parlement. Beaucoup de mes amis me demandent pourquoi je suis
toujours rest la Croix-Rouge depuis 1979. Je leur
rponds que dans mon cur, jaime la Croix-Rouge:
voil pourquoi jai toujours t heureux de travailler
pour elle.

ORSQUE LARME INDONSIENNE sest empare


du pays, jai fui dans les montagnes environnantes, avec des milliers dautres habitants, pour
chapper au danger. Nous y avons vcu cachs pendant prs de trois ans, en dormant dehors et en
trouvant de quoi subsister comme nous pouvions. Jai
vite appris des techniques de survie de base. Un jour,

24 ans, juriste au
complexe judiciaire
municipal de Managua
(Nicaragua)

N 2009, UN PROGRAMME de prvention de la


violence de la Croix-Rouge du Nicaragua est
arriv Walter Ferreti, un quartier difficile de
Managua o jhabitais. Je navais pas dintrt particulier pour les tudes, pourtant jai commenc
travailler pour ce programme en tant que volontaire
et jai fini par tudier le droit. Je travaille maintenant
pour le complexe judiciaire depuis 2012, et ma tche
consiste justement offrir des services de conciliation
aux jeunes dlinquants.
Walter Ferreti, les conflits entre bandes taient
quotidiens, mais aujourdhui, au lieu de faire partie de
lun de ces gangs que je voyais luvre chaque jour,
je suis engag dans un projet de la Croix-Rouge en qualit de mdiateur.
Chacun mrite une chance, et il faut savoir la saisir
quand elle se prsente. En ce qui me concerne, je veux
rester ici: jaimerais me marier, fonder une famille et
vivre Walter Ferreti.

28 | CROIX-ROUGE CROISSANT-ROUGE | NUMRO 3 . 2014

Photo: Vladimir Rojas/FICR

lex
Martnez

Supports dinformation

PUBLICATIONS
communaut est expose. Lobjectif
est de dterminer le degr de
vulnrabilit de la population ces
risques et sa capacit y faire face et
se relever sils devaient se matrialiser.
Cette brochure complte les quatre
principaux livres sur lEVC (Quest-ce
que lEVC? Comment faire une EVC? La
bote outils EVC et Guide de formation
lEVC) publis entre 2006 et 2008.
Disponible en anglais, arabe, espagnol et franais.

Living with absence:


Helping the families
of the missing
Rapport sur
les catastrophes
dans le monde 2014
FICR, 2014
Cette anne, le Rapport sur les
catastrophes dans le monde de la FICR
traite de linfluence de la culture sur la
rduction des risques de catastrophe
et, rciproquement, de linfluence
des catastrophes et des risques sur la
culture. Que faire, par exemple, lorsque
la population attribue la responsabilit
dune inondation une desse en colre
ou celle dune ruption volcanique au
dieu des montagnes? Il apparat de
plus en plus clairement que laction de
prvention des risques associs aux
catastrophes est compromise si elle
nglige linfluence de la culture sur
lattitude des populations lgard du
risque. Ce rapport affirme quune telle
attitude est une dmarche courte
vue, souvent dangereuse et, terme,
coteuse pour les organismes daide et
de dveloppement.
Disponible en anglais; rsums en arabe,
espagnol et franais.

Intgrer le changement
climatique et les risques
urbains dans lEVC
FICR, 2014
Dans le cadre de ses activits
destines accrotre la capacit
des communauts rsister aux
preuves, la FICR a mis au point
une procdure dite valuation de la
vulnrabilit et des capacits (EVC).
Il sagit dune procdure denqute
participative destine valuer,
analyser et pallier, en temps utile,
les principaux risques auxquels une

CICR, 2014
De nombreuses personnes sont
portes disparues dans les conflits
et les catastrophes naturelles ou
causes par lhomme ou par suite
de crises dune autre nature ou de
migrations. La disparition est tragique
pour les personnes touches, mais
elle est aussi synonyme dangoisse
pour les familles, dans lignorance
du sort de leurs proches. Outre la
douleur morale, les familles des
disparus sont souvent plonges dans
la dtresse conomique et sociale.
Cette publication est destine faire
mieux connatre le problme et dcrit
laction du CICR en la matire.
Disponible en anglais.

