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Pourquoi Barack Obama et Mark Zuckerberg s’habillent-ils toujours pareil ?

La routine plutôt que la variété : le charisme de Barack Obama ou de Mark Zuckerberg tiendrait à un vestiaire uniforme.

Publié le 26 novembre 2014 à 17h52, modifié le 19 août 2019 à 14h12 Temps de Lecture 5 min.

Pour réussir, il faudrait donc s’habiller tous les jours de la même manière. C’est ce que semble dire Mark Zuckerberg, qui porte sweat à capuche et tee-shirt gris quotidiennement.

Le fondateur de Facebook a abordé le sujet il y a quelques semaines lors d’une conférence publique. « Je veux faire en sorte d’avoir le moins de décisions possible à prendre sur tout ce qui ne concerne pas la communauté [Facebook]. J’ai la chance d’être dans une position où chaque jour je me lève et peux aider plus d’un milliard de personnes, et j’aurais l’impression de ne pas bien faire mon travail si je dépensais mon énergie sur des choses superflues et frivoles. »

Ces propos font écho à ceux tenus par Barack Obama en 2012. Dans un article publié par l’édition américaine de Vanity Fair, le journaliste Michael Lewis demandait au président américain de lui apprendre… à être président. Parmi ses conseils, le vestiaire : « Je ne porte que des costumes bleus ou gris, j’essaie de réduire au minimum le nombre de décisions à prendre. Je ne veux pas en prendre en rapport avec ce que je porte ou ce que je mange, parce que jen ai trop à prendre par ailleurs. Vous devez mettre en place une routine, vous ne devez pas être distrait par des choses triviales pendant votre journée. »

« Vous devez mettre en place une routine »

Obama et Zuckerberg s’appuient sur de nombreuses théories psychologiques expliquant que la prise de « petites » décisions (la façon dont on s’habille, ce qu’on prend au petit déjeuner, etc.) consomme de l’énergie, fatigue le cerveau et endommage notre capacité à nous prononcer sur des questions plus importantes.

Le terme médical, « decision fatigue », a été formulé par Roy Baumeister, chercheur en psychologie sociale à l’université d’Etat de Floride : « Les gens qui ont du succès ne prennent pas de meilleures décisions grâce à leur volonté. Plutôt, ils développent des habitudes qui réduisent le nombre de décisions qu’ils doivent prendre et, donc, le stress. »

Déjà en 1887, le philosophe américain William James écrivait dans son livre Habit : « Plus nous serons capables de circonscrire les détails de notre vie quotidienne aux réflexes de l’automatisme, plus nos facultés d’esprit supérieures seront libérées pour faire correctement leur travail. »

Se libérer du temps de cerveau disponible, mais aussi se démarquer des autres. C’était l’intention assumée de Steve Jobs, adepte du col roulé noir Issey Miyake. Dans sa biographie, Walter Isaacson raconte comment Jobs a adopté ce vestiaire.

Après avoir rencontré le créateur japonais, Isaacson écrit que Steve Jobs « se mit à aimer l’idée d’avoir un uniforme pour lui-même, à la fois pour une question de commodité au quotidien (la raison, disait-il) et pour se créer un style ».

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L’écrivain américain Tom Wolfe (auteur du Bucher des vanités et de L’Etoffe des héros) s’est aussi penché sur la question dans le magazine Time en 2008 : « Le costume blanc m’a rendu tellement service ! Juste après avoir publié mon premier livre, je me suis vite rendu compte que j’étais très mauvais en interview. Puis je lisais les articles et je me disais : Quel homme intéressant, il porte des costumes blancs !” Et donc, pendant une dizaine d’années, ce fut un parfait substitut à ma personnalité. » L’uniforme, quelle que soit la forme qu’il prend, solidifie son image dans l’imaginaire populaire.

Ne jamais changer de tenue et donner l’impression de ne pas y accorder d’importance, c’est reléguer au second plan son apparence physique, l’attention s’accroche donc au discours, aux actions, au travail.

En Australie, un présentateur télévisé en a fait l’expérience. Pendant toute une année, Karl Stefanovic a porté le même costume, alors que, comme à l’habitude, sa coprésentatrice, Lisa Wilkinson, changeait quotidiennement de tenue. En 365 jours, aucune remarque sur ses tenues à lui (ayant écarté l’élément vestimentaire, les téléspectateurs se cantonnaient à parler de son travail), alors qu’elle continuait de recevoir des avis de téléspectateurs, plus ou moins virulents, sur sa façon de s’habiller…

« Les gens qui ont du succès ne prennent pas de meilleures décisions grâce à leur volonté. Plutôt, ils développent des habitudes qui réduisent le nombre de décisions qu’ils doivent prendre et, donc, le stress. »

Une fois un vestiaire unique décidé (qu’il soit classique ou osé), gare à ceux qui s’en écartent, ne serait-ce qu’une seule fois. Obama en a fait l’expérience lorsqu’il est arrivé à une conférence de presse en août dernier en costume d’été couleur taupe.

Immédiatement, les médias se sont déchaînés. « Je suis désolé, mais vous ne pouvez pas déclarer la guerre avec ce costume », tweetait Damian Paletta, reporter au Wall Street Journal. La réaction a été telle que Josh Earnest, porte-parole de la Maison Blanche, a dû faire cette ahurissante déclaration : « Le président maintient sa décision qu’il a faite hier de porter un costume d’été pour la conférence de presse. »

Ce mois-ci, c’est le physicien britannique Matt Taylor, membre de l’Agence spatiale européenne, qui a été pris pour cible. Apparu à la télévision pour parler de Rosetta et de Philae vêtu d’une chemisette imprimée de dizaines de pin-up dénudées, sa légitimité fut mise à mal.

Son apparence n’était pas celle à laquelle le public s’était préparé, certes, mais elle a choqué parce qu’elle était différente des habitudes de Taylor, qui arbore d’habitude un sobre polo noir au logo de l’ESA flanqué d’une planète brodée sur le cœur. Si le Britannique (qui, passant à la télé, a voulu faire plaisir à une amie artiste en portant son cadeau d’anniversaire) avait été connu pour toujours afficher des vêtements criards, il n’y aurait sûrement pas eu de cris d’orfraie…

Enfin, s’habiller toujours de la même façon peut aussi servir à afficher son refus de la mode et des tendances. Mais la mode ne se résume pas aux fashion weeks. Et elle rattrape souvent ceux qui s’évertuent à lui échapper.

En portant le hoodie (sweat-shirt à capuche) et le tee-shirt, les génies de la Silicon Valley, qui vilipendent la pseudo-dictature des cols blancs, créent leur propre totalitarisme vestimentaire. Pour créer sa start-up innovante outre-Atlantique, il est désormais préférable de s’afficher en survêtement de coton. La contre-norme est devenue la norme dans la baie de San Francisco et au-delà.

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