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Affaire Cantat : Une question de morale, selon Mouawad

Wajdi Mouawad

Wajdi Mouawad

Radio-Canada

Le dramaturge et metteur en scène Wajdi Mouawad explique la flambée de colère qu'il a déclenchée en engageant Bertrand Cantat comme compositeur dans son Cycle des femmes par la diversité des jugements moraux.

« On est face à un choix. On n'est pas face à qui a raison, qui a tort, parce qu'on n'est pas dans une question de justice, mais on est dans une question de morale », a-t-il déclaré dans une entrevue exclusive à l'émission 24 heures en 60 minutes de Radio-Canada.

Il s'est défendu aussi d'avoir voulu « imposer le pardon » à la société québécoise, précisant que son souci était d'amorcer un processus de « réconciliation ».

Même s'il ne partage évidemment pas les opinions des gens qui se sont opposés à l'apparition de Bertrand Cantat sur la scène du Théâtre du Nouveau Monde (TNM), il a affirmé qu'il les respectait, tout en estimant qu'elles égratignaient l'idée de justice.

Ce que je trouvais très, très puissant [...], c'est que comme son histoire [celle de Bertrand Cantat] est connue par tout le monde, le spectateur dans la salle allait nécessairement se retrouver face à un homme qui contemple le désastre de sa propre vie.

Une citation de Wajdi Mouawad

M. Mouawad a expliqué que sur le terrain de la morale, le public s'est exprimé sur le sort d'un homme qui est devenu le symbole de la violence faite aux femmes en tuant sans le vouloir la femme qu'il aimait. Selon le dramaturge, devant cet homme, un choix s'impose.

Si vous décidez que le symbole est plus important que la justice, il ne faut pas qu'il monte sur scène. Mais s'il ne monte pas sur scène, [...] ça veut dire que vous sacrifiez un peu l'idée que vous avez de la justice, puisque vous lui infligez une deuxième peine », a-t-il estimé.

Une citation de Wajdi Mouawad

« À partir du moment où il y a une loi qui est posée, moi, je me rallie à cette loi. [...] Si on ne se rallie pas à la loi, on tombe dans la barbarie », a-t-il estimé.

Wajdi Mouawad a expliqué qu'il avait choisi le chanteur de Noir Désir parce qu'avec lui, sur scène, « le texte aurait résonné [...] comme un miroir de nos douleurs et de nos souffrances. »

L'adéquation entre l'histoire personnelle de Bertrand Cantat et celle des personnages des pièces de Sophocle qu'il a choisie d'aborder a fait pencher la balance. « Les trois pièces [Les Trachiniennes, Antigone et Electre] mettent en scène un personnage qui était au pinacle de sa gloire et qui chute. Évidemment, Bertrand est un personnage tragique en ce sens-là », a-t-il affirmé.

Enfin, le metteur en scène a donné deux raisons pour avoir gardé le silence pendant que la controverse faisait rage. D'une part, il affirme vouloir consacrer tout son temps à la conception du spectacle qui exige 12 heures de répétition par jour. D'autre part, il avait la conviction qu'il n'aurait pas été entendu à ce moment-là, alors qu'un « tsunami d'opinions » déferlait dans les médias.

Et si c'était à refaire?

À la question de savoir s'il était prêt à recommencer, Wajdi Mouawad a répondu : « Je le referais, mais je prendrais mes précautions en racontant l'histoire à l'avance et en faisant des liens entre les pièces de Sophocle et Bertrand Cantat. Plus de précautions par rapport aux gens qui ont été véritablement choqués, je pense aux femmes en particulier ».

Commentant les réactions des partis politiques qui se sont opposés à la venue de M. Cantat au Canada, dont l'ADQ, le Bloc québécois et le Parti conservateur, Wajdi Mouawad a rappelé qu'« on a quelques génocidaires rwandais au Canada. Alors si vous voulez, là-dessus, j'ai un sérieux doute », a-t-il dit.

Vive polémique

Le chanteur français de Noir Désir a été condamné à huit ans de prison pour l'homicide involontaire de sa conjointe, l'actrice Marie Trintignant, en 2003. Bertrand Cantat a bénéficié d'une libération conditionnelle en 2007.

L'annonce de la venue de M. Cantat au Canada a suscité toute une polémique. La controverse a été telle qu'elle a forcé l'annulation de la participation du chanteur français aux spectacles prévus au TNM de Montréal et au Centre national des arts d'Ottawa.

Un réflexe identitaire?

Invité à commenter la réaction des Québécois, le metteur en scène a affirmé qu'il pourrait s'agir d'un réflexe « identitaire », compensatoire de leur échec à obtenir l'indépendance. « C'est tellement formidable de pouvoir s'identifier ensemble sur un sujet », a-t-il dit. L'affaire a marqué « un échec pour tout le monde, sauf pour les médias », a-t-il ajouté.

La directrice artistique du TNM, Lorraine Pintal, a laissé le choix au metteur en scène Wajdi Mouawad de présenter son spectacle sans Bertrand Cantat, ou de ne pas la présenter du tout.

Tout au long de la polémique, M. Mouawad ne s'est pas prononcé.

Le TNM et le CNA agissent dans l'aventure de la trilogie Des femmes à titre de diffuseur uniquement. Les producteurs sont les compagnies de théâtre de Wajdi Mouawad Au Carré de l'hypoténuse, en France, et Abé Carré Cé Carré, au Québec.

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