Cet article vous est offert
Pour lire gratuitement cet article réservé aux abonnés, connectez-vous
Vous n'êtes pas inscrit sur Le Monde ?

Pourquoi l’élevage français perd pied ?

Faute de vouloir affronter la compétitivité par les prix, les producteurs de l’Hexagone se condamnent au déclin, estime l’économiste Pierre-André Buigues.

Publié le 28 septembre 2015 à 15h47, modifié le 01 octobre 2015 à 12h17 Temps de Lecture 3 min.

La volaille connaît une forte augmentation de la demande mondiale. L’Allemagne, qui produisait 550 000 tonnes de poulets de moins que la France en 2000, en produit plus depuis 2012 (photo:  élevage de poules en batterie dans le Morbihan).

La part de marché mondiale de la filière viande française est passée de 8 % en 2002 à 5 % en 2012, tandis que l’Allemagne gagnait des parts de marché. Dans la volaille, le porc ou le bovin, l’élevage français perd pied, ce qui montre bien le caractère structurel de ce déclin, tout comme pour l’ensemble de l’agroalimentaire. Entre 2005 et 2010, la production agroalimentaire a augmenté en Allemagne de 1,2 % par an en moyenne annuelle, contre seulement 0,4 % en France ; et l’emploi y a augmenté de 0,9 % alors qu’il a baissé de 0,8 % en France sur la même période.

Lire aussi Article réservé à nos abonnés L’Europe, idiote de la production laitière

Toutes les composantes de la filière sont touchées. La volaille, dont le commerce international est le plus important en volume, connaît une forte augmentation de la demande mondiale. L’Allemagne, qui produisait 550 000 tonnes de poulets de moins que la France en 2000, en produit plus depuis 2012.

Les élevages français de poulet sont beaucoup plus nombreux et de plus petite taille : il y en a plus de 8 000 en France, contre 1 000 environ en Allemagne. Entre 2000 et 2012, la production porcine française a baissé de 3 % alors que la production porcine allemande a progressé de 28 %. L’Allemagne est le premier exportateur européen de porc.

Labels contre prix

Les abattoirs allemands dépassent souvent 50 000 porcs abattus par semaine, quand les abattoirs français sont généralement vétustes et investissent peu. Dans la viande bovine, la France reste le premier producteur européen, mais la balance commerciale entre la France et l’Allemagne est déficitaire. Il y a en Allemagne plus de 200 unités qui dépassent le millier de têtes quand, en France, les unités de plus de 350 têtes se comptent sur les doigts d’une main.

Comment expliquer cette forte dégradation ? Contrairement au marché français, où la qualité et les labels (Label rouge, fermier) constituent un avantage compétitif, à l’international, c’est le prix qui est déterminant. Or, l’Allemagne se positionne sur des produits à bas coût et standardisés. La France a une image « gastronome » de produits chers, quand les exportations allemandes sont porteuses d’une image « industrielle » bon marché, ce qui correspond à la demande internationale de viande, portée par les marchés émergents qui montrent peu d’intérêt pour la qualité. Le coût de production est donc la variable stratégique du succès sur les marchés internationaux.

Or, le coût du travail est plus élevé en France et la taille des élevages plus faible. Le coût de la main-d’œuvre est un des principaux postes de dépense dans l’industrie de la viande. Dans les coûts d’abattage et de découpe, il y aurait un surcoût de neuf centimes en moyenne par kilo pour les bovins et de cinq centimes par kilo de porc entre la France et l’Allemagne. La taille permet aussi des économies d’échelle, et donc des coûts de production plus bas.

Nouveaux débouchés ou restructurations

L’Europe agricole n’est plus un espace régulé par la politique agricole commune, mais un espace de concurrence par les prix et la compétitivité. L’élevage français n’a plus le choix. Il n’y a guère que deux options. Soit trouver des débouchés pour une production haut de gamme avec des labels forts à l’exportation, qui permettent à de petites exploitations faisant le choix de la qualité de survivre avec des prix élevés. On peut être sceptique sur ce scénario à court terme, étant donné la nature de la demande mondiale.

Soit opérer des restructurations lourdes pour consolider le secteur, ce qui signifie le dépôt de bilan de nombreux élevages de petite taille et l’acceptation d’un élevage intensif. Le procès fait à la « ferme des 1 000 vaches » montre que l’opinion française refuse ce passage à l’industrialisation de l’élevage. L’administration a d’ailleurs limité la taille de la ferme à 500 têtes seulement, ce qui en compromet l’équilibre financier.

Le Monde Guides d’achat
Gourdes réutilisables
Les meilleures gourdes pour remplacer les bouteilles jetables
Lire

Si les tendances à l’œuvre se poursuivent, le scénario le plus probable est donc celui d’un déclin de l’élevage français, avec des faillites nombreuses dans toutes les filières et une accentuation de la baisse des parts de marché à l’exportation.

L’espace des contributions est réservé aux abonnés.
Abonnez-vous pour accéder à cet espace d’échange et contribuer à la discussion.
S’abonner

Voir les contributions

Réutiliser ce contenu

Lecture du Monde en cours sur un autre appareil.

Vous pouvez lire Le Monde sur un seul appareil à la fois

Ce message s’affichera sur l’autre appareil.

  • Parce qu’une autre personne (ou vous) est en train de lire Le Monde avec ce compte sur un autre appareil.

    Vous ne pouvez lire Le Monde que sur un seul appareil à la fois (ordinateur, téléphone ou tablette).

  • Comment ne plus voir ce message ?

    En cliquant sur «  » et en vous assurant que vous êtes la seule personne à consulter Le Monde avec ce compte.

  • Que se passera-t-il si vous continuez à lire ici ?

    Ce message s’affichera sur l’autre appareil. Ce dernier restera connecté avec ce compte.

  • Y a-t-il d’autres limites ?

    Non. Vous pouvez vous connecter avec votre compte sur autant d’appareils que vous le souhaitez, mais en les utilisant à des moments différents.

  • Vous ignorez qui est l’autre personne ?

    Nous vous conseillons de modifier votre mot de passe.

Lecture restreinte

Votre abonnement n’autorise pas la lecture de cet article

Pour plus d’informations, merci de contacter notre service commercial.