Piège écologique Micrologie

Les résultats d’une déroutante étude viennent d’être publiés dans Current Biology. Les scientifiques ont suivi par satellite les jeunes manchots du Cap et se sont rendus compte que ces drôles d’oiseaux parcouraient des centaines de kilomètres pour aller se nourrir dans des zones où il n’y a rien à manger.

Evidemment, c’est l’hécatombe. Les manchots ado auraient-ils des tendances suicidaires ? D’après les scientifiques, ces braves petits piafs sont tombés dans un « piège écologique ».

En voilà un concept intéressant ! Depuis la nuit des temps, les manchots repèrent la cantine grâce aux basses températures de l’eau et à la présence de chlorophylle a. En conditions normales, ces deux critères indiquent les lieux où se regroupent leurs proies, anchois et sardines. Jusque-là, les manchots avaient le nez fin. Avec la surpêche et le changement climatique, les choses ont bien changé et les secteurs « attractifs » sont devenus de véritables déserts. Conditionnés par des millions d’années de pratique, les manchots se font avoir, leur grille de lecture est pour ainsi dire obsolète. Et toc ! Piégés !

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Méfiez-vous des apparences

Les auteurs de ces récents travaux en Afrique du Sud ont de quoi être fiers car le concept de piège écologique reste difficile à démontrer. Les scientifiques s’en inquiètent depuis les années 1970 mais seuls quelques exemples ont réussi à prouver cet effet pervers de l’activité humaine sur le monde sauvage.

Parmi les cas édifiants, l’affaire des libellules qui pondent sur le bitume. Pour repérer les meilleurs sites où déposer leurs œufs, les libellules s’orientent vers des sources de lumière polarisée. Une marre ou un étang réfléchissant la lumière naturelle provoque ce phénomène ondulatoire que repèrent facilement les insectes. Le problème est que l’asphalte lui aussi réfléchit la lumière. Ne vous étonnez donc pas de voir une charmante libellule faire n’importe quoi et laisser ses œufs en plein cagnard sur l’autoroute !

Dans la série piège mortel, l’histoire de l’épervier de Cooper a elle aussi fait couler beaucoup d’encre. A Tucson, Arizona, les densités d’éperviers sont beaucoup plus importantes en zone urbaine que dans les campagnes environnantes. Des proies en abondance, des milliers de possibilités pour un nid haut perché, la ville attire les éperviers. Sauf que manger des pigeons truffés de maladies ne leur réussit pas vraiment et, paf, trépassent les rapaces (oups). Pourtant la population est toujours aussi importante au dessus des immeubles, nourrie par un flux continu de nouveaux arrivants, vidant les saines et joyeuses campagnes. Gare au piège, ça recrute en ville…

Source: Metapopulation tracking juvenile penguins reveals an ecosystem-wide ecological trap, Current Biology, février 2017

Références complémentaires : When good animals love bad habitats, Conservation Biology, 18 (6), 2004
A framework for understanding ecological traps and an evaluation of existing evidence, Ecology, 87 (5), 2006

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