Publicité

Anonymous enseigne la guerre de l'information à la police de Ferguson

A Ferguson, les actions en ligne d'internautes agissant sous le couvert d'Anonymous pèsent dans le rapport de force entre les émeutiers et la police.

0203708431000_web.jpg
Le mouvement Anonymous soutient et alimente les émeutes à Ferguson (Missouri) suite à la mort d'un jeune Noir de 18 ans abattu par un officier de police. (Image d'archive)
Publié le 18 août 2014 à 20:13

La ville de Ferguson dans le Missouri est en proie à de violentes protestationsdepuis qu’un policier a abattu le jeune Noir de 18 ans, Michael Brown, le 10 août dernier. Parallèlement à ces émeutes, des « hacktivistes » se revendiquant d’Anonymous mènent la vie dure aux autorités locales. Ils ont monté l’opération OpFerguson.

Les initiateurs de l'opération ont créé un site Internet similaire à ceux mis en ligne lors des autres actions d’Anonymous. Tous les outils nécessaires à une cyber-protestation s’y retrouvent. Communiqués de presse, salons de discussion anonymes, vidéos de menace et comptes Twittern’ont pas été oubliés.

Une communication des « hacktivistes » aux forces de l’ordre a rapidement donné le ton : « Si vous abusez, harcelez ou nuisez d’une quelconque façon aux manifestants à Ferguson, nous allons mettre hors service tous les actifs virtuels de vos ministères et gouvernements. Ce n’est pas une menace, c’est une promesse. » Dans leur message, les Anonymous ont également déclaré qu'ils révéleraient « les informations personnelles de chaque membre de la police de Ferguson » si nécessaire.

Publicité

Face aux interventions musclées de la police, les pirates n’ont pas hésité à mettre leurs plans à exécution. Durant la matinée du mardi 12 août, le serveur de l’hôtel de ville de Ferguson est tombé en rade, victime d’une attaque par déni de service - un type d’assaut très en vogue chez les Anonymous -. Courriels et lignes téléphoniques des employés municipaux se sont retrouvées également hors d’usage.

Modification du rapport de force

En raison des menaces qui ont circulé sur les réseaux sociaux, les autorités locales ont dans un premier temps refusé de communiquer le nom du policier qui a tué par balle Michael Brown. Face à ce refus, des pirates sont passés à la vitesse supérieur dans la journée du 12 août. C'est le chef de la police du Conté de St. Louis, John Belmar, et sa famille qui en ont fait les frais en étant victime d'un chantage sur Twitter : « Jon Belmar, si tu ne communiques pas le nom du policier, nous divulguons des infos sur ta fille. Tu as une heure.» Un peu plus tard dans la journée, les Anonymous ont publié un autre tweet comprenant une photo de la maison de Jon Belmar ainsi qu'un document exposant des données personnelles au sujet de sa famille, tels son adresse et numéro de téléphone. Ces messages ne sont plus disponibles en ligne suite à l'intervention des services de Twitter.

Le vendredi 15 août, la police a finalement publié le nom de l'officier responsable de la mort de Michael Brown. Peu de temps avant, un compte Twitter prétendant appartenir à Anonymous avait diffusé un autre nom qui s'était avéré ne pas être correct. Les forces de l'ordre ont immédiatement démenti cette information. Des comptes reconnus du mouvement Anonymous ont d'ailleurs vivement critiqué cette fausse information.

N'importe qui peut se revendiquer d'Anonymous

Anonymous n'a pourtant pas pour habitude de diffuser des informations erronées. Le problème vient du fait que le mouvement se caractérise par l’absence de hiérarchie. La plupart des actions à mener sont prises par des votes sur des salons de discussion anonymes virtuels. Aucun pouvoir centralisé ne régit les Anonymous. N'importe qui peut donc faire dissidence et adopter un comportement qui s'éloigne du consensus global.

