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Implantations étrangères : la France décroche encore

Jamais l’Europe n’a accueilli autant d’investissements internationaux. En 2015, l’Hexagone reste à l’écart de la vague, le nombre de projets s’y est tassé de 2 %.

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Publié le 09 mai 2016 à 19h48, modifié le 24 mai 2016 à 10h42

Temps de Lecture 4 min.

Une usine d’assemblage de Mercedes du groupe Daimler en Hongrie.

Emilian Bera est un homme heureux. « C’est un moment historique pour notre ville », exulte le maire de Jawor, en Pologne. Jusqu’à présent, Jawor n’était connue que pour son église de la Paix, un grand bâtiment à charpente de bois inscrit au Patrimoine mondial de l’Unesco. Une cathédrale industrielle s’y ajoutera bientôt : le 4 mai, Daimler a choisi cette ville de Silésie pour y implanter sa prochaine usine. Elle produira des moteurs Mercedes dès 2019. Un investissement de 500 millions d’euros, rien que pour la première tranche. A la clé, des centaines d’emplois.

Des investissements de ce type, petits ou grands, l’Europe en compte de plus en plus. En 2015, pas moins de 5 083 projets de construction ou d’extension d’entrepôts, de sièges sociaux, de centres de recherche… y ont été annoncés par des groupes internationaux, selon une étude publiée mardi 24 mai par le cabinet de conseil EY. C’est 14 % de plus qu’en 2014. « Jamais l’Europe n’avait accueilli autant d’implantations internationales, précise Marc Lhermitte, l’un des auteurs de l’étude. Clairement, l’Europe attire et rassure. »

La moitié des projets provient de groupes européens qui se développent dans un autre pays du continent. L’autre moitié, d’investisseurs américains, chinois, etc. L’ensemble devrait aboutir à la création de 218 000 emplois, un record.

Qui profite de cette spectaculaire vague d’investissements ? La Grande-Bretagne fait la course en tête, et creuse l’écart avec les autres Etats. A elle seule, elle concentre un nouveau projet sur cinq, avec un succès spécial pour le Grand Londres. Un pied dans l’Europe, un pied en dehors, le pays aimante particulièrement le monde de la finance. Un élan que l’éventuelle sortie de l’Union européenne pourrait toutefois remettre en cause.

Deuxième grande terre d’accueil des investissements étrangers, l’Allemagne poursuit elle aussi sa trajectoire ascendante. « Elle bénéficie de son statut de première économie européenne, et de porte d’entrée pour l’est de l’Europe et la Russie », analyse M. Lhermitte.

La Pologne, la Hongrie et la Roumanie font également partie des grands gagnants du mouvement actuel. Le cas Daimler est exemplaire. Pour sa nouvelle usine de moteurs, le constructeur de voitures de luxe en plein essor a hésité entre ces trois pays et quelques autres, comme la Russie et la Slovaquie. Il a finalement choisi Jawor, une ville située à seulement 100 kilomètres de la frontière allemande, mais où la main-d’œuvre revient trois ou quatre fois moins cher qu’en Allemagne.

Une tendance lourde

Du personnel qualifié peu coûteux, des routes et des chemins de fer de qualité, un tissu de fournisseurs assez dense : au-delà de Jawor, toute la Pologne attire de plus en plus. Le nombre de projets d’implantation étrangère y a grimpé de… 60 % en 2015, passant de 132 à 211, selon les pointages d’EY. La Pologne est désormais le septième pays d’Europe en nombre de projets étrangers, et le deuxième en termes d’emplois créés par ces investissements, derrière le Royaume-Uni. « C’est une sorte de nouvelle Espagne, commentent les experts d’EY. Le pays prend son envol, comme l’Espagne après Franco. »

La France, elle, ne bénéficie pas du mouvement. Le nombre de projets s’y est même tassé de 2 % en 2015, à 598. Des 15 pays européens recevant le plus d’implantations étrangères, c’est le seul à faire du sur-place.

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L’année 2015 le confirme : malgré les efforts des pouvoirs publics, les « J’aime l’entreprise » répétés en toutes les langues par le premier ministre, Manuel Valls, les investisseurs étrangers privilégient de plus en plus d’autres destinations. Une tendance lourde. En 2006, la France représentait encore 16 % des implantations étrangères recensées par EY en Europe. Sa « part de marché » est tombée en 2015 à 12 %, son plus bas niveau historique. En nombre d’emplois, la part de l’Hexagone n’est même plus que de 6 %.

Car si elle demeure au troisième rang européen en nombre de projets, la France concentre désormais surtout des investissements de petite taille. Des agences commerciales. Des bureaux de représentation. Très peu de nouvelles usines : plutôt des extensions de sites existants, à l’image de ce qu’ont prévu le laboratoire danois Novo Nordisk à Chartres (Eure-et-Loir) et le suisse Novartis à Huningue (Haut-Rhin).

« La perception de notre compétitivité-prix reste très dégradée, explique M. Lhermitte. Les décideurs internationaux sont rebutés par nos impôts et charges, sans compter un droit du travail jugé trop lourd. »

La France conserve des atouts. Elle demeure le premier pays européen en nombre d’implantations industrielles étrangères, même si l’emploi ne suit pas. Et le nombre de centres de recherche et développement accueillis en 2015 a presque doublé, grâce au canadien Oxy’Nov, à l’américain Datalog et quelques autres. Alors qu’elle décrochait, la France rattrape ici une partie de son retard sur le Royaume-Uni et l’Allemagne. Le crédit d’impôt recherche y est sans doute pour quelque chose.

En ce qui concerne les sièges sociaux et les centres de décision, en revanche, la France est en train de perdre pied. Elle attire dix fois moins de sièges que la Grande-Bretagne et ne fait désormais plus partie des cinq premiers pays d’accueil en Europe. Les experts d’EY se montrent pressants : « Il faut construire un plan d’urgence. » La balle est dans le camp de l’Etat.

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