L’industrie pharmaceutique mise gros sur l’IA et le Cloud computing

Technologie : Entreprises de biotech et géants pharmaceutiques ont de plus en plus recours aux fournisseurs de Cloud pour améliorer la production de médicaments. Un partenariat gagnant-gagnant qui redessine les contours de la santé de demain.

Par Veronica Combs

  • 6 min

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Si les hôpitaux et les systèmes de santé font aujourd’hui un usage régulier des services de Cloud pour parfaire leur transformation numérique, entreprises de biotechs et géants de l’industrie pharmaceutique ne sont pas en reste et utilisent le Cloud pour réorganiser leurs activités commerciales du tout au tout.

La découverte de médicaments assistée par ordinateur combine ainsi aujourd’hui Cloud computing et intelligence artificielle pour rendre le processus de développement de médicaments plus rapide et moins coûteux. Une nouvelle donne largement appropriée par les grandes sociétés pharmaceutiques, qui profitent des améliorations apportées à l’IA et de la puissance de calcul du Cloud pour tester cette nouvelle approche.

Les compagnies pharmaceutiques utilisent ainsi ce processus axé sur les nouvelles technologie pour rendre plus rapide et moins cher le développement de médicament déjà largement répandu dans le commerce mais aussi de nouvelles catégories de traitement agissant au niveau de l’ADN ou de l’acide ribonucléique (ARN), une autre molécule très proche de l’ADN, pour stopper certaines maladies. A ce titre, les fournisseurs de Cloud à grande échelle comme AWS, Microsoft ou Google sont aujourd’hui passés au rang de nouveaux partenaires essentiels des acteurs de l’industrie pharmaceutique qui comptent beaucoup sur ces derniers pour développer de nouvelles formes de production de traitements ou de produits de santé.

Les acteurs du Cloud, nouveaux partenaires privilégiés de l’industrie pharmaceutique

Jusqu’à maintenant, lorsqu’une société pharmaceutique souhaitait mettre au point un nouveau médicament, ses équipes de recherche optaient tout d’abord pour la molécule la plus à même de satisfaire leurs besoins avant de commencer à en explorer toutes les possibilités thérapeutiques. Une fois que ces chercheurs avait trouvé un composé prometteur, le processus d’essai clinique pouvait alors débuter.

Un processus long et coûteux, que ce soit en France ou aux Etats-Unis, qui se décompose outre-Atlantique en quatre phases avant d’être approuvés par l’Autorité américaine de santé, la FDA. Selon le type de médicament testé, les essais de phase 2 peuvent coûter entre 7 et 19 millions de dollars, et le budget des essais de phase 3 est encore plus élevé : 11,5 à 52,9 millions de dollars. Seulement 13 % environ des médicaments qui amorcent le processus ont la chance de se retrouver un jour dans les étals des pharmacies.

Pour faire partie de cette catégorie de médicaments approuvés pour un usage commercial, les chercheurs utilisent la modélisation informatique au début du processus de développement des médicaments pour augmenter leurs chances de succès. Ils ont ainsi recours à la modélisation pour identifier les médicaments qui seront les plus sûrs pour les patients, tout en comportant le moins d’effets secondaires pour ces derniers. En opérant des choix plus judicieux au début du processus de développement, la modélisation augmente les chances qu’un nouveau médicament soit efficace et améliore les produits existants.

C’est là que le Cloud entre en jeu. Les sociétés pharmaceutiques ont en effet besoin de la puissance de calcul que les fournisseurs de Cloud à grande échelle peuvent fournir et de la capacité d’augmenter et de réduire rapidement leurs activités. Amazon Web Services (AWS), Alphabet (Google) et Microsoft collaborent ainsi avec des sociétés pharmaceutiques établies et des start-ups pour développer cette nouvelle approche du développement de médicaments.

Construire un logiciel biologique chez Moderna

Cas d’école. AWS est aujourd’hui un élément central dans les processus de recherche, de développement et de production de médicaments au sein de la société pharmaceutique Moderna. La société crée une nouvelle classe de traitements en utilisant l’ARN messager ou ARNm, qui utilise les instructions de l’ADN pour construire les protéines dans toutes les cellules humaines. Les médicaments à base d’ARNm peuvent dire à l’organisme de fabriquer certaines protéines pour traiter ou prévenir une maladie particulière. Moderna a reçu des fonds de l’armée pour développer des traitements contre les maladies infectieuses, tout en étant financée par Merck et AstraZeneca pour développer des vaccins personnalisés contre le cancer.

« Les médicaments à ARN messager indiquent aux patients comment produire eux-mêmes les médicaments, un peu comme un logiciel biologique », explique Dave Johnson, directeur de l’informatique chez Moderna Therapeutics. La plate-forme d’ARNm de la société utilise une capacité de calcul dans le Cloud pour exécuter divers algorithmes afin de concevoir chaque séquence d’ARNm. Moderna utilise Amazon Elastic Compute Cloud (EC2) avec Auto Scaling, Amazon EC2 Spot Instances, Amazon Relational Database Service et Amazon Simple Queue Service (SQS).

