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La France condamnée parce qu'elle interdit les syndicats dans l'armée

Saisie par un officier de gendarmerie, la Cour européenne des droits de l’homme a rendu, jeudi, deux arrêts historiques condamnant la France.

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Publié le 02 octobre 2014 à 12h49, modifié le 19 août 2019 à 14h41

Temps de Lecture 3 min.

Des membres du 8e régiment de parachutistes d'infanterie de marine défilant à Paris, le 14 juillet.

« L’interdiction absolue des syndicats au sein de l’armée française est contraire à la Convention européenne des droits de l’homme ». Ainsi est présenté, par la Cour européenne, l’arrêt rendu public jeudi 2 octobre dans l’affaire qui opposait à sa hiérarchie un chef d’escadron de gendarmerie, Jean-Hughes Matelly, dont l’association avait dû fermer en 2008 sur ordre.

L’article 11 de la Convention, portant sur la liberté de réunion et d’association est invoqué. La décision de la Cour, qui ne s’était jamais prononcée sur cette question, a été prise à l’unanimité. Deux arrêts condamnant la France ont été rendus en même temps sur le même sujet. La Cour s’est également penchée sur la saisine de l’Association de défense des droits des militaires, créée en 2001 par deux militaires, le capitaine Bavoil (alors en activité) et le major Radajewski, avec pour objet statutaire « l’étude et la défense des droits, des intérêts matériels, professionnels et moraux, collectifs ou individuels, des militaires ».

Dans l’affaire Matelly, « l’arrêt dit qu’on ne peut pas interdire purement et simplement les syndicats dans l’armée. En revanche, il précise que des restrictions même significatives peuvent être apportées à la liberté d’association par un membre des forces armées, puisque la spécificité des missions de l’armée exige une adaptation de l’activité syndicale », explique la CEDH.

M. Matelly avait créé en 2007, à titre privé, un forum de discussion sur internet, Forum gendarmes et citoyens, dont la vocation était de parler des relations entre l’institution et le public. Quelques mois plus tard, le Forum était déclaré comme association, animée par des bénévoles. Aussitôt, le directeur général de la gendarmerie ordonnait à ses membres gendarmes, dont l’officier Matelly qui avait pris la vice-présidence du Forum, d’en démissionner sans délai.

« UNE BONNE CHOSE POUR TOUS LES SOLDATS »

Pour la hiérarchie militaire, l’association présentait les caractéristiques d’un groupement à caractère syndical. Dans ses statuts, l’association avait mentionné « la défense de la situation matérielle et morale des gendarmes ». Or, les syndicats sont interdits dans l’armée française par l’article L.4121-4 du code de la défense.

La Cour estime que l’ordre de ne plus adhérer à l’association « Forum gendarmes et citoyens » a constitué « une ingérence dans l’exercice des droits du requérant garantis par l’article 11 ». Le but de la direction générale de la gendarmerie était certes légitime : le maintien de l’ordre et de la discipline. Mais cette ingérence était-elle nécessaire dans ce cas ? « La Cour note que l’État français a mis en place des instances et des procédures spéciales pour prendre en compte les préoccupations des personnels militaires, elle estime toutefois que ces institutions ne remplacent pas la reconnaissance au profit des militaires d’une liberté d’association, laquelle comprend le droit de fonder des syndicats et de s’y affilier », dit l’arrêt.

L’ordre a été délivré trop vite, estiment les juges européens : sur la seule base des statuts de l’association et de la « possible existence d’une dimension syndicale ». L’armée ne peut priver les militaires du droit général d’association (dont le syndicat n’est qu’une modalité) pour la défense de leur intérêts professionnels et moraux, précise la CEDH. Les restrictions « peuvent toucher aux modes d’action et d’expression d’une association professionnelle mais pas l’essence du droit lui-même ».

Le lieutenant colonel Matelly réagit avec « un sentiment partagé » : « il y a une tristesse d’avoir été obligés d’en arriver là car c’est la France qui avait introduit il y a deux siècles le principe du soldat citoyen en Europe. Aujourd’hui, c’est l’Europe qui rappelle cette place et c’est une bonne chose pour tous les soldats », a-t-il indiqué au Monde.

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L’affaire pourra être renvoyée en Grande chambre pour un jugement au fond, dans les trois mois si les parties le demandent, sinon, l’arrêt sera définitif. 

Le ministère de la défense a affirmé jeudi 2 octobre qu’il prenait « acte de ces décisions », précisant qu’un travail de réflexion avait été « lancé pour rénover la concertation militaire ». Le ministère a en outre affirmé qu’il allait « prendre le temps d’expertiser avec précision » les motis de la Cour afin de déterminer «  quelles évolutions du droit français doivent être mises en place ».

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