Le camp de concentration oublié de Camargue

C'est une réalité longtemps occultée : de 1942 à 1944, le régime de Vichy a organisé et géré, dans le delta du Rhône, un camp de détention pour les Gitans, Tsiganes et Roms.

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Portraits anthropométriques des Tsiganes internés dans le camp de Saliers en pleine Camargue.
Portraits anthropométriques des Tsiganes internés dans le camp de Saliers en pleine Camargue. © Gérard Julien/AFP

Temps de lecture : 3 min

Le 17 août 1944 à l'aube, deux jours après le débarquement allié sur les côtes de Provence, le camp de Saliers, à 10 kilomètres d'Arles, est réveillé par les sirènes d'alerte annonçant un bombardement. En quelques minutes, les forteresses volantes larguent plusieurs bombes, provoquant une panique folle, aussi bien chez les prisonniers que dans les rangs des gardiens qui cherchent plus à se protéger qu'à empêcher les très nombreuses évasions de personnes qui profitent de la débandade générale. Pour la première fois depuis le début de la guerre, ce camp, qui n'avait aucun intérêt stratégique, est attaqué. Il semble que les Anglo-Américains aient été informés à tort de la présence à cet endroit d'un terrain d'entraînement pour les troupes allemandes. Une semaine avant la libération d'Arles, cette erreur d'objectif mettra un point final à l'existence de ce camp de détention où ont été parqués pendant deux ans sept cents Gitans, Tsiganes et Roms.

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Les baraques du camp de Saliers ©  DR
Les baraques du camp de Saliers © DR

Pendant plus de 60 ans, sur la D37, entre Albaron et Saint-Gilles, à un peu plus de 20 kilomètres des Saintes-Maries-de-la-Mer, les touristes qui passaient près d'une célèbre manade de taureaux et de chevaux, la manade Thibaud, ne pouvaient voir qu'un grand terrain de pâturage, comme il en existe tant en Camargue, avec une herbe plutôt plus grasse qu'ailleurs en raison de la proximité du petit Rhône, l'un des deux bras du delta. Mais pas trace d'un baraquement, d'une clôture barbelée, des restes d'un mirador, ou même d'une simple pancarte. Jusqu'à ce que la République et ses représentants locaux consentent enfin à se souvenir qu'eut lieu là l'une des très mauvaises actions de l'État français de Vichy, un "camp de concentration français", selon les mots mêmes du sous-préfet de l'époque. Soixante-deux ans plus tard donc, un sculpteur arlésien Jean-Claude Guerri a été chargé d'ériger à cet endroit un monument à la mémoire des gens du voyage internés dans cette plaine. Il a été inauguré le 6 février 2006.

Inauguration du monument érigé à l'emplacement du camp. ©  AFP
Inauguration du monument érigé à l'emplacement du camp. © AFP

Des conditions sanitaires épouvantables

Certes, ce n'était pas, comme Auschwitz ou Dachau, un camp d'extermination. Mais tout de même un camp. Avec des gendarmes de Vichy pour en assurer la sécurité et un officier français comme chef de camp. Il était la conséquence d'un décret du 6 avril 1940, donc avant l'armistice, prohibant la circulation des "nomades et des bohémiens" pendant toute la durée de la guerre et les "assignant à résidence".

Fiche antropométrique d'un jeune homme interné à Saliers © DR

La "résidence" de sept cents d'entre eux, ce fut le camp de Saliers. Comme ses quatre hectares se trouvaient en site naturel classé, on croit rêver en apprenant qu'on fit appel à un architecte des monuments historiques pour la construction des baraquements. Le résultat est que ceux-ci ressemblaient vaguement à des cabanes de gardians, avec des toits de sagne, c'est-à-dire de chaume de roseaux ramassée dans les marais proches. Mais si les autorités se piquent d'esthétique, elles ne se préoccupent guère du reste : l'adduction d'eau potable ne sera jamais terminée, l'électricité pas installée, les cabanes en nombre insuffisant. On y entasse trois fois plus de personnes que prévu. Les conditions sanitaires sont épouvantables avec le mistral l'hiver, la canicule et les moustiques l'été et les parasites toute l'année. Sans compter la faim, car la nourriture est rare, et les cas de dysenterie nombreux.

Combien sont morts dans ce camp d'épuisement, de malnutrition, de maladies ? On ne le sait pas vraiment. Comme si, parce qu'il s'agissait de "bohémiens", on continuait aujourd'hui à faire comme si tout cela n'avait pas vraiment existé.

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Commentaires (49)

  • Spart a kus

    Je viens de parcourir quelques un de vos articles et je m'aperçois que l'immense majorité des commentaires s'y rattachant sont "l'oeuvre méprisable" de Fhaines révisionnistes en plein délire de propagande... C'est affligeant, chacun a le droit de s'exprimer mais trop c'est trop ! Un ça va mais dix !

  • Patrickb

    Que les Français n'ont pas souffert et n'ont pas versé leur sang pendant les 2 dernières guerres... Alors rendons hommage aux autres, n'est-ce pas : -).

  • Papyrusse

    Beaucoup de commentateurs érudits oublient de citer dans les personnes proches ou ayant servi Vichy, François Mitterrand qui y "résista" de février 1941 à novembre 1943.