L'idée est séduisante. Pourquoi ne pas proposer aux clients de payer un produit avec un simple tweet ? En postant un message signalant le produit sur le réseau social, ils en font la publicité directement auprès de leurs amis. Pour la marque, c'est le buzz assuré et, pour le client, une façon d'obtenir un cadeau.
En septembre 2012, les céréales Kellogg's ont été parmi les premières à tenter l'expérience. Le temps d'une journée, à l'occasion du lancement d'une nouvelle recette, la marque a ouvert un magasin à Londres. En échange d'un tweet portant le hashtag #tweetshop, les clients pouvaient aller y retirer une boîte.
RECOMMANDER À SES AMIS
Depuis, le concept a été régulièrement reproduit : un magasin éphémère, ouvert pour seulement quelques jours ; un hashtag à mentionner, en échange d'un article gratuit. Mi-août, le couturier Marc Jacobs a lancé un nouveau parfum avec une boutique "pop-up" de trois jours au cœur de Londres, avec des produits offerts en échange de tweets. La marque d'alimentation surgelée Birds Eye a, quant à elle, proposé un repas gratuit dans un restaurant ouvert le temps d'une journée, une opération réalisée à Manchester, Leeds et Londres. Nokia a organisé une petite exposition où les tweets « les plus influents » gagnaient des œuvres d'art. L'idée était cette fois-ci d'attirer l'attention sur la qualité de l'appareil-photo de son nouveau téléphone.
Derrière ce concept, il y a une nouvelle réalité marketing. La publicité traditionnelle fonctionne de moins en moins bien, les consommateurs décodant facilement les ficelles de la communication. La recommandation d'un produit par un ami ou par une connaissance apporte une crédibilité autrement plus importante. Pour les grandes entreprises, c'est désormais le Graal. « Il s'agit de demander à quelqu'un de vendre son accès à ses amis », décrypte Dan Calladine, qui tient le blog London Pop-ups, un référencement de tous les magasins éphémères de la capitale britannique.
LE COMMUNIQUÉ DE PRESSE RÉGURGITÉ SUR INTERNET
La réalité est souvent plus compliquée. L'expérience de Birds Eye à Manchester le prouve. Le 25 juin, la marque de produits surgelés a lancé sa nouvelle gamme de plats préparés dans son restaurant d'un jour. Sur Twitter, quelques dizaines de messages enthousiastes sont rapidement apparus. « Payer sa nourriture grâce à Twitter/Instagram ? Birds Eye l'a fait, en lançant sa nouvelle gamme #BirdsEyeInspirations », lâche une certaine Pamela Bustard, entre une photo de son petit ami et un message sur sa dernière sortie. « Qui est allé à l'événement #BirdsEyeInspirations ? », renchérit Holly Nicol, qui ajoute un lien vers un blog où elle vante les plats « goûteux » et les desserts « délicieux ». Le succès populaire semblait assuré. Vérification faite, il s'agissait d'une mise en scène. Les deux jeunes femmes travaillaient à l'organisation de l'événement. Chargées de communication, elles ont simplement régurgité sur Internet leur communiqué de presse... sans indiquer qui elles étaient.
Birds Eye avait aussi invité un certain nombre de blogueurs locaux, espérant bénéficier de retours positifs. Emma Pond était de ceux-là. Dans son article, elle raconte : « Le poisson était délicieux et les épinards, un parfait accompagnement. » Elle reconnaît aujourd'hui que « franchement, ce n'était que du surgelé réchauffé ». Quant à l'ambiance de l'événement, qui semble pétillante et sympathique sur Twitter, elle était plutôt froide : quinze tables, remplies grâce à des blogueurs invités, des chargés de communication et leurs amis, et les vainqueurs d'un concours organisé pour l'occasion. « Beaucoup de restaurants ont des soirées de communication du même genre. Avec le recul, je ne vois pas ce qu'il y avait vraiment de nouveau », estime Emma Pond.
Pour la marque, la différence est pourtant fondamentale : elle peut se prévaloir d'un buzz apparent sur Twitter, fût-il entièrement fabriqué. Et de nombreux médias traditionnels ont rapporté l'initiative, tombant dans le panneau de la supposée « nouvelle tendance Internet ». Un double bénéfice pour un simple exercice de marketing.
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