Photo. Marc Riboud, le prince facétieux

Formidable photographe issu de l'agence Magnum, MarcRiboud s'inscrit au carrefour de la photo humaniste et du grand reportage. Il a vu la Chine basculer du Moyen Âge dans la modernité la plus sauvage mais son regard garde en toutes choses la distance et l'ironie des sages.

Cela fait près de soixante ans que le photographe MarcRiboud arpente la planète. Photo T.D.
Cela fait près de soixante ans que le photographe MarcRiboud arpente la planète. Photo T.D.
Son adresse vaut signature. Marc Riboud habite rue Monsieur-le-Prince. Rive gauche, à Paris, en face d'un cinéma. Dans l'ancien appartement de la veuve du sculpteur Alberto Giacometti, un lieu où souffle l'esprit. Changement de dimension, les négatifs et les planches-contacts ont remplacé les hautes silhouettes de bronze. Mais c'est toujours la marche du monde qui se lit à travers les tirages du photographe qui arpente la planète depuis près de soixanteans. Comment allez-vous Monsieur Riboud? «Mieux, j'ai eu des vertiges récemment mais c'est passé. Etvous?». En deux mots, tout est dit. Le souci des autres semble l'emporter sur ses propres tracas. Marc Riboud est comme cela, il a l'air de «donner» ses photos, au lieu de les «prendre». Et s'il est bien obligé de les emprunter au réel, qu'il isole et découpe en morceaux, il promet de les rendre. Voilà comment ce fils de banquier est resté fidèle à son père, qui lui a offert son premier Vest Pocket Kodak à l'âge de14 ans. Des débuts au côté de Cartier-Bresson Mais le déclic ouvrant la voie à cette passion, qui deviendra sa profession, ne se produit qu'en1952, lorsque son frère Jean le présente à Henri Cartier-Bresson. De quinze ans son aîné, HCB cornaque avec autorité le jeune chasseur d'images auquel il conseille de «construire des histoires». Tous deux fils de famille aisée, les deux iconoclastes ont plus d'un point commun. Henri a épousé une danseuse balinaise, Marc se marie avec une noire américaine. Mais là où le premier privilégie le «moment décisif», le second préfère le «moment instinctif». Et si la sentence de Baudelaire, «la photo est le refuge des peintres manqués», peut s'appliquer à Cartier-Bresson, elle ne correspond pas à Riboud. Il revient de Shanghai, où l'aiguille de sa boussole le reconduit sans cesse, depuis son premier voyage en1957. Au cours d'un dîner officiel à Pékin, il photographie Mao de face, un cliché alors rare, voire interdit, pendant que le leader communiste mange avec une fourchette. La photo fera le tour du monde, tout comme celle du sidérurgiste qui avale son bol de riz avec des baguettes et sans quitter ses lunettes. Ainsi, Riboud n'en finit plus de revisiter la Chine car «les lieux sont comme les amis, j'ai besoin de les retrouver, de savoir s'ils ont changé et ce qu'ils deviennent», confiait-il au magazine Polka. «Une image vaut mille mots», dit le proverbe chinois. On pourrait donc croire que Riboud en a fait son credo. Mais il sort avec malice un autre proverbe de sa manche, africain celui-là: «L'étranger ne voit que ce qu'il sait». Privilégier le regard au savoir, ce pourrait être sa méthode et il en fait la démonstration en décryptant une photo de famine au Congo, en 1961. «Une femme devant son étal au marché, où on ne voit pas tout de suite qu'elle vend des rats». Ou bien cette autre image, qui est «intéressante parce que le bras se détache sur le fond, tout est dans le cadrage et dans la construction». Fidèle à l'argentique L'homme aux 350.000 images est désormais entouré de trois femmes qui veillent sur lui et ses trésors comme les apsaras sur les temples d'Angkor. Catherine, sa seconde épouse, qui «organise et inspire toute ma vie», dit-il, ainsi que leur fille Clémence, handicapée, qui «incarne l'innocence». Sans oublier Lorène, son assistante, chargée notamment de donner une existence numérique au travail d'un photographe resté fidèle à l'argentique. «J'y suis habitué et je ne vois pas de raison de changer, même si je suis un éternel insatisfait», confie ce prince facétieux qui avoue dans le même temps n'avoir «jamais eu de suite dans les idées». Sauf celle-ci, «rester libre».

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