La mort du journaliste américain James Foley, puis celle de son confrère Steven Sotloff ont scandalisé l'Occident. Les assassinats des humanitaires britanniques David Haines et Alan Henning ont aussi été largement dénoncés dans les médias. Rien d'étonnant puisque ces assassinats ont été orchestrés et filmés par le groupe terroriste djihadiste dans le but, précisément, de marquer les esprits. Mais ces Occidentaux ne sont pas les seules victimes de l'organisation Etat islamique.
L'organisation non gouvernementale Reporters sans frontières recense, dans un dernier bilan dressé jeudi 23 octobre, deux journalistes étrangers, huit journalistes syriens et deux irakiens tués par le groupe djihadiste. A ceux-là s'ajoutent un journaliste étranger détenu en otage, neuf journalistes irakiens enlevés en Irak par l'EI et près de vingt journalistes syriens portés disparus ou enlevés par différents groupes armés, dont l'organisation EI en Syrie.
LES DEUX TIERS DES JOURNALISTES ONT QUITTÉ MOSSOUL
Parmi les victimes tuées, Raad Al-Azzawi, un caméraman de 37 ans qui travaillait pour la chaîne de télévision locale Sama Salaheddine. Il a été assassiné en public le 11 octobre ainsi que son frère et deux autres personnes à Samra, à l'est de la ville de Tikrit, selon un membre de sa famille.
Puis le 13 octobre, l'ancien présentateur irakien pour la chaîne Al-Mowseliya TV Mohanad Al-Aqidi, enlevé deux mois plus tôt par l'EI, a été donné pour mort, assassiné par les djihadistes. Dès le lendemain, l'information a été contredite par de nombreux médias locaux et par la famille du journaliste, raconte RSF, estimant que « cet exemple met en lumière le chaos médiatique dominant et le manque de sources fiables dans la ville de Mossoul, comme ailleurs ».
« Au moins 60 ou 70 % des journalistes à Mossoul ont déserté la ville, et les autres restent chez eux », a confié à RSF une source locale souhaitant rester anonyme. « Les journalistes auraient reçu l'ordre de l'EI de ne plus couvrir les événements au risque d'être tués », rapporte ensuite l'ONG.
TUÉ POUR AVOIR FILMÉ LE SIÈGE DU GROUPE DJIHADISTE
RSF se fonde principalement sur le Journalistic Freedoms Observatory et sur divers témoignages, mais voit les régions détenues par l'EI comme des « trous noirs de l'information » qui rendent difficile l'établissement de données sûres et exhaustives. « Nous savons que les journalistes risquent d'être décapités par les djihadistes de l'EI, et donc par peur de subir le même sort, nous couvrons l'action de la guerre à une distance de deux kilomètres », explique par exemple à l'ONG un reporteur pour la chaîne kurde KNN TV, Salih Herki.
« Il est impossible de couvrir tout ce qui se passe à Kobané (...), il est beaucoup trop dangereux pour les journalistes de se retrouver sur la ligne de front », raconte encore à RSF un Syrien travaillant pour l'agence Aranews, resté anonyme, expliquant qu'il a lui-même été visé par plusieurs tentatives d'assassinat et a dû se cacher nombre de fois.
Selon le groupe de médias Syria Deeply, l'organisation Etat islamique a défini onze règles non négociables pour les journalistes souhaitant couvrir ses activités dans la province syrienne de Deir Ezzor. L'organisation leur impose notamment de prêter allégeance au calife Abu Bakral-Baghdadi, de ne rien publier sans validation du bureau de presse de l'organisation. Concernant les photos et les vidéos, il est interdit de filmer les endroits ou les événements sécurisés. Ceux qui ne respectent pas ces principes sont traqués et assassinés. Un jeune homme de 17 ans, Abdullah Al-Bushi, a été crucifié en public pendant trois jours pour avoir filmé le siège du groupe djihadiste dans le quartier d'Al-Bab, à Alep, en Syrie, rapporte RSF. Il était accusé d'apostasie par l'organisation terroriste pour avoir filmé et vendu ses vidéos.
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