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Santé

Comment les populations du désert d'Atacama se sont adaptées à l'arsenic

Dans le désert d'Atacama, au Chili, la population s'est adaptée à des concentrations mortelles d'arsenic présentes dans les seules sources d'eau potable disponibles. Un mystère que les scientifiques élucident peu à peu.

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Désert d'Atacama

Le désert d'Atacama au Chili, l'un des déserts les plus secs au monde.

© Adhemar Duro/Solent/SIPA

Dans la région de Quebrada Camarones, dans le désert d'Atacama au Chili, l'un des déserts les plus secs au monde, l'environnement est très hostile à l'homme : les sources d'eau les plus facilement accessibles, comme les rivières et les puits, enregistrent un taux d'arsenic d'1 microgramme par litre, soit une concentration 100 fois plus élevée que la limite de sécurité sanitaire fixée par l'Organisation mondiale de la santé. Une imprégnation chronique consécutive à un phénomène naturel : l’arsenic contenu dans les roches volcaniques est libéré dans les eaux souterraines, transformant la source vitale en un poison mortel. Pourtant, depuis environ 7.000 ans, des populations se sont installées dans ce désert hostile. Comment ont-elles survécu ?

L'analyse du code génétique de 150 personnes de 3 régions différentes du Chili

Les scientifiques percent peu à peu le mystère de leur adaptation. Mario Apata et ses collègues de l'Université du Chili à Santiago ont analysé le code génétique de près de 150 personnes vivant dans trois régions différentes du pays : l'une regroupant Arica Azapa Valley, Quebrada Camarones et Antofagasta (situés dans le désert), la région de San Antonio de los Cobres et celle de San Juan de la Costa (voir carte ci-dessous). Leurs résultats ont été publiés en février 2017 dans l'American Journal of Physical Anthropology.

Carte représentant les principales populations exposées à l'arsenic dans les Andes © Mario Apata / American Journal of Physical Anthropology

Une adaptation qui ne tient qu'à une seule lettre dans le code génétique

Les scientifiques ont analysé chez les populations du désert d'Atacama les variations d'un gène en particulier, AS3MT, présent sur le chromosome 10. AS3MT code pour une enzyme qui métabolise l'arsenic en deux composés : l'acide monométhylarsonique (MMA) et l'acide diméthylarsinique (DMA). Les personnes qui éliminent l'arsenic plus efficacement dans leurs urines convertissent davantage l'arsenic en DMA, composé le moins toxique.

Bilan de l'analyse : la mutation génétique entraînant une forte synthèse de DMA était plus fréquemment retrouvée dans la population de Quebrada Camarones (68 %, contre 48 et 8 % des individus vivant dans les deux autres régions étudiées). "Une capacité élevée de métabolisation de l'arsenic a probablement été choisie comme mécanisme d'adaptation dans ces populations pour survivre dans cet environnement", concluent les chercheurs dans leur étude. La mutation protégeant la population de Quebrada Camarones concerne une seule lettre d'ADN dans le code génétique (les scientifiques parlent de "polymorphisme nucléotidique simple"). Un changement minuscule qui empêche pour l'instant les scientifiques de comprendre comment il modifie au niveau moléculaire l'enzyme.

Selon les scientifiques, les mutations génétiques sur AS3MT sont présentes dans le monde entier mais distribuées avec des fréquences plus élevées dans les Andes, en Argentine et au Vietnam, une région connue également pour avoir des taux d'arsenic dans l'eau très élevés. Les chercheurs font le parallèle entre la tolérance à l'arsenic et celle au lactose : une mutation au niveau de l'enzyme lactase, servant à digérer le lait, est elle aussi apparue il y a environ 7.000 ans, accompagnant l'élevage laitier. 35 % des adultes dans le monde possèdent actuellement cette mutation.

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