Comment détruire le modèle d’affaires des fake news ?

Un jour de novembre, un professeur de sciences de la terre et de l’environnement nommé Nathan Phillips a visité Breitbart News pour la première fois et a été surpris de voir s’afficher sur le site ultraconservateur, raciste, antisémite et suprémaciste américain des publicités pour son université. Pourquoi un programme de science de l’environnement voudrait-il être promu sur un site qui nie l’existence du changement climatique ? Il a donc informé les administrateurs de l’université qui l’on assuré que leurs annonces ne paraîtraient plus sur Breitbart. M. Philips venait de s’engager dans une nouvelle forme d’activisme, explique la journaliste Pagan Kennedy dans une tribune pour le New York Times.

Au cours des derniers mois, des milliers de militants ont ainsi interpellé des entreprises pour qu’elles prennent position contre les sites d’information « haineux » sur lesquels les internautes trouvait leurs publicités. Un groupe Twitter – Sleeping Giants – est devenu le noyau de ce mouvement. Ils ont interpellé quelque 1000 entreprises et ONG dont les annonces étaient diffusées sur Breitbart, et quelques 400 ont promis de retirer le site de leurs futurs achats publicitaires. Le système est assez simple, il suffit à chacun de prendre une capture d’écran d’une page de Breitbart News affichant une information choquante et une publicité inadaptée et de demander à la société qui affiche sa publicité de s’exprimer publiquement sur sa présence à côté de ce genre d’information. Une solution finalement bien plus pragmatique que celles que nous évoquions récemment.

Le fait que les militants reçoivent des réponses des entreprises montre que nombre d’entre elles ignorent le fonctionnement de la publicité en ligne et sont bien souvent surprises de trouver leurs contenus adossés à ce type d’information. L’achat d’annonce automatisé – le marketing programmatique – consiste à placer des annonces de manière totalement automatisée, rappelle Pagan Kennedy (@pagankennedy). Lorsque vous cliquez sur un lien pour vous rendre sur une page, en moins d’une seconde, des algorithmes et logiciels automatisés enchérissent dans une vente aux enchères pour mettre leur publicité sur la page où vous allez vous rendre. Et bien sûr, les annonces programmatiques ont également tendance à suivre les individus en fonction de leur historique de navigation. Cependant, même lorsque les annonces sont automatisées, il est possible de contrôler où s’affiche les publicités, explique l’un des responsables d’AppNexus, une société spécialisée dans la publicité en ligne, qui a d’ailleurs exclu Breitbart de son marché, comme elle le fait de sites pornos. Pourtant, comme le soulignait NPR ou nous-mêmes : c’est le modèle publicitaire de l’internet lui-même qui permet aux sites de désinformation d’exister. Même si des réseaux publicitaires ont banni Breitbart, son responsable estime que ces interdictions n’ont pas empêché le site de connaître une croissance d’audience exceptionnelle. Cependant, plusieurs indicateurs montrent que les annonceurs commencent à fuir Breitbart, à l’image de Kellog, dont le retrait a initié un boycott par Breitbart et, en réponse, un soutien des consommateurs.

Le militantisme des consommateurs est-il la meilleure réponse et parade au développement de la désinformation ?

MAJ : Les actions des consommateurs n’ont hélas pas suffit. Ni celles des plateformes qui leurs accordent des revenus publicitaires. Daniel Stevens, chercheur, qui a lancé le Google Transparency Project, un site d’enquête et de recherche sur Google, rappelle dans une étude que Google, qui avait déclaré vouloir combattre la désinformation en retirant ses publicités des sites hyperpartisans incriminés, n’a pas tenu ses promesses. Google continue à accepter des placement publicitaires inappropriés et donc par ce biais à financer les sites hyperpartisans.

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