Google est-il l’ami des entreprises ?

Le moteur de recherche américain permet aux entreprises de se construire gratuitement une jolie notoriété, de construire une marque. Pour devenir encore plus visible, les entreprises peuvent faire le choix de passer au mode payant en achetant des mots clés, en faisant de la publicité sur le site de Google. Mais que se passe-t-il quand l’entreprise décide de ne plus payer ?
Fabien Piliu
Etre bien référencé sur Internet peut s'avérer difficile

Finies les campagnes de communication et de publicité coûteuses ! Grâce à Internet et aux moteurs de recherche, les coûts liés à la construction d'une marque, à la constitution d'un réseau d'influence sont désormais accessibles à toutes les entreprises, les associations et les particuliers.

Avec un peu de chance, à condition d'être repéré par les algorithmes des moteurs de recherche, le coût de ces frais peut même être nul ! Pour les entreprises, et en particulier les plus petites d'entre elles, l'avantage est donc indéniable. Pour être encore mieux référencé, pour augmenter leur visibilité sur la Toile, les entreprises ont également la possibilité de succomber aux propositions payantes formulées par les moteurs de recherche comme l'achat de mots clés ou, plus simplement de faire de la publicité.

Google est devenu incontournable

L'américain Google, qui représente 95% du marché européen des moteurs de recherche propose ce type de solutions aux entreprises. Lancé en 2005, ConfortVisuel.com, un site de e-commerce spécialisé dans la vente de lunettes et de verres en ligne a d'abord privilégié l'offre gratuite de Google. " Dès le lancement de ConfortVisuel.com, le site est référencé naturellement, et donc de manière gratuite, sur Google. En parallèle, nous nous rapprochons de Google afin de pratiquer du référencement payant via Google Adwords. Ainsi, entre 2005 et début 2012, grâce au référencement naturel, ConfortVisuel.com se positionne en première page des résultats de recherche pour plusieurs requêtes dont celles avec le mot-clé "lunettes de vue". Le référencement payant, de son côté, permet au site d'apparaître dans les emplacements payants de Google pour la même requête ", explique Yves Jacquot, le fondateur de l'entreprise qui emploie aujourd'hui une quinzaine de personnes.

En mai 2012, après avoir estimé à environ 370.000 euros sur cinq ans le coût de ce référencement, ConfortVisuel.com s'interroge sur l'intérêt de la publicité payante sur cette requête puisque le site apparait déjà dans les résultats naturels gratuits. L'entreprise décide donc de suspendre la publicité payante et considère cette action comme un test destiné à observer si les publicités payantes sont véritablement pertinentes sur Google.

Le respect des règles

Grave erreur. Le 8 Juin 2012, l'entreprise reçoit dans son compte client un message de Google précisant que son site ne "respecte pas les règles fixées" de Google, qu'il y a potentiellement des liens "non-naturels" vers le site qui visent à manipuler l'algorithme de Google. Des liens non naturels ? Il s'agit des liens renvoyant les internautes sur l'entreprise, émis par les fournisseurs, les clients et que l'on trouve sur les innombrables annuaires existant sur Internet, les forums. Yves Jacquot prend le taureau par les cornes. Il supprime 700 liens sur les 2.000 qui mentionnent son entreprise. " C'est une sorte de suicide numérique ", regrette-t-il. Pour quels résultats ? Google ne veut rien savoir.

" Tout porte à croire qu'il s'agit simplement d'un prétexte pour pénaliser le site et que Google a l'entière maîtrise de son algorithme pour le référencement naturel. Juridiquement, cela constitue un abus de position dominante ainsi qu'une très grave atteinte au droit de la concurrence puisque cela entraîne la discrimination entre des concurrents sur un même marché ", estime Yves Jacquot.

