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A Bordeaux, les cinéastes indépendants français rêvent d’Amérique

La 3e édition du Festival International du Film Indépendant de Bordeaux, qui se veut le « Sundance français », a célébré le cinéma de la débrouille et de l’énergie.

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Publié le 13 octobre 2014 à 02h29, modifié le 19 août 2019 à 14h36

Temps de Lecture 4 min.

« Un Sundance bordelais » : c’est avec ce concept en tête que Johanna Caraire et Pauline Reiffers, les jeunes créatrices du très jeune Festival International du Film Indépendant de Bordeaux (trois ans cette année), se sont lancées dans l’aventure. Un pari ambitieux, pas simple à définir, et encore moins à concrétiser, dans un pays qui compte déjà tant de festivals de cinéma. Celui-ci, que tous les Bordelais appellent par son petit nom, FiFiB, a pour lui sa fraîcheur : sur les visages juvéniles de son équipe, on trouve souvent une expression charmante, mélange de la fébrilité d’élève qui veut bien faire, et de la détermination un tantinet arrogante de l’apprenti frondeur.

Léo Soesanto, directeur de la programmation du festival, n’est pas peu fier de tout ce qui s’est accompli ici en trois ans. « Nous ressemblons à nos films : comme eux, nous cherchons de l’argent partout, et nous nous en sortons quand même, parce qu’il y a l’énergie suffisante. » Et il faut, en effet, de l’énergie, pour soutenir un programme aussi ambitieux que celui que le FiFiB s’est fixé : inviter en France le cinéma indépendant international, mais en évitant toujours l’approche muséale qu’ont souvent les rétrospectives. Garder le cinéma vivant.

sophie letourneur croise charlot

Au FiFiB, on réveille les films en les entrechoquant. Dans la programmation « Premières fois », dédiée au jeune public, on propose des séances en binômes formés d’un film de patrimoine et d’un film contemporain, autour du thème de la relation amoureuse : la Partie de Campagne de Jean Renoir rencontre Un monde sans femmes de Guillaume Brac, et la Manue Bolonaise de Sophie Letourneur croise Charlot au détour d’Une vie de Chien. Le cinéaste Jacques Doillon est invité au dédoublement dans un programme, « Jacques VS Doillon », qui confronte en miroir deux films du réalisateur (Mes séances de lutte et Un enfant de toi) et deux films choisis par lui dans le panthéon de ses amours cinéphiliques (Les amants crucifiés de Mizoguchi et La Soif du mal d’Orson Welles).

L’hommage à John Cassavetes s’achève avec Party Girl, film français de Marie Amachoukeli, Claire Burger et Samuel Theis, très remarqué au dernier festival de Cannes et réalisé entre amis, ou plutôt en « tribu », amis et famille ensemble, comme les films du cinéaste américain.

Le jury du troisième FiFiB, Festival du cinéma indépendant de Bordeaux : Stanislas Mehrar, Rebecca Zlotowski, Peter Suschitzky, Kate Moran et Guillaume Brac.

Tout cela pourrait tenir du joyeux désordre, sans cette idée d’indépendance qui fédère toute la programmation. En bon « Sundance bordelais », le FiFiB la revendique en maître mot, et pas à la légère. Léo Soesanto s’amuse du caractère provocateur qu’un tel festival ne peut manquer d’avoir en France, pays du cinéma subventionné. Et ne s’interdit pas la perspective de virages plus radicaux : « Qu’il s’agisse d’indépendance financière ou artistique, les films indépendants sont souvent des projets peu évidents, qui ont besoin d’être défendus. Pour l’instant, nous ne sommes pas encore allés dans une direction vraiment politique, mais peut-être que ce sera le cas l’année prochaine. »

jumelage avec los angeles

Pour cette 3e édition, les 50 ans du jumelage entre Bordeaux et Los Angeles ont été prétexte à mettre l’Amérique à l’honneur. Chef opérateur fétiche de David Cronenberg, Peter Suschitzky y était invité, à l’occasion d’une rétrospective, et évoquait avec plaisir en master class, après la projection de Map to the stars, son travail au côté des plus grands. Mais si le FiFiB continue d’embrasser et d’entrechoquer avec bonheur le cinéma du monde entier, de John Cassavetes à la scène underground américaine chère à Marie Losier, de l’Iran tourmenté de Mehran Tamadon à la jeune Hongrie de For some inexplicable reason, de Gábor Reisz, son cœur reste en France.

« Bordeaux est une ville unique en son genre, conclue Léo Soesanto. Une grande ville à taille humaine. Je crois que nous y avons trouvé la bonne échelle. Nous avons une vraie carte à jouer du côté du jeune cinéma français. L’an dernier, nous avions une compétition de courts-métrages internationaux. Cette année, elle est française, parce que le court-métrage est pour les cinéastes débutants l’antichambre du long, et que nous leur préparons un tremplin. Le FiFiB reste un festival international, car nous accueillons des gens du monde entier, mais sans jamais perdre de vue qu’il y a un jeune cinéma français à soutenir. »

insoumises

Avec ses trois ans au compteur, le Festival International du Film Indépendant de Bordeaux se dresse de toute la hauteur de son impertinence. Durant une semaine, il a fait découvrir et redécouvrir à un public de tous âges de grands classiques réinventés à la sauce bordelaise, et lui a appris les noms de ceux qui feront notre cinéma de demain : Virgil Vernier, Cyprien Vial, Thomas Salvador…

Sur les écrans, il a invité de beaux personnages, parmi lesquels on ne s’étonne guère de trouver une bonne part d’insoumis. Et dans ces insoumis, beaucoup de femmes, de la bouleversante Angélique de Party Girl à la jeune stripteaseuse farouchement attachée à ses rêves d’évasion d’Orléans, en passant par la merveilleuse Gena Rowlands en révolte contre sa condition de mère et d’épouse dans Une femme sous influence. Sur les affiches du festival, l’actrice iranienne en exil Golshifteh Farahani, héroïne du très beau film de présentation imaginé pour le festival par Selim Bentounes, vous toise sans que l’on sache si elle vous défie ou s’apprête à vous sourire. L’indépendance bordelaise a la douceur d’un visage féminin. Mais comme ses héroïnes, elle sait faire de ses fragilités sa force.

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