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L’affaire Cambridge Analytica plonge Facebook dans une crise historique

Aux Etats-Unis, les responsables politiques des deux bords réclament que le PDG du réseau social s’explique devant le Congrès, après les révélations sur l’utilisation des données personnelles.

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Publié le 20 mars 2018 à 02h29, modifié le 21 mars 2018 à 15h52

Temps de Lecture 6 min.

Facebook affronte l’une des pires crises de son histoire. Vivement critiqué de part et d’autre de l’Atlantique, le réseau social a cédé 6,8 % en Bourse, lundi 19 mars, trois jours après les révélations du Guardian et du New York Times sur Cambridge Analytica, une entreprise ayant joué un rôle de premier plan dans la campagne présidentielle de Donald Trump. La société britannique est soupçonnée d’avoir, par l’intermédiaire d’un sous-traitant, siphonné les données personnelles de dizaines de millions d’Américains sur Facebook. Son patron, Alexander Nix est suspendu avec « effet immédiat dans l’attente d’une enquête complète et indépendante », a écrit Cambridge Analytica (CA) dans un communiqué.

La pression n’est pas seulement boursière, mais aussi politique. Le Parlement britannique, par la voix du président de sa commission sur le numérique et les médias, a fermement invité le PDG de l’entreprise, Mark Zuckerberg, à venir s’expliquer. « Nous sommes convaincus que vous comprendrez notre besoin d’entendre un représentant de Facebook de tout premier plan. Puisque votre résolution de début d’année est de “réparer” Facebook, j’espère que vous serez ce représentant », écrit le député conservateur Damian Collins.

Une pression politique croissante

Le réseau social a, par le passé, déjà envoyé des cadres répondre aux questions des parlementaires britanniques enquêtant sur les fausses informations. « Leurs réponses […] ont trompé la commission », tacle le député dans sa lettre. M. Zuckerberg a jusqu’au 26 mars pour répondre à cette convocation.

Le PDG américain a aussi été invité à s’expliquer devant le Parlement européen. « Facebook a besoin de clarifier devant les représentants de 500 millions d’Européens le fait que les données personnelles ne sont pas exploitées pour manipuler la démocratie », a écrit le président de l’instance, Antonio Tajani, sur son compte Twitter.

La commissaire européenne à la justice, Vera Jourova, compte de son côté demander « des clarifications à Facebook pour mieux comprendre ce problème », a-t-elle déclaré alors qu’elle se trouvait, justement, aux Etats-Unis pour aborder la question de la protection des données personnelles.

Mais c’est surtout aux Etats-Unis que Facebook joue gros. Alors que le réseau social est déjà sous forte pression politique concernant sa gestion de l’ingérence russe, cet épisode va apporter de l’eau au moulin de ceux, jadis inaudibles mais de plus en plus nombreux aux Etats-Unis, qui jugent les géants du numérique insuffisamment régulés.

Zuckerberg réclamé devant le Congrès

Des responsables politiques des deux bords réclament désormais que Mark Zuckerberg en personne s’explique devant le Congrès. Les parlementaires américains avaient déjà procédé à de longues auditions, à l’automne 2017, sur les soupçons d’ingérence russe dans l’élection de 2016, mais les patrons des principaux réseaux sociaux n’avaient pas fait le déplacement.

Dans une lettre commune rendue publique mardi 19 mars, la démocrate Amy Klobuchar (Minnesota) et le républicain John Kennedy (Louisiane), membres de la commission judiciaire du Sénat, demandent l’audition de M. Zuckerberg – ainsi que ses homologues de Twitter et de Google. Trois responsables républicains de la commission du commerce du Sénat, dont son président, ont pour leur part adressé un questionnaire au PDG de Facebook. Deux élus démocrates en pointe dans l’enquête sur les soupçons d’ingérence russe, le sénateur Mark Warner (Virginie) et le représentant Adam Schiff (Californie), ont, eux aussi, exhorté le réseau social à fournir des explications.

Un autre démocrate, Ron Wyden, a écrit à Mark Zuckerberg pour savoir comment « des données d’utilisateurs de Facebook auraient pu être obtenues sans leur consentement par des tiers ». Les révélations, écrit l’influent sénateur de l’Oregon, « soulèvent la question de savoir si les pratiques de Facebook sont prudentes, voire souhaitables, et soulignent le danger à monétiser les données personnelles ».

Le procureur de l’Etat du Connecticut a, de son côté, annoncé l’ouverture d’une enquête, emboîtant le pas de son homologue du Massachusetts.

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Un autre front explosif devrait s’ouvrir pour Facebook dans un avenir très proche. Avec cette fuite, le réseau social a, en effet, peut-être violé un accord noué en 2011 avec la Federal Trade Commission (FTC) concernant les données personnelles. Deux anciens membres du gendarme de la concurrence qui ont participé à la rédaction de l’accord ont ainsi expliqué au Washington Post que le réseau social risquait de très importantes amendes. Mardi, plusieurs médias américains citant des sources internes affirmaient que la FTC s’était emparée du dossier, sans que cette dernière ne le confirme.

Chute de Facebook en Bourse

L’Information Commissioner’s Office (ICO), l’autorité britannique de protection des données personnelles, a d’ores et déjà annoncé vouloir tenter d’obtenir un mandat de justice pour perquisitionner les locaux de Cambridge Analytica.

Au moment où la dirigeante de l’ICO Elizabeth Denham annonçait son intention sur les ondes de la chaîne Channel 4, des experts mandatés par Facebook se trouvaient justement dans les bureaux de Cambridge Analytica pour s’assurer que cette dernière avait bien supprimé les données irrégulièrement collectées. Sur demande de l’ICO, ils ont quitté les lieux dans la soirée. Selon Facebook, qui a été averti de la fuite dès la fin 2015, Cambridge Analytica lui avait assuré avoir fait disparaître les données. Selon le Guardian et le New York Times, l’entreprise britannique en dispose encore d’une copie.

En pleine tempête, les capitaines gardent le silence. Ni M. Zuckerberg ni sa directrice des opérations et bras droit, Sheryl Sandberg, ne se sont exprimés sur cette affaire qui porte pourtant sur deux points cruciaux et ultrasensibles pour Facebook : son rôle exact dans la présidentielle américaine de 2016 et de façon plus fondamentale son appétit de données personnelles et sa dépendance aux revenus issus de la publicité ciblée. On voit mal comment le réseau social, qui est aussi une gigantesque régie publicitaire, pourrait faire table rase du cœur de son modèle économique.

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