Il y a un an, Facebook annonçait l'arrivée de la publicité vidéo sur son site et ses applications mobiles. Aujourd'hui, le premier réseau social en ligne revendique un milliard de vidéos vues chaque jour dans le monde, dont 65 % directement consultées depuis un appareil mobile. En France, Facebook dispute la deuxième place du classement des plates-formes de vidéo avec Dailymotion, selon les dernières études Médiamétrie. Youtube reste largement numéro un en termes de visites, de vidéos vues, et de temps passé par les internautes à visionner.
« Nous en sommes juste au commencement », a lancé Fidji Simo, directrice produit Facebook chargée de la vidéo et de la publicité dans le fil d'actualité, lors de la conférence LeWeb de Paris, début décembre. Ses dirigeants le reconnaissent volontiers : « Facebook n'est pas vraiment pionnier en matière de vidéo. Si on prend les quelques dernières années, il est arrivé plutôt tard sur ce sujet. Mais il développe depuis quelques mois une plate-forme d'abord dédiée aux appareils mobiles qui permet cette explosion de la consommation des vidéos », expliquait Laurent Solly, le directeur général de Facebook France lors d'une conférence au Hubforum début octobre.
UN GRAND MÉNAGE DANS LE FIL D'ACTUALITÉ
Début novembre, Mark Zuckerberg, le fondateur de Facebook, ne cachait pas ses ambitions : « Notre but est de bâtir le parfait journal personnalisé de tout le monde », du moins des quelque 800 millions d'utilisateurs actifs quotidiens dans le monde. Moins de mèmes, moins de spams, plus de vidéos. Il s'agit de nettoyer le fil d'actualité et de « mettre les utilisateurs en face de contenus à leurs goûts et au bon moment, mais aussi de posts qu'ils n'auraient pas songé à regarder », explique Fidji Simo. Tout cela, grâce à ce qu'elle appelle « la science », c'est-à-dire l'algorithme du réseau social qui trie les contenus en fonction des « like » et partages de l'internaute, mais aussi de son appétit pour la vidéo.
Pour aiguiser cet appétit, l'entreprise de Menlo Park a développé des lecteurs vidéo en autoplay, ce mode qu'ont les vidéos de se jouer seules et sans le son dans le fil, laissant aux internautes le choix de passer leur chemin, stopper la lecture ou activer le son. « Le clic pour lancer la vidéo est une grosse barrière. Avec l'autoplay, le contenu commence à vivre, et l'internaute peut lui donner sa chance », argumente Fidji Simo.
Ce format a été couplé depuis septembre avec un nombre de vues affiché publiquement en bas de la fenêtre. Comme chez son concurrent Youtube, une vidéo est considérée comme vue après au moins cinq secondes de visionnage. Prochain gros chantier, selon la directrice produit Facebook, « l'optimisation des vidéos recommandées et des suggestions pour prolonger l'expérience des internautes à la fin du visionnage ».
FACEBOOK PRIVILÉGIE SES PROPRES CONTENUS
D'entrée de jeu, le réseau social a un avantage : qu'il s'agisse d'un clip Vévo, du dernier sketch de Norman ou d'une bande-annonce piratée dans un cinéma… une partie des vidéos en ligne circule sur les réseaux sociaux. Environ 16 % du trafic entrant de Youtube viendrait du réseau social de Mark Zuckerberg. A l'inverse, Facebook ne facilite pas le partage de ses propres vidéos en dehors de son site. Et dans les FAQ du réseau social l'on peut retrouver des internautes qui s'étonnent de ne pouvoir partager des vidéos Vimeo par exemple. La difficulté rencontrée pour partager sur le fil d'actualité les lecteurs des plates-formes tierces finit de convaincre de télécharger directement sur Facebook.
De l'aveu même de l'entreprise rapporté dans des médias américains, le moteur de recherche interne à Facebook se concentre sur la remontée de posts maison. C'est en partie ce qu'il a expliqué pour justifier la fin (dans l'indifférence générale) d'un accord avec Microsoft qui consistait à enrichir les recherches avec celles du moteur Bing.
