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L'école doit s'adapter au XXIème siècle

L'école ne permet plus aux jeunes générations de faire face à leur avenir, explique Didier Schmitt

Publié le 25 août 2014 à 17h33, modifié le 25 août 2014 à 17h33 Temps de Lecture 5 min.

 Du fait de la progression démographique et du développement des classes moyennes dans le monde, les systèmes éducatifs vont devoir former, d'ici 2050, autant d'étudiants que durant toute l'histoire de l'humanité réunie

 Du fait de la progression démographique et du développement des classes moyennes dans le monde, les systèmes éducatifs vont devoir former, d'ici 2050, autant d'étudiants que durant toute l'histoire de l'humanité réunie. D'ici là, « l'infosphère » continuera son expansion vertigineuse ; la masse de connaissances double déjà tous les deux ans. Il est donc grand temps d'anticiper et de repenser la valeur ajoutée de l'enseignement futur.

L'éducation est censée préparer la jeune génération à l'avenir. Mais le fait-elle encore ? Imparfaitement, en tout cas. Une preuve en est que deux millions d'emplois en Europe, nécessitant des compétences scientifiques et technologiques, ne sont pas pourvus ; rien que dans le secteur informatique il manque cent mille programmeurs. D'ailleurs, près d'un quart des Européens pensent que le système éducatif et de formation ne les prépare pas à trouver une profession, d'après une enquête Eurobaromètre.

Pour de multiples raisons, l'éducation s'est focalisée sur la spécialisation, mais la grande majorité des jeunes n'auront pas « un » emploi, mais « des » emplois tout au long de leur vie, surtout si l'on considère l'accélération des technologies et le fait que les enfants qui terminent leurs études maintenant ne seront à la retraite qu'après 2070. Même à l'université, les études sont trop focalisées et seuls 5% des étudiants qui ont un doctorat occuperont une fonction académique. Les autres seront-ils pour autant formés à un métier ? On en doute. Trop se spécialiser dans un environnement qui change sans cesse, c'est comme rouler vite avec des œillères. De plus, en France en particulier, l'on va toujours se référer au diplôme initial pour juger des compétences – à l'inverse des pays anglo-saxons, ce qui est un handicap pour changer d'orientation professionnelle.

Dorénavant la pensée ne doit plus être linéaire mais transversale. La sectorisation de l'enseignement inhibe malheureusement la co-disciplinarité à tous les niveaux. Même si l'on admet que l'innovation sera au rendez-vous à la croisée des technologies – les nano-, bio-, info-, neuro-,… – l'on oublie encore qu'il faut être capable d'intégrer en même temps les aspects sociétaux, culturels et autres. Alors pourquoi ne pas commencer dès l'école ? Par exemple, l'énergie, la santé, les transports ou le climat peuvent être des thèmes de synthèse intégrant la géographie, l'histoire, la chimie, les mathématiques, la physique… tout en étant déclinés sous l'aspect culturel, artistique, juridique, politique ou économique.

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Pour pallier le manque de compétences transversales, la créativité dans les salles de classe à tous les âges pourrait être le fait des élèves eux-mêmes en devenant des « proconsommateurs » – producteurs et consommateurs – de connaissances. Ceci pourrait donner lieu à des jeux interactifs, qui sont un excellent moyen de mémorisation. Cela permettrait enfin de donner plus de sens – comme un lien avec la vie de tous les jours – à des matières qui peuvent être rédhibitoires, car il n'y a pas seulement un problème de contenu, il y a aussi la façon d'enseigner et la motivation d'une finalité. En Europe seuls 2% des jeunes sont attirés vers des matières scientifiques, en Asie ils sont 20% !

Bien des pays, et la France en premier, ont également mis en place un système élitiste de sélection de « talents ». Cet esprit de compétition – qui n'est pas très « égalité et fraternité » soi-dit en passant – laisse fort peu de place à un travail collaboratif. Or, le « pouvoir » n'est plus à ceux qui acquièrent et gardent jalousement un savoir, l'avenir appartient à ceux qui penseront collectif et développeront une intelligence interactive. La nouvelle génération est heureusement déjà tombée dans la marmite du partage en s'accaparant les technologies de communication avec les blogo- et autre tweetospheres.

LA PEUR D'AVOIR TORT

Un autre handicap, assez français aussi, est la peur inculquée à l'école d'avoir tort. Cela induit une forme de castration de l'esprit d'innovation et donc de l'entreprenariat par manque de confiance. D'autres cultures font dans l'excès inverse, comme aux Etats-Unis, mais ces derniers génèrent avec grand succès des employeurs et pas seulement des employés. Il y a aussi chez nous la peur de l'échec et l'absence de deuxième chance. Il faut donc introduire d'urgence, dès le plus jeune âge, un « permis » de se tromper et un « devoir » d'explorer. Sans cela, les opportunités continueront à se transformer en importunités.

A la place d'un encombrant smartphone très limité, la génération des années 2020 aura un assistant virtuel personnel – au fond du canal auriculaire et relié à une lentille de contact – qui répondra intelligemment et instantanément à toute question ; sans compter les cours en ligne faits par les meilleurs experts. Les décideurs politiques seraient bien avisés de regarder au-delà des réformes à la marge, d'une année scolaire sur l'autre. Ils verraient que le rôle de l'enseignant sera à redéfinir profondément.

Prenons donc le virage dès à présent, et avant tout apprenons aux enfants à apprendre! En effet, ce n'est plus la quantité mais bien la qualité qui fera la différence. Ainsi, les métiers dits manuels ont besoin de créativité. Pour un cuisinier par exemple, il est plus important de développer l'imagination que d'apprendre une liste de menus. Dans un monde où nous avons autant d'information par jour que quelqu'un au Moyen-Âge pendant toute sa vie, il est impératif de développer l'esprit analytique, critique et sélectif. Pour faire face au mur de la surinformation et à la saturation cognitive à venir, il est vital de savoir séparer le bon grain de l'ivraie, l'utile du futile, car le raisonnement logique n'est pas inné.

A défaut, nous serons au mieux des hypermnésiques non productifs. Nous le savons déjà, les algorithmes prendront une place prépondérante dans la collecte et le traitement de l'information, et même dans les processus de décision. Mais l'intelligence artificielle, même auto-apprenante, sera toujours différente de la nôtre ; il s'agit de redéfinir la place de l'humain par rapport à la machine. De toute façon, une chose est sûre, le monde devient plus complexe.

Et c'est bien la gestion de la complexité qui sera le défi majeur du XXIème siècle. Si l'éducation préparait à « un » avenir, il faudra qu'elle prépare dès à présent à « des » avenirs. Ainsi, une harmonisation de l'enseignement et de la formation au niveau européen est essentielle pour un brassage d'idées et donc une plus grande mobilité. Pour faire face à la compétition des continents émergents, il n'y a qu'ensemble que nous serons plus futés que le futur. Ce sera d'autant plus le cas si nous considérons que la connaissance est également liée à des valeurs humaines communes qui permettent de croître en tant qu'individu. In fine c'est moins le « quoi savoir » que le « pourquoi » savoir qui est important. Qu'en est-il en effet d'une société du savoir si elle n'est pas savante?

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