Cet article vous est offert
Pour lire gratuitement cet article réservé aux abonnés, connectez-vous
Vous n'êtes pas inscrit sur Le Monde ?

L’enfer des open spaces

Sous couvert de faciliter la vie des salariés, les open spaces et les dernières innovations technologiques créent un climat à la « Big Brother ».

Publié le 22 mai 2017 à 06h41, modifié le 23 mai 2017 à 09h56 Temps de Lecture 2 min.

Un immeuble de bureaux en open space.

Plus l’entreprise est cool, plus elle tend à devenir imperceptiblement orwellienne. Alors qu’il nous a été vendu comme le lieu idéal de circulation des énergies, l’open space s’est avéré, en réalité, un formidable instrument de contrôle social.

Inspiré par l’architecture carcérale du philosophe du XIXe siècle Jeremy Bentham permettant au gardien de voir tout le monde sans être vu, le bureau panoptique produit ce même climat intériorisé de scrutation permanente. Se lever pour aller faire pipi vous donne alors le sentiment de contrevenir à la loi du groupe, masse immobile et censément affairée dont le silence pesant laisse supposer qu’elle n’en pense pas moins.

« Orwellisme cool »

Tout cela pourrait même vous pousser à organiser une conférence de presse pour vous disculper et faire savoir que, si vous vous êtes levé dix fois aujourd’hui, ce n’est pas parce que vous avez un problème de prostate ou que vous êtes super-feignant, mais juste parce qu’il est très inconfortable de rester huit heures assis sans bouger.

Le salarié nomade n’est plus assigné à un poste où il peut être observé, mais est désormais géolocalisable à tout moment grâce au smartphone

Efficace, l’ergonomie sociale afférente à l’open space recèle néanmoins un problème de taille : la mécanique du contrôle y est encore trop palpable. Les récentes tentatives visant à contourner cet écueil sont venues renforcer l’axiome du nouvel orwellisme cool.

Sans place fixe, libre de se poser où il veut comme une abeille butinant à sa guise, le salarié nomade n’est plus assigné à un poste où il peut être observé, mais est désormais géolocalisable à tout moment, grâce au smartphone qui lui a été gracieusement offert par son employeur. Le bureau panoptique est désormais au fond de la poche, rétine omnisciente que l’on emporte partout avec soi.

Distributeur commandé par scan de rétine

S’il existe bien entendu un cadre légal qui diffère selon les pays, cette orwellisation des espaces de travail, sous couvert de libération, est incontestablement une tendance d’avenir, au confluent de la technologisation des modes de vie et de l’idéologie de la transparence.

Lire aussi Article réservé à nos abonnés L’Odyssée de l’open space

Aux Etats-Unis, obtenir une barre chocolatée dans un distributeur s’effectue désormais, dans certaines boîtes, au moyen d’un système biométrique (c’est grâce au scan de votre rétine ou de votre empreinte digitale que vous accéderez à votre Twix) et aboutira peut-être à une production de données permettant d’affiner votre profil de toxicomane du sucre – lequel pourrait conduire, à terme, à faire flamber vos cotisations de mutuelle.

Récemment, c’est à nos amis belges que l’on doit une avancée notable sur le front de cette « big brotherisation » de la vie salariale. Spécialisée dans le marketing digital, l’entreprise New Fusion a implanté des puces RFID (de radio-identification) de la taille d’un grain de riz sous la peau de la main de huit de ses salariés. Ce nanomouchard permet, entre autres, de transmettre sa carte de visite électronique au smartphone d’un interlocuteur. L’orwellisme cool ne s’arrêtera sans doute pas en si bon chemin.

Peut-être que demain, grâce à ce grain de riz, vous pourrez acheter vos frites sans contact à la cantine. Seul hic ? Tout le monde saura que, cette année, vous en avez repris 1 984 fois.

L’espace des contributions est réservé aux abonnés.
Abonnez-vous pour accéder à cet espace d’échange et contribuer à la discussion.
S’abonner

Voir les contributions

Réutiliser ce contenu

Lecture du Monde en cours sur un autre appareil.

Vous pouvez lire Le Monde sur un seul appareil à la fois

Ce message s’affichera sur l’autre appareil.

  • Parce qu’une autre personne (ou vous) est en train de lire Le Monde avec ce compte sur un autre appareil.

    Vous ne pouvez lire Le Monde que sur un seul appareil à la fois (ordinateur, téléphone ou tablette).

  • Comment ne plus voir ce message ?

    En cliquant sur «  » et en vous assurant que vous êtes la seule personne à consulter Le Monde avec ce compte.

  • Que se passera-t-il si vous continuez à lire ici ?

    Ce message s’affichera sur l’autre appareil. Ce dernier restera connecté avec ce compte.

  • Y a-t-il d’autres limites ?

    Non. Vous pouvez vous connecter avec votre compte sur autant d’appareils que vous le souhaitez, mais en les utilisant à des moments différents.

  • Vous ignorez qui est l’autre personne ?

    Nous vous conseillons de modifier votre mot de passe.

Lecture restreinte

Votre abonnement n’autorise pas la lecture de cet article

Pour plus d’informations, merci de contacter notre service commercial.