Sarah Herz (Conde Nast) "Le format de la Timeline a un potentiel narratif et iconographique fabuleux "

La directrice des activités digitales de l'éditeur de Vogue, GQ et Glamour en France détaille la stratégie du groupe sur les réseaux sociaux.

JDN. Que représente le digital chez Conde Nast ?

Sarah Herz. Le digital chez Conde Nast, c'est une équipe composée d'une vingtaine de personnes dont la mission est de transformer les mensuels Vogue, Glamour et GQ en médias quotidiens. Notre objectif : bi-médiatiser les talents et faire en sorte que l'on retrouve l'ADN de chaque média dans sa déclinaison digitale. Un exemple : il n'y a pas un mais plusieurs community managers pour chacune des publications : les journalistes. Je considère que ces derniers sont le meilleur ambassadeur de leurs papiers et qu'il leur incombe donc de le relayer sur les réseaux sociaux. Voir l'impact de leur article sur les réseaux leur permet d'identifier les sujets et les formules qui marchent. Preuve de l'importance de ce positionnement, l'activité digitale représente aujourd'hui 8% du chiffre d'affaires (pour 1,7 million de visiteurs uniques en janvier 2012, selon Médiamétrie//Netratings, ndlr).

Pourquoi est-ce important pour des marques médias telles que GQ, Vogue ou Glamour d'être présentes sur les réseaux sociaux ?

La stratégie digitale d'un magazine comme Vogue Paris est de mettre en place un véritable écosystème autour duquel gravitent le site Internet, les page Facebook et Tumblr et le compte Twitter. On y retrouve tous les contenus ayant trait à nos diffusions, mais avec des temporalités différentes du papier. Nos magazines étant des publications mensuelles, tous ces formats digitaux nous permettent de cultiver une relation quotidienne avec les lecteurs. Le compte Twitter va, par exemple, donner un aperçu "live" des coulisses des défilés de mode alors que le compte Facebook peut lui servir de levier de viralité, en annonçant en exclusivité la prochaine couverture.

Tout est prétexte à créer des rendez-vous et cultiver l'engagement du lecteur.

Tout doit être prétexte à créer des rendez-vous avec nos lecteurs et ainsi renforcer un peu plus la relation qui nous lie à eux. Preuve de notre réussite, avec plus de 800 000 followers sur Twitter et 400 000 fans sur Facebook, Vogue Paris est aujourd'hui la marque média française la plus puissante sur les réseaux sociaux. Près de 30% de l'audience du site en provient d'ailleurs.

Pouvez-nous parler du nouveau site de Vogue lancé il y a un peu plus d'un mois...

Nous avons donné la priorité à des grands formats de photos et diaporamas incrustés dans un environnement sobre et épuré. Priorité à l'expérience visuelle donc. Ici encore, il était important que l'on perçoive clairement l'ADN de Vogue. C'est pourquoi on a repris la police et le style du format papier, de telle sorte que, même si l'on enlève le logo, on comprend rapidement que l'on est sur Vogue.

Place à la découverte plus qu'à la recherche

La navigation s'inspire elle des nouveaux usages que des supports comme l'iPad ou l'iPhone ont fait émerger. L'internaute navigue en découvrant plutôt qu'en recherchant : une navigation fondée sur le principe de la serendipité. Nous avons ainsi cassé le paradigme du recours à un moteur de recherche interne et au rubriquage poussé à l'extrême

Vogue Paris est le premier media à lancer son application "social reader" sur Facebook ? Pourquoi ? Pour quels résultats ?

Dans ce flux incessant d'informations que devient Facebook, je trouvais intéressant de donner la possibilité à l'utilisateur de statuer sur l'intérêt de la source, via l'application "social reader". Jouer sur le levier de la recommandation sociale nous permettra sans doute d'agrandir notre lectorat, en incitant les utilisateurs à lire un contenu qui apparait dans leur fil d'actualité parce que l'un de leurs amis l'a lui-même consulté ou liké.

La recommandation sociale joue d'autant mieux que Vogue est un support prestigieux

Dans une même optique, chaque article présent dans les rubriques affiche les photos des amis de l'utilisateur l'ayant déjà consulté ainsi que le nombre total d'utilisateurs qui ont accédé à ce contenu. La recommandation sociale joue d'autant mieux que l'on est généralement fier de pouvoir partager un contenu provenant d'un magazine aussi "prestigieux" que Vogue Paris. Nous n'en sommes pour l'instant qu'aux prémices de l'aventure mais nous enregistrons déjà plus de 20 000 utilisateurs.

Facebook a dévoilé récemment sa Timeline pour les marques ? Quelles opportunités identifiez-vous pour vos publications ?

Le format de la Timeline a un potentiel narratif et iconographique fabuleux qui permettra aux marques d'écrire de belles histoires digitales. Au sein d'un espace qui donne libre cours à la créativité, j'entrevois de nombreuses opportunités pour une publication telle que Vogue qui pourrait y reproduire, par exemple, une initiative telle que celle menée il y a quelques années sur les Champs Elysées, via une exposition mettant en avant les plus belles couvertures de l'histoire du magazine. Le champ des possibilités est vaste et ne doutez pas que nous allons en profiter.

Quels sont vos projets pour la suite de l'année ?

Nous allons bientôt lancer la version anglaise du site de Vogue Paris. Cela nous permettra de toucher les amoureux de la marque situés aux quatre coins du monde. Près de 70% de l'audience de notre compte Twitter est internationale : c'est d'abord à elle que ce nouveau site s'adressera. Viennent ensuite les annonceurs qu'il faudra séduire en leur proposant une visibilité internationale.

Autre priorité, le mobile, qui représente près de 10% de l'audience digitale de GQ et Glamour et pour lequel nous allons lancer un site optimisé et une application Vogue Paris, en mai. C'est encore une fois le même credo qui va présider au lancement de ces nouveaux outils : offrir à chaque plateforme son plus bel usage pour privilégier l'expérience utilisateur.

Sarah Herz est diplômée d'HEC et s'est formée au digital au sein de nombreux titres et sites web féminins tels qu'Aufémnin.com, Elle.fr, ou Grazia. Après un passage chez Meetic, elle rejoint Conde Nast, l'éditeur de Vogue, GQ et Glamour en France.