Promoting military
operational practice
that ensures safe access
to and delivery
of health care
CICR, 2014
Ce rapport sur les soins de sant
en danger runit un ensemble
de mesures pratiques adopter
dans la planification et la conduite
doprations militaires pour viter
les effets ngatifs de ces oprations
sur la prestation des soins de
sant en temps de conflit arm.
Le rapport est le fruit dun large
processus de consultation avec
des membres des forces armes du
monde entier. Un grand nombre des
mesures identifies peuvent tre
intgres aux ordres militaires, aux
rgles dengagement, aux modes
opratoires normaliss et dautres
documents et formations pertinents.
Disponible en anglais.

Pour obtenir des publications du CICR, sadresser : Comit international de la Croix-Rouge,


avenue de la Paix 19, CH-1202 Genve, Suisse. www.icrc.org .
Pour obtenir des publications de la FICR, sadresser : Fdration internationale des Socits de
la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, Case postale 303, CH-1211 Genve 19, Suisse. www.ifrc.org.

Children and detention


CICR, 2014
La dtention peut tre prouvante
et dangereuse; elle entrane des
privations physiques, affectives
et intellectuelles qui peuvent tre
souvent difficiles affronter mme
pour des adultes solides. Cette
brochure de 20pages expose la
manire dont le CICR sefforce daider
les enfants dtenus et numre les
raisons fondamentales de la dtention
des enfants ainsi que les mesures
prvues par le droit international pour
les protger.
Disponible en anglais.

La sant reproductive,
maternelle, nonatale
et infantile aujourdhui
FICR, 2014
La FICR soutient et encourage
depuis plus de vingt ans la sant
reproductive, maternelle, nonatale
et infantile (SRMNI). Ses programmes
dans ce domaine ont volu pour
rpondre aux besoins moyen et long
terme des communauts; ils incluent
des activits en termes doffre et de
demande de soins de sant primaires,
y compris des activits axes sur la
communaut qui encouragent des
pratiques optimales de sant et des
comportements de demande de soins.
Disponible en ligne en anglais, espagnol et franais.

VIDOS

Rapport annuel 2013


de la FICR
FICR, 2014
Le rapport annuel 2013 de la FICR
prsente le bilan financier, des
statistiques relatives aux programmes
et dautres donnes quantitatives et
qualitatives qui clairent les activits
de la FICR, sa valeur et ses ralisations.
Il dcrit les activits du secrtariat de la
FICR, y compris les bureaux des zones
et les bureaux rgionaux; il peut dcrire
limpact des programmes dans les
Socits nationales, mais il nenglobe
pas les activits de ces dernires.
Disponible en ligne en anglais, espagnol et franais.

Cadre de la Fdration
internationale relatif
la rsilience
des communauts
FICR, 2014
La notion de rsilience des
communauts rsume, bien des
gards, lensemble des objectifs de
la FICR. Mme si leurs activits ne
sont pas ncessairement dcrites en
ces termes, de nombreuses Socits
nationales ont bel et bien, depuis des
dcennies, renforc la rsilience des
communauts. Cette publication
montre en quoi la notion de rsilience
des communauts, au sein de la FICR,
sest dveloppe pour reconnatre
la nature dynamique et mouvante
des communauts ainsi que les
vulnrabilits sous-jacentes qui les
mettent en difficult.
Disponible en anglais, arabe, espagnol et franais.

Les lois de la guerre (en bref)


CICR, 2014
Bien des membres du Mouvement connaissent parfaitement les principes de
base du droit international humanitaire (DIH): mme en temps de guerre, il existe
des rgles qui protgent les personnes qui ne participent pas au conflit, ainsi que
les prisonniers et les blesss. Il nest pas toujours facile, cependant, de traduire
ces notions en termes clairs et concis. Cest cette fin que le CICR a ralis cette
brve vido anime, qui explique les mesures de protection de base contenues
dans le DIH. Vous trouverez un lien vers la vido ladresse www.redcross.int.
Disponible en allemand, anglais, arabe, espagnol, franais, nerlandais et portugais.

Dans un grand nombre de conflits actuels, les affrontements se droulent dans les rues des villes o des foules dhabitants
se pressaient nagure dans des marchs ciel ouvert, circulaient en voiture ou pied pour se rendre au travail
ou lcole. Cette image de lillustrateur palestinien Hani Abbas, ralise partir dune photographie prise en Syrie,
voque la fois la vie qui animait il y a peu ce cadre urbain et le dfi gigantesque de la reconstruction.
Pour en savoir plus sur les consquences de la guerre en milieu urbain, voir les pages 12 17.

You might also like