"La vision de Linkedin, c’est proposer le bon poste aux 3,2 milliards de travailleurs", selon Wade Burgess

Alors que Facebook a levé le voile sur ses ambitions sur le marché professionnel, Linkedin affiche sa volonté de devenir le graphe de l’économie mondiale, en ciblant non plus les 600 millions de "knowledge workers" (travailleurs intellectuels) de la planète, mais l’ensemble des 3,2 milliards de travailleurs. Linkedin a notamment lancé Sales Navigator, une fonction destinée aux commerciaux pour trouver, non pas de nouveaux employés, mais des prospects. Au-delà de l’accompagnement au recrutement, l'américain propose donc aussi des outils pour les démarches commerciales. A l’occasion de l’événement Talent Connect Londres de Linkedin, L’Usine Digitale a rencontré Wade Burgess, à la tête de Talent Solutions, l’activité qui accompagne les entreprises dans leur recherche de nouveau talents et l’entité la plus lucrative du californien (61% du chiffre d'affaires au 3e trimestre contre 57% fin 2014). Il précise quelques-uns des éléments de la nouvelle stratégie de Linkedin.

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L'Usine Digitale - Le management de Linkedin répète qu’il ne veut plus seulement cibler les 600 millions de "knowledge workers" (travailleurs intellectuels) dans le monde, mais toucher les 3,2 milliards de travailleurs de la planète. Comment allez-vous gérer cela ?

Wade Burgess - Nous avons une vision et une mission. Et c’est très différent. La vision, c’est le grand rêve qui vous réveille le matin et qui vous inspire, vous et votre entreprise. Notre vision, c’est proposer le bon poste aux 3,2 milliards de travailleurs. Notre mission, elle, reste de connecter tous les professionnels du monde, de les rendre plus productifs et de leur apporter plus de réussite. C’est quelque chose qu’on peut mesurer. Donc, le cœur de notre business, ce sont toujours ces "knowledge workers". Mais après tout, est-ce que quelqu'un qui conduit une camionnette ou une serveuse de restaurants ne sont pas aussi des professionnels ? L’époque où l’on distinguait cols bleus et cols blancs est révolue.

Aujourd’hui, avec le type d’équipements dont les fermiers disposent, et ce qu’ils font, les agriculteurs sont plus technophiles que certains ingénieurs mécaniques avec lesquels je suis allé à l’école ! Les industries changent aussi, et pour elles, la ligne de séparation entre "knowledge workers" et les autres se brouille. La vraie question, c’est comment faire pour que Linkedin reste pertinent pour chacun. Une pertinence liée au contexte. Ce qui intéresse un professionnel de la communication est son domaine d'activité, il ne s'intéressera que rarement à l’ingénierie aéronautique, par exemple. Et notre défi, ce n’est pas forcément le type de membre mais la pertinence du contexte. D’autant que nos membres ont une quantité finie de temps et d’attention disponible. Et ce temps devrait vous aider à être plus productif ou à avoir davantage de succès. Cela nous guide vraiment pour faire évoluer la plate-forme.

Aujourd’hui, vous étendez donc plutôt votre notion du "knowledge worker" ?

On veut s’assurer que l’expérience de chaque individu dans Linkedin est pertinente pour lui d’abord. Nous voulons aider nos membres à isoler le signal pertinent dans le flot, la masse de données. Leur donner le contrôle sur l’information qu’ils reçoivent, et quand et comment ils la reçoivent. Linkedin devient qui plus est une plate-forme de publication professionnelle, mais seul un petit sous-ensemble est pertinent pour chacun. Isoler le signal dans le flot est vraiment la clé.

Comment l’activité de publication d’informations, héritée de Pulse, contribue-t-elle au chiffre d'affaires ?

Cette activité ne dépend pas directement de moi. Mais tout est lié. On ne la monétise pas aujourd’hui., mais nous pensons qu’elle ajoute de la valeur au service. La réalité, c’est que l’actif le plus précieux que nous ayons, ce sont les 332 millions de personnes qui ne nous payent rien. La donnée est notre atout, comme pour tous les acteurs dans le numérique. Et la façon dont nous pensons la monétisation, c’est en faisant en sorte que la valeur que les gens reçoivent soit en proportion de ce qu’ils nous donnent. C’est une situation win-win. Mais la plate-forme de publication prend de plus en plus de valeur pour nos membres. Parce qu’ils partagent des publications de tierces-parties, régulièrement, mais aussi parce qu’ils créent du contenu. Et cette dernière démarche décolle vraiment beaucoup plus rapidement qu’on ne pensait.