Toujours fidèle à sa réputation de rendre la justice par lui-même, Anonymous témoigne cependant d'une fracture au travers de ses diverses actions controversées dans l'Opération Ferguson.

Malgré ce qui semble s'assimiler à des dissensions entre l'ancienne génération d'Anonymous et les nouvelles recrues, les pirates informatiques ont toutefois exprimé leur ferme intention de poursuivre leur opération. En réponse à l'instauration de l'état d'urgence à Ferguson, Anonymous a publié ce lundi 18 août un nouveau communiqué, menaçant le gouverneur du Missouri Jay Nixon, de représailles directes contre sa personne : « Nous allons mettre fin à vos communications électroniques, révéler et jeter toutes vos données. Nous allons vous retirer d'Internet.»

Les méthodes radicales d'Anonymous ne manquent pas d'interpeller les défendeurs de l'Etat de droit. L'anthropologue Gabriella Coleman de l'Université McGill a étudié le mouvement depuis sa naissance. Dans une interview au Washington Post, elle a confié que ceux qui s'associent à Anonymous ont pour la plupart des opinions politiques et idéologiques différentes, comprenant aussi bien des anarchistes que des progressistes. Ainsi, il existe une multitude de controverses sur les tactiques au sein du mouvement. « Une majorité veut juste attirer l'attention sur un problème et ne sont pas totalement à l'aise de violer la vie privée de personnes non-publiques », a déclaré Gabriella Coleman. Les révélations sur la vie privée, même de personnes publiques, peut porter à des conséquences parfois fatales pour ces dernières qui ont rarement l'occasion de se défendre.

Le « piège à naïfs » d’un anti-pirates

Un internaute sous le pseudonyme de ihazcandy n’a pas tardé à riposter aux attaques d’Anonymous, avec un brin de subversion. Auteur d’un projet de lutte contre les pirates informatiques, il a conçu un site Internet semblable en de nombreux points à celui des « hacktivistes » d’OpFerguson. Crédules, de nombreux internautes se sont connectés à ce site, ignorant que leurs adresses IP étaient en réalité enregistrées. Aussitôt connectés, une interface alléchante leur proposait de mener des attaques contre diverses forces de police locales américaines et contre le FBI.

Ainsi, il a été possible à ihazcandy de localiser la position géographique des Anonymous qui voulaient viser les forces de police. Il a décidé de ne pas envoyer ces données aux autorités, mais de tout simplement les rendre publiques.

Malgré les avertissements lancés par des utilisateurs plus avertis que d'autres, des centaines d'internautes ont continué à se connecter à ce "pot à miel". L'idée d'ihazcandy a bénéficié d'un effet viral. Des gestionnaires de forums, de blogs et de pages Facebook ont relayé ce qu'ils croyaient être une aubaine dans leur combat contre les autorités. A l'heure actuelle, ce site ne se trouve plus en service.

Benoît Theunissen

MicrosoftTeams-image.png

Nouveau : découvrez nos offres Premium !

Vos responsabilités exigent une attention fine aux événements et rapports de force qui régissent notre monde. Vous avez besoin d’anticiper les grandes tendances pour reconnaitre, au bon moment, les opportunités à saisir et les risques à prévenir.C’est précisément la promesse de nos offres PREMIUM : vous fournir des analyses exclusives et des outils de veille sectorielle pour prendre des décisions éclairées, identifier les signaux faibles et appuyer vos partis pris. N'attendez plus, les décisions les plus déterminantes pour vos succès 2024 se prennent maintenant !
Je découvre les offres

Nos Vidéos

xx0urmq-O.jpg

SNCF : la concurrence peut-elle faire baisser les prix des billets de train ?

xqk50pr-O.jpg

Crise de l’immobilier, climat : la maison individuelle a-t-elle encore un avenir ?

x0xfrvz-O.jpg

Autoroutes : pourquoi le prix des péages augmente ? (et ce n’est pas près de s’arrêter)

Publicité