Tomates, salades et aubergines du toit aux rayons: une ferme urbaine sur le Delhaize Boondael à Ixelles
Delhaize lancera mi-2017 la première ferme urbaine belge cultivée sur le toit d’un supermarché. C’est le magasin de Boondael, à Ixelles, qui héberge le projet pilote. Aubergines, salades et tomates cerise y passeront directement du toit aux rayons.
- Publié le 06-09-2016 à 17h08
Le toit ressemble à tous les toits de supermarchés: du roofing sur des centaines de m2, des mauvaises herbes dans les joints, un parapet limitant la vue sur les immeubles voisins et quelques sorties d’aération.
Mais dès mi-2017, 320m2 de cet espace sans âme verra pousser salades, tomates cerise et aubergines. Delhaize lance en effet un projet-pilote de ferme urbaine sur la toiture de son magasin de Boondael, entre le Cimetière d’Ixelles et le Bois de la Cambre. Une serre occupera la moitié du potager qui produira toutes l’année. Les trois légumes annoncés ce 6 septembre se retrouveront chaque jour dans les rayons, quelques mètres plus bas.
«Les fournisseurs ne doivent pas avoir peur»
L’enseigne semble très fière de cette initiative puisque c’est le CEO belge Denis Knoops lui-même qui a mis un genou dans la terre ixelloise pour l’annoncer. «Nous sommes le premier supermarché en Belgique à mettre sur pied le principe d’urban farm», se félicite-t-il, avouant qu’il en a découvert le principe dans un supermarché de la très branchée Brooklyn, souvent citée en modèle du développement durable urbain. «C’est un projet permanent que nous allons évaluer au fur et à mesure. Un premier pas, mais le plus grand des voyages commence toujours par un premier pas».
Une façon d’annoncer que Delhaize pourrait très vite multiplier les tomates au faîte de ses 759 magasins. Les producteurs et fournisseurs doivent-ils avoir peur? «Le circuit court en Belgique reste limité. Il ne peut pas produire d’ananas», rassure Knoops. «On ne veut donc pas se substituer à nos fournisseurs pour tout produire nous-mêmes: on reste un “retailer” et on en est fier».
Ce qui nous fait comprendre que les quantités resteront quoiqu’il arrive modestes. Alors, lorsqu’on lui oppose l’argument évident du «green washing», la réponse du directeur fuse: «La durabilité est très présente chez Delhaize. Une équipe entière y est dédiée. Nos clients exigent des circuits de plus en plus courts et nous souhaitons nous-même diminuer notre empreinte écologique. Ainsi, nous avons réduit la consommation d’énergie de nos magasins de 30% depuis 2005. Nos nouveaux bâtiments marquent 20 à 30% d’empreinte en moins. Nous menons une réflexion sur nos camions. Et nous sommes le plus gros vendeur de produits bio de Belgique».
«364 fois le terrain du stade Roi Baudouin»
Bref, pour Denis Knoops, cette toiture potagère est bel et bien «une goutte d’eau dans l’océan, oui: mais sans goutte d’eau, il n’y a pas d’océan. Le film “Demain” montre d’ailleurs que c’est la multiplication des petites initiatives qui peut avoir un gros impact».
La Ministre de l’Environnement régionale Céline Fremault (cdH) ne dit pas autre chose, elle qui tente d’impulser une alimentation plus durable à Bruxelles via son plan «Good Food». «L’un des objectifs, c’est d’atteindre 30% de fruits et légumes en production propre pour Bruxelles d’ici 2035. Aussi, cette initiative est un excellent exemple qui doit faire écho chez les autres chaînes de supermarchés». La Ministre rappelle qu’outre ses caves et toitures, Bruxelles dispose encore de «364 fois le terrain du stade Roi Baudouin en espaces cultivables, ce qui offre de belles perspectives».
«Loin des surfaces de 10.000m2 des années 80»
Le Delhaize de Boondael a été sélectionné pour ses dimensions et sa situation dans un quartier plutôt vert, ainsi que pour la proximité d’écoles, dont les visites donneront «un axe pédagogique à la ferme». Le CEO de Delhaize décèle aussi dans ce projet le retour à un supermarché de proximité. «Dans les années 80, on construisait des hypers de 10.000m2 en périphérie, avec 1000 places de parking où on passait tout son samedi à faire ses courses. Ici, on revient au quartier».
Très concrètement, la ferme mobilisera 1/2 équivalent temps plein dans un premier temps. Ce sont les magasiniers de l’enseigne ixelloise qui se chargeront de la logistique. Les aubergines, tomates cerise et salades «maison» seront «un peu moins chers» que leurs équivalents bio.
«Salade de blé et épinards»
Simon Clissold, vous êtes agronome et supervisez la création de la ferme urbaine sur le toit du Delhaize Boondael. Comment s’y prendre pour cultiver ici? La logistique pour cueillir les légumes et les mettre en rayon est-elle contraignante?
Nous ne planterons pas dans la terre, mais dans un substrat plus léger composé de lave et de compost. Dans ce sol, les plantes restent propre et on peut facilement y contrôler leur environnement. Ainsi, on emballera les légumes individuellement avant l’ouverture matinale.
Quels sont les avantages de l’agriculture sur toiture?
Je dirais que le principal avantage, c’est qu’on est moins dépendant de la météo. Ainsi, une année trsè pluvieuse comme 2016 n’est pas du tout un problème. C’est même tout le contraire: le drainage de l’eau s’y fait très facilement, contrairement au champ. Ce qui évite les soucis hivernaux.
Y a-t-il des inconvénients?
Le principal, c’est la chaleur. Sur un toit, il fait toujours plus chaud. Surtout sous les serres. Pour une récolte quotidienne, il faut donc s’organiser. Mais le fait de récolter avant l’ouverture devrait nous prémunir des coups de soleil et de chaleur!
Pourrez-vous cultiver toute l’année?
Oui, grâce à la serre bien sûr, mais aussi en choisissant correctement les variétés plantées, comme la salade de blé ou les épinards par exemple.
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