Les instances Amazon EC2 tirent les tâches, traitent le travail et utilisent Amazon SQS pour renvoyer les résultats au cluster maître. Avec la PIC, Moderna peut raccourcir le temps nécessaire pour faire passer les candidats-médicaments aux études cliniques et produire des traitements dont le développement se serait avéré difficile il y a quelques années encore.

Comment Microsoft alimente le développement de médicaments

Si les acteurs de l’industrie pharmaceutiques s’intéressent aux fournisseurs de services de Cloud, l’inverse est également vrai. Tant et si bien que les fournisseurs de services de Cloud à grande échelle font aujourd’hui partie des partenaires privilégiés de l’industrie pharmaceutique. En 2017, Microsoft a ainsi annoncé une alliance de développement technologique avec Parexel, une entreprise mondiale de services biopharmaceutiques. Les deux sociétés ont combiné l’infrastructure cloud mondiale de Microsoft avec l’expertise de Parexel dans le domaine des technologies cliniques et réglementaires.

De plus, Microsoft a été l’un des premiers bailleurs de fonds de Cloud Pharmaceuticals, une société de découverte de médicaments qui a été lancée en 2011 avec une technologie initialement développée à l’Université Duke. La plateforme technologique de l’entreprise, appelée Quantum Molecular Design, utilise une combinaison d’intelligence artificielle, de chimie quantique avancée et de cloud computing pour identifier les candidats les plus prometteurs pour de nouveaux traitements à petites molécules.

« On estime que le processus de découverte traditionnel pour arriver à une molécule candidate clinique prend plus de cinq ans », a déclaré Don Van Dyke, directeur de l’exploitation de Cloud Pharmaceuticals. « Cloud Pharmaceuticals a toutefois réussi à réduire ce délai à quelques mois », a estimé le dirigeant, qui y voit l’impact de la présence de Microsoft parmi ses principaux actionnaires. A noter que Cloud Pharmaceuticals a annoncé il y’a environ un an un partenariat avec GlaxoSmithKline. GSK détermine les conditions sur lesquelles elle veut se concentrer et Cloud Pharmaceuticals utilisera sa plateforme technologique pour la recherche et le développement des traitements.

Alphabet s’impose comme un acteur clé dans le repliement des protéines

Ne ratant jamais une occasion de faire parler d’elle, Alphabet, la holding de tête de Goole, a également recours à l’IA pour accélérer le processus de développement de médicaments. En 2014, Alphabet a fait l’acquisition de la start-up londonienne DeepMind « pour s’attaquer à certains de nos défis les plus urgents dans le monde réel », notamment la lenteur du processus de développement des médicaments.

L’équipe de santé de DeepMind utilise l’IA pour comprendre le repliement des protéines. Presque toutes les fonctions de l’organisme sont guidées par la forme et le mouvement des protéines. Lorsque les protéines s’emmêlent ou se déforment, cela peut mener à diverses maladies, dont le diabète, la maladie de Parkinson et la maladie d’Alzheimer. Si les chercheurs disposaient d’un outil pour modéliser avec précision les structures protéiques, cette application pratique de l’IA pourrait accélérer le développement de nouveaux médicaments.

Fin 2018, DeepMind a lancé l’un de ses produits – AlphaFold – dans un concours de pliage de protéines qui attire des chercheurs du monde entier. Les équipes de recherche doivent prédire la structure des protéines à partir de listes d’acides aminés spécifiques, qui sont envoyées aux équipes tous les quelques jours pendant plusieurs mois. AlphaFold a battu 97 autres participants. L’algorithme a prédit la structure la plus précise pour 25 protéines sur 43, comparativement à trois sur 43 pour l’équipe de deuxième place dans la même catégorie.

Le chercheur britannique Liam McGuffin a mené le groupe universitaire britannique ayant obtenu les meilleures notes au concours. Dans les colonnes du Guardian, ce dernier a vanté les mérites de cette nouvelle technique développée par DeepMind, en déclarant notamment que « la capacité de prédire la forme dans laquelle n’importe quelle protéine va se plier est une grosse affaire. Elle a des implications majeures pour résoudre de nombreux problèmes du XXIe siècle, avoir un impact sur la santé, l’écologie, l’environnement et réparer tout ce qui touche aux systèmes vivants ». Une nouvelle technique qui pourrait profiter de la présence des géants du Cloud pour connaître de nouvelles applications au bénéfice de l’humanité toute entière.

Source : « Pharma companies are counting on cloud computing and AI to make drug development faster and cheaper« 

/ Powercenter

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