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Les primeurs 2014 : vers des prix raisonnables ? La dernière chance pour Bordeaux.

Olivier Roux / Figaro Vin

Trois années de vaches maigres : trop chers, les millésimes 2011, 2012 et 2013 avaient été très mal reçus par le marché mondial après l’envolée des prix des deux grands millésimes 2009 et 2010 et rien ne s’était vendu.

La présentation du millésime 2014 qui vient d’avoir lieu début d’avril, relève d’une importance toute particulière pour Bordeaux qui s’est à la fois un peu ringardisé auprès des jeunes et a largement entamé son crédit auprès de ses acheteurs traditionnels par sa politique tarifaire.

Pays de tous les espoirs, la Chine a fait long feu et beaucoup de vins de l’onéreux millésime 2010 se retrouvent sur le marché. La spéculation, largement attisée par la politique aventuriste des plus grands châteaux qui lorgnaient avec gourmandise le secteur du luxe, s’est largement brisée devant la dure réalité de l’offre et de la demande : de nombreux vins du millésime 2010 se retrouvent sur le marché mondial à des prix inférieurs à leurs cours d’introduction, le fameux prix primeur.

Le mécanisme de cette vente primeur est très original : produits comme à l’accoutumée durant l’automne, les vins sont mis en vente "en primeurs" à partir du mois d’avril suivant, mais les bouteilles ne seront livrées que deux ans plus tard. La dégustation des vins qui a lieu début avril est donc d’une importance capitale, car beaucoup de vins sont entièrement vendus à ce moment-là. A ce stade, les vins ne sont pas encore en bouteille et ils seront mis en élevage pour au moins un an encore.

La dégustation des vins qui a lieu début avril s’effectue sur des échantillons qui sont, a priori, représentatifs de la production. Mais comme peu de vins sont redégustés en bouteille, il est tentant de rendre la mariée plus belle le jour de sa présentation, sans compter l’instabilité chronique (et connue) des échantillons. Les cinq bouteilles de Cheval Blanc, un cru particulièrement réussi en 2014, étaient toutes un peu différentes : "et pourtant, elles sont toutes issues du même garde-vin : à partir des différentes composantes, nous créons une cuve de 250 litres et tous les échantillons sont tirés de cette même cuve" précise Pierre-Olivier Clouet, le brillant directeur technique du château.

Cette année, la présentation a attiré les foules, contrairement au médiocre millésime 2013 dégusté l’année dernière : "4.000 négociants, cavistes et restaurateurs et 120 journalistes que nous avons strictement limités sont inscrits sur nos listes, mais ils sont au moins 6.000" précise Olivier Bernard, le président de l’Union des Grands Crus (140 membres) qui est l’organisateur et l’initiateur de l’évènement.

Sur ces dégustations regroupées autour d’un certain nombre de châteaux, se sont greffées de nombreux "off". Tous les consultants organisent les dégustations de leurs clients. Stéphane Derenoncourt Consultants l’a compris le premier et réunit producteurs et journalistes depuis 1999. Tous les autres ont suivi, même si la plupart des leurs vins ne sont pas sur le marché des primeurs.

Quelle est la qualité du millésime 2014 ? Là est le fond de la question. Le millésime a été très perturbé par un mois de juillet et une grande partie du mois d’août au temps maussade, un moment critique où le raisin emmagasine sa densité. Heureusement, le temps a basculé à partir du 20 août et il a fait beau temps pendant sept semaines, sauvant la récolte.

Si les vins se présentent bien à la dégustation, ils possèdent toutefois des séquelles plus ou moins importantes. Le cépage précoce merlot, dont la floraison a été de surcroit perturbée, est relativement mince, en particulier sur les terroirs précoces. Les grands gagnants sont les cabernets, cabernets-sauvignon et cabernet-franc, qui ont pu profiter du mois de septembre pour se refaire la santé qu’ils auraient dû obtenir en août. Donc indéniablement priorité à la rive gauche, le pays des grands cabernets. Globalement le millésime 2014 a produit de très bons vins, mais aucun d’exceptionnel.

Cependant, la qualité des vins est beaucoup plus hétérogène que les producteurs veulent bien l’avouer. Même à Pomerol qui ne brille guère dans son ensemble, des châteaux éminents comme Petrus, Lafleur, La Conseillante s’en sortent bien grâce à leurs argiles froides où la croissance du merlot est plus tardive. Il est donc hors de question d’acheter n’importe quel vin avant d’avoir pu consulter une note de dégustation sérieuse que les grands dégustateurs ne sortiront pas avant une semaine ou deux. Elles seront publiées intégralement sur le site du Figaro Vin.

D’ailleurs, le dégustateur le plus médiatique, Robert Parker, vient d’annoncer qu’il ne dégusterait plus les primeurs de Bordeaux .Cette annonce laisse désemparés tous les producteurs qui ont construit leurs réputations sur les vins puissants et boisés qu’il a portés aux nues. Ces vins puissants passent de mode, non seulement à Bordeaux, mais dans le monde entier. Clairement, une ère nouvelle s’annonce avec des vins plus raffinés que mettront en avant d’autres dégustateurs. La roue tourne.

Indépendamment de la qualité, la grande question est le prix : "ça passe ou ça casse" précise François Lévêque ancien président des courtiers de Bordeaux, les courtiers faisant l’intermédiaire entre les propriétés et le négoce. Il milite pour revenir aux prix des 2008, le dernier millésime achetable pour les amateurs lassés de retrouver dans les foires aux vins des vins moins chers qu’ils les ont achetés en primeurs.

Pour le moment, toutes les options sont ouvertes. Les propriétés font du sur-place en attendant la sortie des notes par les principaux dégustateurs, sachant que le plus influent d’entre eux par le passé est absent. Wait and see.

Les primeurs 2014 : vers des prix raisonnables ? La dernière chance pour Bordeaux.

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1 commentaire
  • Marc Gauci

    le

    Cher, pas cher; puissant, boisé ou raffinés; je vous les laisse tous.!

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