Cet article vous est offert
Pour lire gratuitement cet article réservé aux abonnés, connectez-vous
Vous n'êtes pas inscrit sur Le Monde ?
Saint's row.
Volition

Jeu vidéo : « Saints Row », itinéraire d'une série de plus en plus loufoque

Par 
Publié le 31 janvier 2015 à 13h34, modifié le 31 janvier 2015 à 13h34

Temps de Lecture 6 min.

Shakespeare qui se reconvertit en DJ en enfer ? Un pistolet du futur qui tue des aliens en jouant de la musique dubstep ? Des démons qui torturent Vlad l'empaleur avec une berceuse pour enfants ? On trouve tout cela, et bien plus encore dans Saints Row 4 Re-Elected et Saints Row : Gat out of Hell,  deux titres sortis le 23 janvier dernier sur PC, PlayStation 4 et Xbox One, et qui confirment tous les deux le spectaculaire virage de la licence.

Saints Row, la série de jeux vidéo lancée par le studio américain Volition en 2006, n'est pas aussi connue que GTA, Call of Duty ou Assassin's Creed. Mais avec plus de 11 millions d'exemplaires distribués dans le monde rien que pour ses trois premiers épisodes, et 600 000 jeux vendus tout opus confondus en France, elle est désormais confortablement inscrit dans le paysage vidéoludique. Mieux, elle s'y est faite une place.

Là où la plupart des superproductions de ces dernières années rivalisent plutôt de premier degré, elle a imposé son identité, à la fois potache, exubérante et irrévérencieuse. Et quand Gat out of hell sort la semaine dernière, le site américain GTA ne se pose pas la question « que vaut-il ? », mais bien « quel est son degré de folie ? ».

A l'origine, un jeu vidéo sur les gangs

Ce positionnement complètement décalé, peu auraient pu le prédire. A la sortie de son premier épisode, à l'époque sur Xbox 360, Saints Row s'apparente à un simple émule de GTA, avec son mélange savant de fusillades, de courses-poursuites en voiture, de culture gangster et de virées automobiles à travers Steelport, une ville américaine fictive.

Son ambition est en effet modeste, à l'image de son premier nom de code en interne, « Bling bling ». « On veut donner le point de vue de MTV sur la vie des gangs », explique alors à Eurogamer le chef de projet, Christopher Stockman. « Le seul véritable intérêt de Saints Row, c'est que c'était le premier jeu du genre sur les consoles de nouvelle génération de l'époque, resitue Julien Van de Steene, alors rédacteur en chef de Jeux Vidéo Magazine. « Tout le monde l'a vu comme un avant-goût de GTA IV, mais il n'avait pas beaucoup d'originalité en soi. »

« Ce qui plaisait, c'était l'excessif et l'irrévérencieux »

De prime abord, Saints Row 2, en 2008, prolonge le positionnement « gangsta » du premier épisode. En France, l'éditeur THQ signe même un contrat avec le rappeur Booba pour assurer sa promotion. Mais la sortie la même année de l'ogre GTA IV, le plus politique et le plus sérieux de toute la saga, oblige Volition à changer son fusil d'épaule. 

« Le premier épisode était visiblement trop sérieux, n'est-ce pas ?,  s'interroge Jim Boone, producteur des derniers épisodes, dans un entretien avec The Sixthasis. Nous avons appris plein de choses de ce jeu, mais ce qui plaisait le plus, c'était tout ce qui était excessif et irrévérencieux. Il n'y en avait pas énormément, donc nous en avons introduit davantage dans la suite. » Les notes d'humour sont encore assez éparses, mais difficiles à rater, à l'image d'un camion citerne permettant d'asperger d'excréments les voitures adjaçantes.

Ce sera le principal dérapage scato de la série. « Saints Raw a incontestablement son propre sens de l'humour. On ne s'en cache pas ; je pense qu'on repousse un peu les limites », tentera pudiquement d'expliquer Greg Donovan, producteur de cet épisode, dans la revue Game Developer Magazine.

Tanks violets, lances-pieuvres et voyage sur Mars

Les limites, c'est toutefois avec le troisième épisode que la série les repousse vraiment. L'idée vient de Danny Bilson, en charge de la supervision des studios de THQ. Au début des années 2010, l'éditeur américain enchaîne les déboires financiers et compte sur la principale licence de la maison, Saints Row, pour remettre à flot l'entreprise.

« C'est lui qui était en contact avec l'équipe de développement, et il parlait souvent de ce qui plaisait le plus aux gens dans Saints Row 2 ; et ce qui ressortait, c'était l'exhubérance. Il a ainsi lancé l'idée, en nous disant, “les gars, si vous voulez faire quelque chose, faites-le, ne vous retenez pas », se remémore Jim Boone.

