Interview : le community management du musée du quai Branly

Nous nous intéressons de près aux stratégies digitales des entreprises et des agences sur les réseaux sociaux. Mais les institutions publiques et le monde de la culture sont eux aussi présents sur les réseaux sociaux, et mettent en place des opérations intéressantes pour relayer leurs messages. Nous avons interrogé Sébastien Magro pour en savoir plus sur le community management du Musée du quai Branly.

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Tout d’abord pouvez-vous vous présenter et nous en dire plus sur vos missions pour le musée du quai Branly ?

Je suis Sébastien Magro, chargé de projet nouveaux médias au musée du quai Branly. Je suis issu d’une formation initiale en design graphique et j’ai un master sciences et techniques des expositions. Mon parcours a toujours oscillé entre design et culture, jusqu’à mon arrivée au musée début 2012.
J’ai quatre missions principales : je coordonne le comité éditorial pour le site web du musée ; en tant que community manager j’administre les comptes du musée sur les réseaux sociaux et les plateformes de partage de contenus ; je travaille sur les applications mobiles ; enfin, j’effectue une veille technique et une veille des pratiques numériques liées à la culture.

Quel est le panorama de vos différentes présences sociales ?

Le musée est présent sur YouTube depuis 2007, sur Facebook depuis 2009, sur Twitter et Scoop.it depuis 2012. Nous disposons d’autres comptes sur Dailymotion, Tumblr, Google+, Pinterest et Instagram mais nous n’y sommes pas actifs actuellement. Enfin, nous effectuons une veille ponctuelle sur Flickr. Depuis 2013, nous avons également une page Facebook consacrée à Photoquai, la biennale des images du monde, que nous organisons en face du musée.

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Quels sont les objectifs de votre présence sur ces espaces ?

Le musée poursuit trois objectifs à travers sa présence sur les médias sociaux : communication, information et médiation. Les réseaux sociaux numériques et les plateformes de partage de contenus sont de puissants outils de communication et d’information autour de l’actualité du musée : nous y diffusons les informations relatives à nos expositions, aux spectacles et concerts, aux activités culturelles et aux manifestations scientifiques.

Nous y partageons aussi des contenus enrichis autour des expositions et des collections, par exemple à travers des albums thématiques sur Facebook (exemple : « Vivre avec la neige », février 2013), préparés avec les conservateurs. L’ensemble de ces fonctions viennent compléter les outils traditionnels et permettent de répondre aux missions qui sont celles des musées : documenter, conserver et exposer le patrimoine national, mais aussi accueillir et informer les visiteurs.

Le community management est-il géré entièrement en interne ou externalisé via une agence ?

Entièrement en interne. Je consacre entre 30 et 50% de mon temps au community management. Je rédige la majorité des publications sur la page Facebook du musée, le compte Twitter et la chaîne YouTube. Les pages Facebook des soirées Before et de la Médiathèque et Salon de lecture sont administrées respectivement par les agents de la Direction des publics et du Département du patrimoine et des collections, sous ma coordination. Le Kiosque du monde, revue de presse sur Scoop.it, est intégralement géré par quatre agents de la Médiathèque.

Comme je le disais plus haut, le site du musée est alimenté par un comité éditorial, comprenant une douzaine de contributeurs issus de chaque direction ou département. Du coup, pour les réseaux sociaux, nous nous appuyons sur ce comité, dont les membres sont sensibilisés aux enjeux des cultures numériques : écrire pour le web, faire preuve de rapidité et de concision, etc. La Direction de la communication est également associée à la programmation des publications, pour assurer la cohérence du message porté par l’institution.

Enfin, je peux faire appel à l’ensemble des agents du musée lorsqu’une question qui les concerne arrive sur les réseaux sociaux, mais bien sûr, les commissaires des expositions et les conservateurs des collections sont les plus souvent mis à contribution. Cette transversalité est très importante pour nous, elle est la clé d’une présence efficace sur les réseaux sociaux.

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Vous fédérez votre audience via des hashtags dédiés à certaines expositions (#Kanak en ce moment). Quelles autres opérations social media spécifiques avez-vous mis en place pour mettre en lumière une collection, un artiste ou un événement particulier ?

