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Le mauvais exemple corrézien de l'UMP

L'UMP attaque régulièrement François Hollande sur la gestion de la Corrèze, qu'il préside. Mais oublie que le département doit en grande partie sa situation à la gestion de son prédecesseur, membre du parti présidentiel.

Par Samuel Laurent

Publié le 22 février 2012 à 11h52, modifié le 03 mars 2012 à 13h15

Temps de Lecture 5 min.

François Hollande lors d'une séance du conseil général de la Corrèze, le 17 février 2012.

"Hollande est à la tête de la Corrèze, qui est la Grèce de la France." La phrase est devenue un gimmick pour Claude Guéant. A chaque meeting, le ministre de l'intérieur ressort ce même bon mot, destiné à décrédibiliser François Hollande, qui préside le conseil général de ce département depuis 2008.

M. Guéant n'est pas le seul. Laurent Wauquiez, le ministre de l'enseignement supérieur, a lui aussi fustigé à plusieurs reprises la gestion du département, notamment dans un entretien au Figaro, le 17 janvier. Lui évoque un même chiffre à chaque occasion, expliquant qu'en "quatre ans seulement, il y a eu une augmentation des dépenses de fonctionnement de 30 % et une hausse de la dette de 40 %".

À DROITE DE 1998 À 2008

Mais à trop vouloir enfoncer Hollande, les deux ministres en viennent à déformer la réalité. Notamment en oubliant sciemment que François Hollande ne fêtera qu'en mars ses quatre ans à la tête du département. Il le préside depuis le 20 mars 2008, après que la gauche l'a emporté aux cantonales. Auparavant, la Corrèze était dirigée par Jean-Pierre Dupont (UMP) depuis 1998, et par la droite depuis bien plus longtemps.

En 2008, à l'arrivée de François Hollande, le département est dans une situation difficile, avec 289,9 millions d'euros de dettes, soit 1 206 euros par habitant, selon les chiffres de Bercy. Un endettement qui résulte de dépenses de fonctionnement en hausse constante depuis 2005 : de 194,8 millions d'euros de dépenses de fonctionnement en 2005, le département passe à 245,006 millions trois ans plus tard, en 2008, soit 25 % de hausse. Parmi les charges en hausse, les frais de personnel, qui passent de 25,83 millions en 2005 à 47,06 en 2008.

Cette hausse de charges se fait notamment par le recours à l'emprunt. L'encours des dettes bancaires du département passe de 148,06 millions en 2005 à 289,04 millions en 2008, soit une hausse de 95 %, qui fait du département le plus endetté par habitant de France. Dans le même temps, les charges financières du département (la charge de sa dette) triplaient, passant de 3,98 millions en 2005 à 11,1 millions en 2008.

(Les graphiques sont tous issus des données de Bercy Colloc, le site du ministère des finances sur les collectivités locales, qui publie les chiffres annuels recueillis par la direction générale des finances publiques. Ils sont exprimés en milliers d'euros)

Une partie des emprunts effectués par le département sont à taux variables.  Or, la crise financière, qui éclate en 2008, entraîne une forte augmentation de ces taux et donc du coût de ces prêts pour la Corrèze. Mais le département recourt aussi à l'impôt. Entre 2004 et 2008, les prélèvements directs locaux passent de 71,9 millions d'euros à 90,4 millions, note la chambre régionale des comptes du Limousin, soit un taux d'accroissement de 25 %, tandis que l'inflation est, dans le même temps, de 8 %. La chambre régionale détaille par type de fiscalité : + 28,5 % de taxe foncière, + 30 % de taxe d'habitation, + 28,7 % de taxe professionnelle.

LES RÉFORMES TARDIVES DE HOLLANDE

François Hollande hérite donc, lorsqu'il arrive à la tête de la Corrèze, d'une situation déjà fortement dégradée, où les finances sont plombées par les emprunts souscrits, dont la charge (les intérêts payés) pèse sur les finances.

Le socialiste en prend acte, et s'engage à freiner l'endettement du département. Ce plan passe par une baisse des dépenses d'investissement, qui passent à 77 millions en 2009, puis 58,5 millions en 2010, contre 104,7 millions en 2008, mais aussi par un "plan de relance" et donc de nouveaux emprunts, qui permettent notamment de "consolider la dette" en passant de 51 % d'emprunts à taux fixe à 66 %.

Mais François Hollande ne veut pas pratiquer de coupes trop brutales, et met parallèlement en place un "plan anticrise" d'investissements pour limiter les effets de la crise financière. Il assure en outre ne pas souhaiter augmenter les impôts. Et l'encours de la dette continue de grimper : 333,05 millions en 2009, 345,56 en 2010. M. Hollande se permet de plus quelques mesures dispendieuses, comme le relève Rue89. Par exemple des iPad offerts aux collégiens du département pour un coût total de 1,5 million d'euros.

Devenu candidat à la primaire puis à la présidentielle, ce qui lui vaut d'être attaqué sur sa gestion locale, M. Hollande est donc contraint l'année suivante de mettre en place un véritable "plan de rigueur" : hausse des impôts (notamment de la taxe sur le foncier bâti, augmentée de 6,5 %), fin de certains avantages, comme les transports gratuits, ou la mise sous condition de ressources de l'aide à la garde d'enfants, mais aussi la baisse de dépenses d'investissement, doivent permettre d'économiser 11,5 millions d'euros de budget, soit le montant d'aide exceptionnelle apportée par l'Etat pour le budget 2011.

DES CHIFFRES EXAGÉRÉS

Les chiffres de l'UMP sont donc quelque peu trompeurs. Les dépenses de fonctionnement du département sont passés de 226,7 millions d'euros en 2007, dernier budget de la majorité de droite, à 266,908 millions en 2010, dernier chiffre disponible sur le site du ministère des finances. Soit une hausse de 17,7 % en trois ans. Les dépenses d'investissement, elles, sont passées de 190,9 millions euros en 2007 à 143,6 millions en 2010, soit une baisse nette de 24 %. Les charges de personnel, elles, restent relativement constantes depuis 2008.

Quant à la fiscalité, attaquée par M. Wauquiez fin janvier dans Le Figaro, elle est certes en hausse, mais celle-ci est constante depuis 2004, tandis que la dotation de l'Etat au département tend à stagner.

Alors, la Corrèze est-elle la "Grèce de la France" ? Sans conteste, le département est le plus endetté de tous, avec près de 1 400 euros de dette par personne, trois fois la moyenne des départements français. Néammoins, cette situation n'est  pas entièrement imputable à François Hollande. Le socialiste a plutôt stabilisé et consolidé la dette, héritée en grande  partie de son précesseur.

On peut reprocher à M. Hollande de n'avoir pas mis en place de véritable politique de désendettement et de n'avoir que peu diminué les charges, tout en poursuivant une hausse de la fiscalité. C'est du reste ce qu'a conclu la cour régionale des comptes du Limousin, dans un rapport du 5 octobre 2010. Mais l'examen sur le long terme rend difficile de faire au socialiste un procès en mauvaise gestion, dans la mesure où la dette du département est très largement due à ses prédecessseurs.

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