Dont acte. Les têtes pensantes de Volition imaginent alors un culte de la personnalité autour du joueur ; d'un code couleur récurrent qui deviendrait iconique, le violet ; de véhicules loufoques comme un camion disco surmnté d'une gigantesque tête afro, d'une moto rouge à la Akira ou encore d'un tank violet. « C'est à partir de là qu'ils ont pris cette nouvelle direction plus 'pimp', extravagante et barrée », observe Paul Latrasse, chef de produit chez Koch Media, qui a racheté Volition à THQ en 2013.

Mais ce sont surtout les armes tantôt référencielles, loufoques ou absurdes qui font le bouche à oreille de Saints Row the Third, comme des pistolets laser à la Tron, un sabro-godemichet géant, un trombone invoquant un requin à travers le macadam, ou encore un lance-pieuvre transformant sa cible en danseur fou. « C'était complètement malade, mais les gens ont adoré. Alors pourquoi ne pas continuer ? », jubile Jim Boone, quatre millions et demi d'exemplaires distribués plus tard.

De MTV A H2G2

L'héritage GTA est désormais bien rompu, et face au succès de la nouvelle formule, Volition ne peut plus faire marche arrière. « Après ça, on s'est demandé, mais que diantre nous reste-t-il à faire ? Et puis soudain les idées sont arrivées toutes seules : pourquoi pas des superpouvoirs ? et des aliens qui défierait la terre ? et si le joueur devenait président ? »

Le Monde
Offre spéciale étudiants et enseignants
Accédez à tous nos contenus en illimité à partir de 9,99 €/mois au lieu de 11,99 €.
S’abonner

Lancé en 2013 et réédité la semaine dernière dans sa version « Re-elected », Saints Row 4 décolle, littéralement, à l'image d'une introduction qui voit le héros escalader une ogive nucléaire en plein tir, pendant que tous ses amis lui font des adieux risibles, et que raisonne, lyrique, « I don't wanna miss a thing » d'Aerosmith en fond sonore.

La suite est du même tonneau, multiplie les références à Matrix, Terminator et H2GE : le Guide du Routard Intergalactique ; propose au joueur d'appuyer sur un bouton pour manger des pancakes, l'envoie tout nu dans l'espace avec une mosaïque sur les parties génitales, ou lui propose de piloter un vaisseau à la Faucon Millenium sur fond de dance music des années 90. « Est-ce que c'est encore du Saints Row ? On ne sait pas », s'amuse Jim Boone.

« Vous n'aidez pas le jeu vidéo en tant qu'art »

Difficile également de prolonger la comparaison avec GTA : dans Gat out of Hell, le dernier en date, le héros est désormais doté d'ailes, dispose de pouvoirs surnaturels à foison, discute immobilier avec des damnés, escalade les immeubles au petit trot et combat des troupes de démons avec sept armes aux noms des péchés capitaux.

Le jeu fait l'impression d'une attraction de fête forraine, ce qui ne plaît pas à tous. « On nous pose toujours la question, même des développeurs nous l'ont posée : 'pourquoi tant de stupidités ? Vous n'aidez pas le jeu vidéo en tant qu'art' », relaye Jim Boone, qui n'en a absolument pas l'ambition. Plus prosaïquement, les péchés mignons de Gat out of Hell sont d'ordre technique : sa réalisation sans éclat souffre de la comparaison avec n'importe quel autre jeu sorti récemment, et il abuse volontiers de certaines mécaniques abrutissantes, comme la collecte d'objets par centaines.

Qu'importe : les codes traditionnels de la critique de jeu vidéo n'ont plus vraiment cours sur Saints Row. Ses défauts sont légion, mais face à GTA, il a le charme du petit poucet, et au milieu de nombreux jeux à gros budgets gangrénés par le premier degré, il a le grand mérite d'exister, et avec non sans une certaine curiosité, plus d'un se demandent déjà ce que Volition pourra inventer pour la suite.

Lecture du Monde en cours sur un autre appareil.

Vous pouvez lire Le Monde sur un seul appareil à la fois

Ce message s’affichera sur l’autre appareil.

  • Parce qu’une autre personne (ou vous) est en train de lire Le Monde avec ce compte sur un autre appareil.

    Vous ne pouvez lire Le Monde que sur un seul appareil à la fois (ordinateur, téléphone ou tablette).

  • Comment ne plus voir ce message ?

    En cliquant sur «  » et en vous assurant que vous êtes la seule personne à consulter Le Monde avec ce compte.

  • Que se passera-t-il si vous continuez à lire ici ?

    Ce message s’affichera sur l’autre appareil. Ce dernier restera connecté avec ce compte.

  • Y a-t-il d’autres limites ?

    Non. Vous pouvez vous connecter avec votre compte sur autant d’appareils que vous le souhaitez, mais en les utilisant à des moments différents.

  • Vous ignorez qui est l’autre personne ?

    Nous vous conseillons de modifier votre mot de passe.

Lecture restreinte

Votre abonnement n’autorise pas la lecture de cet article

Pour plus d’informations, merci de contacter notre service commercial.