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Mali : CHRONIQUE DU MARDI : Niveau plombé

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Cela doit faire plus d’une décennie que l’on parle de baisse de niveau des élèves maliens. Une baisse de niveau qui s’est poursuivie à un tel rythme que l’on est en droit de se demander si elle n’a pas atteint maintenant le fond du gouffre.

Si l’année dernière les résultats de l’examen du DEF (diplôme d’études fondamentales) avaient frôlé les 42 % après avoir enregistré un très inquiétant taux de 32 % en 2013, cette année, comme un vrai boomerang qu’on prend en plein visage, les résultats du DEF affichent à nouveau un désolant 33 % de taux de réussite.

En essayant de bien décortiquer ces chiffres, l’on se rend compte que seul 1 candidat sur 3 aura été admis !

Autrement dit, 2 candidats sur 3 sont recalés et vont devoir repasser leur examen l’an prochain ou alors abandonner leur scolarité pour faire autre chose, faute d’argent. Et parmi les 33 % qui sont admis, il serait vraiment intéressant de savoir combien d’entre eux ont réussi de par leurs propres efforts, car n’essayons pas de nous voiler la face : nombreux sont les parents aujourd’hui qui remuent ciel et terre pour monnayer les sujets d’examen au profit de leurs progénitures.

Ce qui fait qu’aujourd’hui, les NFT (notes financièrement transmises) et les NST (notes sexuellement transmises) contribuent à miner, pour ne pas dire à plomber le niveau de nos apprenants. Au-delà du fort taux de déperdition scolaire provoqué par les multiples échecs, les « privilégiés » qui ont la chance de continuer leur cursus ne présentent pas toutes les garanties de connaissances maîtrisées et acquises pouvant leur permettre d’affronter des études universitaires ou supérieures exigeantes. Donc, du fondamental au supérieur, parents et étudiants ne feront que perpétuer la pratique des NFT et des NST.

Et si ces pratiques ont encore de beaux jours devant elles, c’est parce qu’elles trouvent du répondant auprès du corps professoral et des autorités académiques. Car le principe est connu, pour qu’il y ait un corrupteur, il faut qu’il puisse trouver un corrompu. Or, dans le milieu de l’éducation, dès lors que ce genre de pratiques s’installe, on peut dire adieu à un enseignement de qualité et à des élèves et étudiants performants.

A vrai dire, ce sont les parents qui ont d’abord démissionné en devenant fatalistes. Beaucoup se disent aujourd’hui que si un tel achète les sujets pour son enfant pourquoi ne pas en faire autant ? Habitués à la facilité, les élèves aussi se disent pourquoi faire autant d’efforts alors qu’ils peuvent obtenir leurs diplômes sans se priver de leurs loisirs ?

C’est donc une culture de facilité coupable qui s’installe. Puisque tout est monnayable à quoi bon se compliquer la vie ? Une pratique qui met non seulement en péril notre système éducatif, mais qui compromet même le devenir de notre nation. Voyez-vous, faites un tour dans nos services publics ou dans certains organismes décentralisés. Le niveau et le rendement des agents qui y exercent finiront par vous convaincre de la gravité de la situation.

Des erreurs médicales qui tuent plus que certaines maladies, des articles de presse qui massacrent les styles rédactionnels tout en foulant au pied l’éthique et la déontologie, des constructions qui n’ont de résistance que le temps de leur exécution, car mal conçues dès le départ…

Il est toujours bon de s’en prendre à l’Etat qui laisse faire, mais l’Etat c’est avant tout chacun d’entre nous. C’est d’abord ce parent qui accepte d’acheter des sujets. C’est aussi cet enseignant qui privilégie le gain facile à sa mission d’éducation. C’est aussi ce promoteur d’école privée qui préfère « ouvrir le robinet » pour faire la promotion de son école avec des résultats mirobolants. C’est enfin notre société qui a décidé d’assister impuissante à un laisser-aller généralisé et à une course inquiétante à l’appât du gain facile. Gare surtout aux lendemains qui déchantent, avec des générations sacrifiées sur l’autel de la cupidité !

Maliden

Source : Les Echos

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