la refonte des directives sur les Dispositifs Médicaux, une révolution en cours pour la m-santé

Nous avions parlé dans mon précédent article de l’impact des actuelles directives et des projets de règlement sur les dispositifs médicaux sur les applications de m-santé. Entrons plus en détails dans les évolutions juridiques en cours.

la révision de la notion de « dispositif médical »


Les instances européennes – qui jouent un rôle moteur dans le développement de l’e-santé en général et de la m-santé en particulier – entendent revoir la notion de Dispositif Médical (DM).

En matière de m-santé, il pourrait à l’avenir s’agir de tout logiciel destiné par le fabricant à être utilisé, seul ou en association, chez l’homme pour une ou plusieurs fins médicales.

Les lecteurs attentifs auront noté la disparition de l’adverbe spécifiquement. Lorsque le règlement aura été adopté, les clauses des Conditions Générales d’Utilisation exposant que l’application n’est pas destinée à telle ou telle utilisation médicale se verront donc officiellement privées de toute portée efficace. Et les éditeurs seront alors assujettis aux lourdes obligations pesant déjà sur les fabricants de DM.

et l’extension de la notion d’ « accessoire »


Mais l’UE ne s’arrêtera pas en si bon chemin, elle veut aller plus loin et éviter que les scandales sanitaires fassent irruptions dans la m-santé.

Dans le projet de règlement, elle ne parle donc plus de « dispositifs médicaux » mais seulement de « dispositifs » afin de réglementer tous leurs accessoires. Une fois adopté, le texte européen s’appliquera donc à tout « article destiné par son fabricant à être utilisé avec un ou plusieurs dispositifs médicaux donnés pour permettre une utilisation de ce ou ces derniers conforme à sa ou leurs destinations ou d’y contribuer ».

Certes, les logiciels constituant l’accessoire nécessaire au bon fonctionnement d’un DM était déjà considéré comme des DM, mais la notion d’accessoire va ici beaucoup plus loin. Elle intègre par voie de conséquence n’importe quelle ligne de code utilisée par le DM. Le recours aux API pourrait ainsi devenir un nouveau facteur de risque juridique.

Et ce n’est pas tout !


Avec ces deux retouches, le périmètre d’une m-santé non réglementée commence déjà à sérieusement se réduire, mais l’UE n’entend pas s’arrêter en si bon chemin.

Le législateur communautaire porte le coup de grâce à l’article 3 du projet de règlement en indiquant que « la Commission peut, à la demande d’un État membre ou de sa propre initiative, déterminer (…) si un produit donné ou une catégorie donnée ou un groupe donné de produits répond ou non aux définitions de "dispositif médical" ou d’ "accessoire de dispositif médical" ».

Vous avez bien lu. Si le texte passe en l’état, les pouvoirs publics nationaux et communautaires pourront étendre la notion de DM et d’accessoire à un produit déterminé ou même à un « groupe de produit » sans avoir à reprendre modifier le règlement et ce postérieurement à sa mise en ligne. Les éditeurs vont donc devoir faire preuve de prudence et veiller à une qualification juridique rigoureuse de leurs applications. A défaut de quoi, il pourrait se voir appliquer la législation relative aux DM sans même l’intervention d’un juge.

Est-ce bien nécessaire ? Oui


L’utilisation croissante de logiciels en matière sanitaire expose les patients à un véritable risque. Appareil de radiographie infecté par un virus et exposant les patients à une dose trop élevée de produits radioactifs, dossier patient informatisé mal interfaçé avec le logiciel d’aide à la prescription : le numérique en santé a déjà plusieurs victimes à son actif.

La refonte des directives sur le DM rassurera les utilisateurs d’application de m-santé, de la même façon que les dispositifs de sécurité bancaires ont permis l’essor du e-commerce. Ce haut niveau de sécurité juridico-technique doit être vu comme un investissement, et non pas comme une charge.

Pierre.

 

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Pierre Desmarais

Avocat au Barreau de Paris et Correspondant Informatique et Libertés (CIL), j'exerce une activité de conseil en droit de la santé et des nouvelles technologies. J'accompagne au quotidien start-ups, PME et grands groupes développant des produits et services innovants dans le domaine de la santé et de l’opendata. Je suis également chargé d’enseignement à l’Ecole de Formation des Barreaux, au Conservatoire National des Arts et Métiers (CNAM) et à l'Université Paris VIII.