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Moyen-Orient - Éclairage

L’accord pétrolier offre aux FDS un partenariat sur le long terme avec les États-Unis

Damas et Ankara critiquent le deal entre les Kurdes et les Américains.


L’accord pétrolier offre aux FDS un partenariat sur le long terme avec les États-Unis

Un véhicule militaire américain passe à côté d’un puits pétrolifère dans la province de Hassaké, dans le Nord-Est syrien, le 5 novembre 2019. Photo AFP

C’est une annonce qui a suscité une levée de boucliers du côté de Damas et d’Ankara. Selon différents rapports parus la semaine dernière, un accord a été signé entre la compagnie pétrolière américaine Delta Crescent Energy LLC et l’administration semi-autonome kurde dans le Nord-Est syrien, zone qui échappe en grande partie au contrôle du régime de Bachar el-Assad et où se trouvent la plupart des champs pétrolifères. Si peu de détails ont filtré sur le contenu du texte, des précisions ont été apportées jeudi dernier lors d’une audience de la commission des relations étrangères du Sénat des États-Unis. Affirmant avoir été informé d’un deal pour « moderniser les champs pétrolifères dans le Nord-Est syrien » par le commandant en chef des Forces démocratiques syriennes (FDS), le général Mazloum Abdi, le sénateur républicain Lindsey Graham a saisi l’occasion pour demander au secrétaire d’État américain, Mike Pompeo, si Washington soutenait l’initiative. Coalition militaire majoritairement composée de la milice kurde des Unités de protection du peuple (YPG), les FDS entretiennent des liens étroits avec Washington depuis leur création en 2015.

« L’accord a pris un peu plus de temps que nous l’avions espéré, et nous en sommes maintenant à sa mise en œuvre », a affirmé le chef de la diplomatie américaine, confirmant l’appui de l’administration de Donald Trump. En octobre dernier, Washington avait déjà annoncé qu’il s’apprêtait à déployer des « moyens mécanisés » pour assurer la défense des champs pétrolifères dans la province de Deir ez-Zor, proche de la frontière avec l’Irak, repris des mains des jihadistes de l’EI avec les forces kurdes et où quelque 200 soldats américains étaient alors stationnés.

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Controversée, l’annonce de Donald Trump du retrait – puis du redéploiement – des forces américaines en octobre de zones proches de la frontière turque avait toutefois été perçue comme un feu vert à l’offensive turque lancée peu après dans le Nord-Est syrien et, dans la foulée, comme un abandon des Kurdes syriens par les États-Unis. La Turquie voit d’un mauvais œil l’installation de l’autre côté de sa frontière d’une administration semi-autonome kurde et la présence des YPG, branche armée du Parti de l’union démocratique (PYD) syrien affilié au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) considéré comme un groupe « terroriste » par Ankara et par une partie des Occidentaux. L’opération lancée au début du mois d’octobre par Ankara a rebattu les cartes des forces kurdes dans le Nord-Est syrien, les forçant à se retirer d’une partie de la région et sonnant le glas du Rojava, projet d’autonomie territoriale bordant la frontière turque.

« La relation des États-Unis avec les Kurdes syriens est en train d’évoluer, passant (de liens) purement basés sur la sécurité et axés sur la lutte contre l’État islamique à une relation plus développée pour inclure le commerce », remarque Nicholas Heras, responsable du programme de sécurité au Moyen-Orient à l’Institute for the Study of War (ISW), interrogé par L’Orient-Le Jour. « L’accord pétrolier offre aux FDS l’occasion de construire une base plus solide pour un partenariat sur le long terme avec les États-Unis », ajoute-t-il.

« Atteinte à la souveraineté »

Montant au créneau hier, le ministère turc des Affaires étrangères a estimé que l’accord entre Delta Crescent Energy LLC et l’administration semi-autonome kurde dans le Nord-Est syrien était « inacceptable ». « Nous regrettons le soutien américain à ce fait qui ignore le droit international (…) et qui concerne le financement du terrorisme », a-t-il fustigé dans un communiqué. Selon des sources citées par le site al-Monitor, Ankara n’avait pas réagi négativement après avoir été mis au courant de l’accord pétrolier en coulisses par l’envoyé spécial des États-Unis pour l’engagement en Syrie, James Jeffrey. Ces mêmes sources ont indiqué que la Russie, parrain de Damas, avait aussi été informée et n’avait pas donné d’avis, précisant que certains champs pétrolifères n’avaient pas été inclus dans le texte pour s’assurer que le peuple syrien en dehors des zones kurdes « ne soit pas privé de sa part du pétrole ».

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Le communiqué du ministère turc des Affaires étrangères est intervenu au lendemain des déclarations de Damas, qualifiant le deal de « vol » et d’« atteinte à la souveraineté ». « Cet accord est nul et non avenu et n’a aucune base légale », affirme le gouvernement syrien. Après l’envoi de renforts en Syrie sur les champs pétrolifères, Washington s’était déjà défendu en novembre dernier de voler le pétrole syrien, en réponse aux accusations de Damas et Moscou. « Les États-Unis ne tirent aucun bénéfice de tout cela. Les bénéfices reviennent aux FDS », avait souligné le porte-parole du Pentagone, Jonathan Hoffman. Le secrétaire américain à la Défense, Mark Esper, avait précisé pour sa part que la mission américaine avait pour but d’en « interdire l’accès au groupe État islamique et à d’autres acteurs de la région ». Avant le début de la guerre en 2011, la Syrie produisait 360 000 barils de pétrole par jour. Elle en produit aujourd’hui environ 60 000.

« Damas a le plus à perdre, car le régime gagne beaucoup d’argent grâce au commerce du pétrole avec les FDS », remarque Nicholas Heras. « Le moment choisi pour cet accord est très pratique pour la campagne de pression maximale de Washington sur le régime d’Assad et pourrait être un autre coup dur pour le régime de Damas », explique-t-il. Selon différents rapports, les FDS auraient fourni du pétrole brut au régime de Bachar el-Assad sur le marché noir, contournant les sanctions américaines imposées contre Damas. Entrée en vigueur le 17 juin dernier, la loi César a augmenté la pression d’un cran sur Damas, visant à sanctionner toute personne ou entité étrangère qui « apporte un soutien significatif au gouvernement syrien, financier, matériel ou technologique, ou qui conduit des transactions significatives » avec lui.

C’est une annonce qui a suscité une levée de boucliers du côté de Damas et d’Ankara. Selon différents rapports parus la semaine dernière, un accord a été signé entre la compagnie pétrolière américaine Delta Crescent Energy LLC et l’administration semi-autonome kurde dans le Nord-Est syrien, zone qui échappe en grande partie au contrôle du régime de Bachar el-Assad et où se...

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