« Ça choque que moi ? » Sur les réseaux sociaux, de nombreux internautes ont fait part, ces derniers jours, de leurs inquiétudes concernant une nouvelle fonctionnalité de Snapchat permettant de se géolocaliser et de consulter l’emplacement de leurs amis sur une carte. « Beaucoup trop de snaps d’enfants sur Map Snapchat, surveillez vos progénitures », s’alarme une internaute. « Donc #snapchatmap est devenu un nouveau moyen pour les pédophiles de traquer leurs proies si j’comprend bien ? », suppute un autre.
Ce service qui fait tant parler de lui s’appelle Snap Map. Lancé mercredi 21 juin par Snapchat, il permet aux utilisateurs qui le souhaitent de se géolocaliser en direct sur l’application, très populaire auprès des adolescents. Ils peuvent ainsi accéder à une carte sur laquelle apparaît l’emplacement de leurs amis, de façon assez précise. La position est partagée à chaque fois que l’utilisateur ouvre l’application.
Les associations déconseillent d’activer l’option
Une nouveauté qui a fait réagir plusieurs associations de protection de l’enfance, notamment au Royaume-Uni. L’association Childnet a ainsi publié un billet de blog, dans lequel elle « encourage les utilisateurs à ne pas partager leur localisation, particulièrement avec des gens qu’elles ne connaissent pas en personne ». Snap Map permet de choisir avec qui partager cette information : tous ses contacts Snapchat, ou bien quelques personnes soigneusement sélectionnées.
Une autre organisation britannique, la National Society for the Prevention of Cruelty to Children (NSPCC), a aussi fait part de ses réserves dans les colonnes du Telegraph : « C’est inquiétant que Snapchat permette à des moins de 18 ans de diffuser leur localisation sur une application où elle peut être accessible par toute personne faisant partie de leurs contacts. » « Cela peut permettre à des gens de savoir où vous vivez, où vous allez à l’école et où vous passez du temps », renchérit le UK Safer Internet Centre dans le même journal.
La police de Preston, une ville au nord de Liverpool, a, quant à elle, publié un avertissement sur sa page Facebook dans lequel elle explique comment désactiver la fonctionnalité – à noter que celle-ci est inactive par défaut. Pour cela, il faut dézoomer l’écran d’accueil pour faire apparaître la carte. Puis se rendre dans les paramètres (la petite roue en haut à droite) et activer le « mode fantôme ». Ainsi, vous serez le seul à vous voir apparaître sur la carte –Snapchat continue à vous géolocaliser, ce qu’il faisait déjà avant, mais ne partagera pas l’information avec vos amis.
« On dit les jeunes naïfs, mais ils ne le sont pas tant que ça »
En France, l’association e-Enfance ne se montre pas particulièrement inquiète. « Je le suis, mais ni plus ni moins qu’ailleurs », explique au Monde Justine Atlan, sa directrice générale, qui précise avoir été contactée par Snapchat avant le déploiement de cet outil. L’association est en relation avec les grands réseaux sociaux sur les questions liées à l’enfance. « Il faut toujours être vigilant », que ce soit sur Snapchat, Facebook ou encore Periscope, souligne-t-elle, tout en ajoutant que le risque existe :
« On retrouve les éternels dangers de prédation. Celui du prédateur sexuel qui serait capable de retrouver un mineur où il est. On retrouve aussi les problématiques de harcèlement : quand quelqu’un a de mauvaises intentions à notre égard, c’est problématique qu’il sache où on est. Ça peut donner lieu à de mauvaises blagues ou à de vrais usages malveillants. »
Toutefois, tient-elle à préciser, « les jeunes sont assez sceptiques, ils voient assez vite les inconvénients de ce genre de fonctionnalité. Ils n’ont pas forcément envie que leurs amis voient où ils sont. Ils ont l’habitude de maîtriser leur présence sur les réseaux sociaux, et là, voir leur géolocalisation aspirée sans pouvoir le maîtriser, ils sont assez réticents. On les dit naïfs, mais ils ne le sont pas tant que ça. »
« Une éducation à donner »
De son point de vue toutefois, mieux vaut ne pas activer cette fonctionnalité. « Quel est l’intérêt de l’activer ? C’est ça qu’il faut se demander. On peut dire où l’on est autrement. » Car au-delà des dangers évoqués plus haut, Justine Atlan évoque un autre problème soulevé par cette fonctionnalité :
« Il n’y a pas que l’aspect prédation, il y a aussi la question des données personnelles. Vous ne savez pas où vont ces données que Snapchat récupère, or, ces données vous appartiennent. Snapchat fait sans doute ça aussi pour vous envoyer de la publicité ciblée dans une logique de monétisation. Tout cela fait partie d’une éducation à donner, il faut avoir un esprit critique sur tous ces outils qu’on adore. »
Reste à savoir si les utilisateurs de l’application vont adopter ou non ce nouvel outil, et si oui, sous quelles conditions. L’équipe Snapchat du Monde a mené un sondage auquel ont répondu 50 000 utilisateurs de l’application, dont la majorité ont moins de 25 ans.
Si 28 % d’entre eux ont affirmé qu’ils comptaient utiliser Snap Map, pour retrouver leurs amis ou explorer la carte, 29 % assurent qu’ils ne le feront pas, inquiets pour leur vie privée. 43 % ont, quant à eux, répondu qu’ils l’utiliseront peut-être, « mais en réglant bien les paramètres pour que seules quelques personnes de confiance puissent [les] voir ».
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