On a d’abord lancé la plate-forme des influenceurs, il y a deux ans. Et ça a décollé tout de suite. Richard Branson, le patron de Virgin, a été le premier à atteindre un million de followers, en seulement trois mois et demi. Les gens ne prenaient pas le temps de chercher les blogs des gens qu’ils écoutent, qu’ils admirent. Mais là, ils les avaient tous en un endroit. Puis on a étendu la fonction à toute notre base. N’importe quel membre peut partager une information ou publier quelque chose d’original. Au début, nous ne proposions à nos membres quasiment que le CV pour se décrire. Puis nous avons acquis Slideshare, proposé du multimedia, etc... Et maintenant ils peuvent publier, partager leurs pensées. Et la plupart d’entre nous est qualifiée de façon unique pour quelque chose. Imaginez, quand vous arrivez à une réunion avec quelqu'un, si vous connaissez non seulement son background ce qu’il pense du sujet de la réunion...

Vous avez mis en place une fonction pour que les commerciaux trouvent des prospects. Est-ce ainsi que vous allez évoluer vers le graphe de l’économie ?

Aujourd’hui, nous offrons trois fonctions aux entreprises : le recrutement, le marketing et les ventes. Or, ces fonctions requièrent quasiment les trois mêmes démarches : l’identification de la bonne personne, la création d’un message pour elle, et l’engagement d’une action. Pensez à notre capacité à cibler quelqu'un, par exemple. Nous sommes les meilleurs pour cela. Pour le recrutement bien sûr. Mais en marketing, si je veux influencer tous les CIO des acteurs des télécoms à Singapour, Linkedin est un excellent endroit pour y arriver.

Quant à la vente, notre réseau est même un moyen d’élever la fonction commerciale. Personne n’aime les appels commerciaux tels qu’ils sont faits aujourd’hui. Ni les prospects, ni les commerciaux. Et si on pouvait éliminer ces appels ? Si on aidait les gens à naviguer pour trouver la bonne relation dans leur réseau social ? Notre Sales solution, c’est vraiment cette idée de connecter l’acheteur et le vendeur de façon plus intelligente.

Pourriez-vous étendre ce modèle à des entreprises qui cherchent des investisseurs, par exemple ? 

Oui. Nous parlons de connecter les talents avec des opportunités, dans le recrutement. Ou dans le marketing et la vente. Mais, c’est effectivement très similaire si on recherche un avocat spécialisé en propriété intellectuelle à Sao Paolo ou un investisseur à Johannesburg. Nous faisons se rencontrer des professionnels et des opportunités. Et il y a une très longue liste de façons d’imaginer cette combinaison. Une opportunité ne prend pas seulement la forme d’un emploi, cela peut aussi être un investissement, une joint-venture, etc.

Avec l’expansion et la transformation de Linkedin, qui sont aujourd’hui vos concurrents ? Les grands réseaux sociaux, SAP, Salesforce ?

Notre principale concurrence aujourd’hui, en fait, c’est le temps. Nous nous battons pour ce que les professionnels ont de plus précieux et rare aujourd’hui : le temps et l’attention. Il y a tant de choses sur lesquelles les gens peuvent focaliser leur temps et leurs efforts. Ensuite, ce sont tous les autres moyens de résoudre le même problème. Et ça, c’est une cible extrêmement mouvante. Surtout dans l’acquisition de talents. Dans certaines régions, les gens utilisent plutôt les job-boards, dans d’autres les medias sociaux. Mais finalement, ce sont d’autres moyens de se battre pour obtenir le temps et l’attention des professionnels. Et pour nous, gérer la concurrence, c’est vraiment résoudre les problèmes d’une façon bien plus intelligente.

Cela dit, je pense qu’il y a vraiment la place pour de très nombreux modèles de recrutement. Notre aspiration n’est pas de devenir le moyen définitif d’y arriver, mais de proposer autant de valeur que possible dans ce domaine. Nous sommes dans un espace assez unique et nous n’avons pas vraiment un concurrent direct global. Entre 2010 et 2012, on avait encore des concurrents directs. Aujourd’hui, le paysage est complètement différent. Et c’est vrai partout dans le monde. Et quoiqu’il arrive, il faut absolument que nous continuions à innover, avec nos clients.

Propos recueillis par Emmanuelle Delsol

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