Plusieurs solutions s'offrent à l'entreprise

Trois solutions s'offrent au chef d'entreprise, désolé de n'avoir pas réussi à identifier et à dialoguer avec un interlocuteur physique de Google, à l'exception des avocats de la firme californienne. Se soumettre, créer une autre entreprise ou recourir à la justice. Après avoir opté en partie pour la première solution - en achetant de nouveaux mots clés, envisagé la deuxième, Yves Jacquot décide de se battre pour obtenir réparations. "Le préjudice est énorme. En 2012, nous étions en pleine croissance. Après avoir ouvert quatre show-room à Paris, Lyon, Lille et Bordeaux, nous aurions dû en lancer une dizaine aujourd'hui. De 15, nos effectifs seraient grimpés à 30 et notre chiffre d'affaires aurait continué à progresser. Selon mes calculs, à rythme constant, il aurait dû s'élever à 1,8 million d'euros en 2013 et non pas à 1 million d'euros", avance Yves Jacquot.

En 2013, le chef d'entreprise saisi le tribunal de commerce. La conciliation ne donne rien. L'avocat de Google invoque le fonctionnement automatique de l'algorithme, sans intervention humaine, mais aussi le hasard pour expliquer l'apparition de la pénalité après l'arrêt des campagnes Adword.

L'Etat à la rescousse

L'Autorité de la concurrence est également saisie. Elle rendra son verdict dans les jours prochains. Dans le cadre de cette procédure, c'est l'Etat français qui enquête en prenant l'exemple du cas de l'entreprise. L'implication de l'Etat fera-t-il plier le moteur de recherche américain ? Réponse dans les prochains jours.

L'entreprise est-elle un cas isolé ? Selon Yves Jacquot, la médiatisation de ses mésaventures délierait les langues, mais de façon non officielle. Sur les forums, les attaques contre les méthodes de Google se multiplient, notamment sur le site www.webrankinfo.com

" Quelque soit la qualité d'un site et le temps passé dessus, il passera toujours après ceux qui ont payé. La qualité d'un site n'est plus du tout le critère premier, Google se fiche royalement de la qualité du site qui lui paie des adwords ", peut-on notamment y lire.

En attendant, à la Médiation des relations inter-entreprises élargie désormais à l'innovation, aucun plainte contre Google n'a encore été déposée mais les équipes de Pierre Pelouzet, le médiateur national, se disent prêtent à agir. " C'est tout à fait le type de situation que nous pourrions résoudre avec l'avantage de la confidentialité pour les deux parties ", explique Pierre Pelouzet, le médiateur national.

Séparer les activités gratuites et payantes

Plus globalement, cet exemple ainsi que l'initiative de l'Open Internet Project (OIP) lancée par les éditeurs web européens - dont Lagardère Active et Axel Springer - qui ont récemment déposé devant la Commission européenne une plainte pour abus de position dominante, remettent-ils en cause le rôle des moteurs de recherche dans la quête de visibilité des entreprises ?

Dans son ouvrage, l'économiste Pascal Perri plaide pour une séparation de l'activité du moteur de recherche de celle des ventes afin de protéger les consommateurs et les entreprises. Tout le monde y verrait plus clair.

Fabien Piliu
Commentaires 5
à écrit le 03/06/2014 à 4:09
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Il y a un principe en gestion : ne jamais dépendre d'un seul fournisseur. Cette entreprise de lunettes aurait dû chercher à diversifier ses sources de trafic pour ne pas dépendre uniquement de Google. Il suffit de regarder les sites de ecommerce les ...

à écrit le 02/06/2014 à 20:53
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Les entreprises n'ont pas d'amis

à écrit le 02/06/2014 à 17:14
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Le google francais existe mais personne en Europe n'en veut.. surtout pas les polonais qui preferent les avions americains au avions europeens.

à écrit le 02/06/2014 à 16:34
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Des entreprises françaises ? en tant qu'une société américaine et en tenant compte du grand, très grand amour qui uni les américains aux français, c'est clair que Google est notre grand ami, bien sûr !! ainsi comme Goodyear, GE, Disneyland, Amazon, M...

à écrit le 02/06/2014 à 15:55
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Il n'est l'ami que du dieu dollard.

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