Section des affaires sociales

En matière d'indemnisation

 

 

Date : 23 août 2011

Référence neutre : 2011 QCTAQ 08292

Dossier  : SAS-M-151650-0810

Devant les juges administratifs :

LOUISE GALARNEAU

CLAUDE OUELLETTE

 

S… A…

Partie requérante

c.

SOCIÉTÉ DE L'ASSURANCE AUTOMOBILE DU QUÉBEC

Partie intimée

 

 


DÉCISION




[1]              Le Tribunal est saisi, le 2 juin 2011, d’un recours formé à l’encontre de la décision en révision rendue le 16 septembre 2008 par la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ) et ainsi rédigée :

              [Transcription conforme]

« […] Comme la thermolésion au niveau lombaire est offerte dans les services publics et qu’elle est remboursée par la Régie de l’assurance maladie lorsqu’elle est recommandée médicalement et pratiquée dans un centre hospitalier, la soussignée ne peut changer la décision. Il est donc décidé : de confirmer la décision de l’agent d’indemnisation. »

 

Cause

[2]              Le requérant a été victime d’un accident routier le 8 mai 2007. Depuis, il est en arrêt de travail, indemnisé par la SAAQ, dû à une entorse cervico-dorso-lombaire, à une épicondylite gauche et à un stress post-traumatique. Un traitement par thermolésion pour l’entorse lombaire est recommandé aux niveaux D11, D12 et L1. Il demande à la SAAQ d’assumer les frais de ce traitement s’élevant à 2 150 $. La SAAQ rejette cette demande le 9 juin 2008. La raison invoquée est :

  [Transcription conforme]

« […] que ces frais sont déjà couverts par un autre régime de sécurité sociale soit la Régie de l’assurance maladie du Québec. »

[3]              Cette décision est maintenue lors de la révision le 16 septembre 2008. Le requérant a recours à ce traitement offert par un médecin désaffilié du régime public de santé, le 29 septembre 2008.

 

Loi et règlement impliqués

Article 83.2 de la Loi sur l’assurance automobile (LAA) :

« Une victime a droit, dans les cas et aux conditions prescrits par règlement et dans la mesure où ils ne sont pas déjà couverts par un régime de sécurité sociale, au remboursement des frais qu’elle engage en raison de l’accident : 

1 )  pour recevoir des soins médicaux ou paramédicaux;»

 

Question en litige

[4]              Le requérant a le fardeau de démontrer par une preuve prépondérante qu’il a droit au remboursement des frais engagés pour un traitement par thermolésion de la région lombaire, reçu en bureau privé, en dépit du fait que ce traitement est disponible et payé par la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ).

 

Preuves testimoniales

[5]              Le requérant, lors de l’audience, a déclaré essentiellement ce qui suit. Il travaillait en tant qu’inhalothérapeute dans un hôpital jusqu’à ce qu’il soit victime d’un accident routier le 8 mai 2007. Le Dr Jean-Paul Berthiaume, médecin traitant, a prescrit une thermolésion le plus tôt possible car le requérant se plaint de douleurs intolérables (grade 7/10). Le Dr Bouthillier, physiatre, (lettre du 5 mai 2008) et madame Annick Monastesse, psychologue, M.A. (lettre du 12 octobre 2008) appuient le requérant dans cette démarche. De plus, le requérant doit faire usage quotidien de narcotiques pour se soulager. La thermolésion est payée par la RAMQ en milieu hospitalier. Cependant, la liste d’attente est de plus de deux ans (confirmé par le Dr Yves Bergeron, physiatre consultant, le 24 septembre 2008).

[6]              Le requérant décide de consulter le Dr Marc Filiatrault, physiatre, médecin non participant à la RAMQ. Ce dernier a procédé à un traitement par thermolésions le 29 septembre 2008. Le requérant a dû débourser  2 150 $ pour le traitement. Il a demandé un remboursement à la SAAQ. Cette dernière a refusé de le rembourser car la thermolésion est payée par la RAMQ (art. 83.2 de la LAA, cité précédemment).

 

 

Interrogatoire par l’intimée

[7]              En réponse aux questions de l’intimée, le requérant a précisé qu’il n’a pas nécessité d’autres thermolésions depuis. Il a tenté un retour au travail mais il a été refusé car il faisait usage de narcotiques. Il a alors perdu son emploi. Il est inscrit au programme de réadaptation de la SAAQ. Étant suffisamment soulagé des douleurs lombaires, il a entrepris une formation pour occuper éventuellement un poste d’enseignant en inhalothérapie. Il est, de plus, en phase de sevrage des narcotiques.

 

Preuves testimoniales

Le requérant

[8]              Les douleurs ont été considérablement réduites depuis le traitement par thermolésions. De plus, ce traitement a favorisé le retrait progressif des narcotiques ainsi qu’un retour aux études en vue d’un travail dans le domaine de l’enseignement en inhalothérapie. Le requérant insiste sur le fait que plus vite il retournera au travail, plus vite les indemnités de la SAAQ pourront être interrompues.