Chaque fois que possible, nous mettons en valeur les photos, les vidéos et les articles de blogs que nos publics produisent pendant ou après leur visite. Comme je le disais plus haut, nous faisons aussi un travail important de médiation à travers les albums thématiques sur les collections. En outre, toutes les expositions sont mises en avant sur Facebook et Twitter, et je m’appuie sur les contenus dont nous disposons : photos des objets et de la scénographie, bande-annonce postée sur YouTube, pages sur le site internet, etc.

Nous travaillons constamment à créer davantage de synergie entre nos différentes actions en ligne et hors ligne, notamment dans le cadre du développement des publics et autour des campagnes de communication.

Enfin, nous avons mis en place des événements dédiés à nos communautés en ligne, par exemple avec le groupe SMV (un Soir, un Musée, un Verre), qui nous ont visité à trois reprises en 2012 et 2013. Nous avons d’autres projets en ligne, notamment dédiés aux blogueurs et e-influenceurs, autour des expositions « Indiens des Plaines » et « Tatoueurs, tatoués »… à suivre en 2014 !

Vos visiteurs viennent du monde entier. Concrètement, comment gérez-vous cette audience internationale sur les réseaux sociaux (messages ciblés, multi-comptes, page globale…) ?

Pour le moment, nous avons choisi de nous exprimer majoritairement en français car, bien que nous ayons de nombreux touristes étrangers, un grand nombre de nos visiteurs sont français. En revanche, nous nous efforçons de répondre dans les langues des visiteurs, à chaque fois que c’est possible.
En revanche, la page Facebook de Photoquai, ouverte au printemps 2013, est bilingue français/anglais, car Photoquai est une biennale qui bénéficie d’une importante visibilité internationale grâce aux 200 photographes sélectionnés depuis la première édition, qui viennent des quatre coins du monde.

Pour un musée, ou une institution culturelle, estimez-vous qu’aujourd’hui il est indispensable d’investir les réseaux sociaux ?

Oui, c’est indispensable. Les grandes institutions culturelles ont compris que, loin d’être une mode, le partage et la recommandation sociale sont aujourd’hui des pratiques courantes des internautes. Les musées ne peuvent plus faire l’économie d’une stratégie numérique intégrée à leur stratégie globale d’établissement. Cela dit, il me semble important d’être réaliste et d’adapter ses efforts à ses publics : tous les musées ne sont pas obligés d’être présents sur tous les réseaux sociaux. Pinterest ou Instagram, par exemple, répondent à des logiques et à des pratiques différentes, il ne faut pas y être « pour y être », mais il faut déterminer une stratégie numérique qui rentre en cohérence avec la stratégie globale de l’établissement.

Quels outils dédiés au community management utilisez-vous ?

Lorsque je suis devant mon bureau, HootSuite pour la programmation des publications sur Twitter, les sites Twitter et Facebook eux-mêmes pour les publications en direct. Nous prévoyons de passer à un compte pro sur Hootsuite pour profiter des fonctionnalités de collaboration multi-comptes et de meilleures statistiques. Lorsque je me déplace dans le bâtiment ou que je suis en dehors du musée, j’utilise les applications mobiles Hootsuite, Twitter, Pages de Facebook.

Pour les musées, les réseaux sociaux se sont-ils substitués aux traditionnels livres d’or ?

Substitué, non, mais ils viennent compléter l’offre, ils améliorent les échanges entre les publics et l’institution, mais aussi entre les visiteurs eux-mêmes. Ces outils leurs permettent de s’approprier nos contenus, ils offrent la possibilité de s’exprimer, de communiquer, de créer des contenus originaux qui viennent compléter le propos de l’exposition : messages courts ou articles de blogs documentés, photos prises pendant la visite ou vidéos montées par des amateurs passionnés. Les publics sont ainsi associés à la médiation en créant eux-mêmes des contenus qui feront référence pour leurs pairs : il s’agit de l’entrée dans les musées de nombreuses pratiques en ligne.

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1 commentaire
Commentaire (1)
  • JR

    Impressionnant de voir à quelle vitesse les musées se sont adaptés à l’évolution des réseaux sociaux! Une très belle interview en tout cas! Merci beaucoup pour ces éclairages !

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