DES LITRES D'EAU POUR DES MILLIONS DE VUES
Notamment parce que Facebook a élargi sa nouvelle stratégie vidéo à d'autres pays, le réseau social revendique 50 % d'augmentation du nombre de vidéos vues entre mai et juillet 2014. Mais c'est un défi lancé sur les réseaux sociaux dans le courant de l'été qui symbolise l'explosion de la vidéo selon Facebook. Là où certains ont vu dans l'Ice Bucket Challenge (le défi du seau d'eau glacé en faveur de la lutte contre la maladie de Charcot) un phénomène passablement énervant et monopolisant les discussions sur la Toile, Facebook construit un argument de vente.
« A moins que vous ayez passé vos vacances d'été 2014, non pas dans un autre pays, mais sur une autre planète, vous n'avez pas pu échapper à l'Ice Bucket Challenge, assure Laurent Solly. En trois mois, 17 millions de vidéos ont été créées sur Facebook et notamment par Mark Zuckerberg… Des vidéos qui ont été vues 10 milliards de fois par 440 millions de personnes dans le monde. »
La montée en puissance de Facebook dans le domaine de la vidéo ne va pas se circonscrire au seul domaine de la publicité tel qu'annoncé au début. Le réseau social sollicite une diversité de contenus. Il met à disposition de nouveaux outils de statistiques, permettant à ceux, particuliers comme professionnels, qui mettent en ligne des vidéos, d'en analyser l'audience, le succès et la viralité. Et propose des guides de bonnes pratiques, avec pour mot d'ordre : cibler son public, créer des contenus engageants et prendre conscience que les contenus courts sont parmi ceux qui fonctionnent le mieux.
Ce potentiel n'a pas échappé aux grands studios de cinéma. La première publicité dévoilée sur Facebook en autoplay fut la bande-annonce du film pour adolescents Divergente, produite par les studios Lions Gate. Ces mêmes producteurs de cinéma canadiens s'apprêtent à pousser plus loin l'expérience vidéo Facebook en proposant en diffusion exclusive sur le site des courts-métrages de leur franchise Twilight. Plus récemment, le trailer pour le film Fast and Furious 7 aurait, selon le réseau social, récolté 100 millions de vues sur Facebook en quarante-huit heures, contre 18 millions sur Youtube.
En outre, de nombreux médias ont adapté leur stratégie vidéo pour occuper ce nouveau terrain. Ainsi, début décembre, la chaîne américaine ABC News a lancé sur sa page officielle une pastille d'information à destination exclusive de ses amis Facebook.
MARQUER GOOGLE À LA CULOTTE
Aux Etats-Unis, la consommation de vidéo a crû de 43 % entre 2013 et 2014, d'après une étude de marché réalisée par Adobe. Selon ComScore, quand Youtube comptait 159,8 millions de vues uniques en août dernier, Facebook grimpait sur la deuxième marche du podium, avec 108,3 millions de vues uniques. Déjà, il y a deux ans, la plate-forme appartenant à Google revendiquait plus de 4 milliards de vidéos vues par jour dans le monde, soit quatre fois plus que Facebook. « Le temps passé à la journée par nos internautes sur la plate-forme a augmenté de 50 % en un an », avance Hélène Barrot, porte-parole de Google France. Récemment, le clip vidéo Gangnam Style a atteint le record de visionnage de Youtube.
Une avance que garde la plate-forme, notamment en continuant de rémunérer ses Youtubeurs vedettes par le biais de la publicité. Mais aussi en leur proposant des bonus financiers, afin de s'assurer l'exclusivité de leurs futures vidéos, comme l'a rapporté le Wall Street Journal. Rémi Gaillard, humoriste montpelliérain, cité en exemple par Fidji Simo parmi les créateurs français les plus populaires sur Facebook, renvoie à la fin de ses vidéos aux sketchs de sa chaîne Youtube. Pour la bonne raison que la monétisation de ses vidéos, que ne permet pas Facebook, lui rapporterait entre 3 000 euros et 5 000 euros par mois.
Selon AdAge, repris par le site Atlantico, Facebook facturerait 1 million de dollars l'encart vidéo de quinze secondes à ses annonceurs. D'après le Wall Street Journal, le réseau social demanderait jusqu'à 2 millions de dollars par jour pour exposer un spot à tous les utilisateurs américains âgés de 18 à 54 ans. En contrepartie, Facebook limiterait ce format vidéo « premium » à quelques marques par jour, pour chaque type de public visé. Et ne semble pas disposé, pour le moment, à insérer des spots au démarrage des autres films, comme le commercialise Youtube.
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