[9]              Le requérant prétend que le refus de rembourser le traitement est non fondé car la SAAQ aurait payé antérieurement pour une thermolésion effectuée par un médecin non participant à la RAMQ pour des lésions cervicales.

  [Transcription conforme]       

« Il est donc sur cette base que je croie (sic) devoir être remboursé pour ma thermolésion, étant donné qu’à plusieurs reprises comme vous pouvez le constater dans mon dossier mes médecin (sic) considéraient mes douleurs exacerbées et que le seule (sic) traitement pouvant résorber ma condition était une thermolésion dans de plus brefs délais. »

Lettre du requérant en date du 2 juin 2011

 

L’intimée

[10]           L’intimée a déclaré essentiellement ce qui suit :

[Transcription conforme]

« Les frais de traitement par thermolésion ne peuvent être remboursés car ils sont déjà couverts par la RAMQ. »                                                                                                         

Article 83.2 de la Loi sur l’assurance automobile :

« Une victime a droit, dans les cas et aux conditions prescrits par règlement et dans la mesure où ils ne sont pas déjà couverts par un régime de sécurité sociale*, au remboursement des frais qu’elle engage en raison de l’accident :

 1) pour recevoir des soins médicaux ou paramédicaux; […] »

              * Soulignement de l’intimée

              [Transcription conforme]

« L’intimée précise qu’on « ne peut faire des choses illégales en conciliation et au Tribunal. C’est le système de santé à deux vitesses. Si la SAAQ rembourse, elle le fait à sa discrétion. »

 

Preuves documentaires

[11]           Le requérant présente en preuve la décision du TAQ SAS-M-099380-0412 du 13 février  2007.

 

[12]           L’intimée présente en preuve cinq décisions du TAQ :

 

SAS-M-135902-0708, 17 février 2010

SAS-M-147356-0806, 3 décembre 2010

SAS-Q-131249-0610, 26 février 2010

SAS-Q-151717-0812, 10 novembre 2010

SAS-M-091870-0404, 15 novembre 2005


Conclusion

[13]           Le Tribunal, après avoir pris connaissance du dossier, des preuves documentaires, entendu les témoignages et représentations des parties et sur le tout délibéré, conclut que le recours du requérant doit être accueilli et ce, pour les motifs suivants.

[14]           Le requérant a présenté une preuve prépondérante, particulièrement en démontrant les bénéfices importants retirés par le traitement sans délai par thermolésions. C’est ainsi que le requérant effectue un retour aux études en vue de retrouver rapidement son autonomie professionnelle, étant soulagé des douleurs intenses et constantes qui l’assaillaient depuis l’accident. De plus, il est en voie de se sevrer de l’emprise des narcotiques.

[15]           Le Tribunal note que la SAAQ a refusé le remboursement du coût des thermolésions étant liée à l’article 83.2 de la Loi sur l’assurance automobile et n’a pas utilisé son pouvoir discrétionnaire dans ce cas pour rembourser les frais demandés. Elle n’a pas tenu compte des douleurs constantes et importantes du requérant, freinant sa réhabilitation et retardant ainsi son retour au travail et l’arrêt des versements d’indemnités importantes de remplacement du revenu (1 470,88 $ aux deux semaines).

[16]           Le Tribunal juge que dans ce cas particulier, l’article 83.7, chapitre V, Section II,  de la Loi sur l’assurance automobile, qui se lit comme suit, s’applique :

« La Société peut prendre les mesures nécessaires pour contribuer à la réadaptation d'une victime, pour atténuer ou faire disparaître toute incapacité résultant d'un préjudice corporel et pour faciliter son retour à la vie normale ou sa réinsertion dans la société ou sur le marché du travail. »

[17]           En effet, le requérant est actuellement en phase de réhabilitation selon les termes de la SAAQ. Dans ce cas précis, le requérant a fait  la preuve que la thermolésion est une mesure nécessaire pour atténuer son incapacité, faciliter ainsi son retour à la vie normale et sa réinsertion au plus tôt dans la société et sur le marché du travail. Le délai de plus de deux ans dans le réseau public pour l’accès à ce traitement est déraisonnable compte tenu des souffrances importantes du requérant, de l’accoutumance aux narcotiques qui en découle et de l’incapacité à poursuivre les étapes de réhabilitation menant à un retour à l’autonomie dans tous les sens du terme.

 

POUR TOUS CES MOTIFS, le Tribunal :

 

-  ACCEPTE la requête du requérant;

- REJETTE la décision prise en révision par la Société de l’assurance automobile du Québec en date du 16 septembre 2008 à l’effet de ne pas rembourser les frais de la thermolésion;

- ORDONNE à l’intimée de rembourser au requérant les coûts du traitement par  thermolésions, effectué le 29 septembre 2008, et les intérêts selon les prescriptions de la Loi.

   

 


 

LOUISE GALARNEAU, j.a.t.a.q.

 

 

CLAUDE OUELLETTE, j.a.t.a.q.


 

Me Maxime Seyer-Cloutier

Procureur de la partie intimée


 

AVIS :
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