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Être un ado populaire en ligne : l'épreuve de notoriété

Photos, "like", commentaires, tweets… Les adolescents flirtent avec la limite de la surexposition. Enquête

Avides de célébrité sur les réseaux sociaux, les teenagers jouent avec leur image et flirtent avec les limites d'une surexposition périlleuse. Incursion en territoire risqué.

Un rêve d'enfer…
Faisons un rêve... Une fée nous accorde quelques heures dans la peau d'une teenager actuelle. Elle vibre à ses premiers émois et vit son adolescence en direct sur les réseaux sociaux. Accepterait-on ? "Même pas cinq minutes !" tranche toute mère raisonnablement informée. Celles d'entre nous qui sont déjà tombées sur la session Facebook ou Twitter restée ouverte à l'insu de sa propriétaire le savent bien. Aucune adulte, même cuirassée par le temps, ne résisterait à la dureté de la vie sociale des lolitas 2013. On exagère ? À peine.

Tu veux ma photo ?
La nécessité épidermique d'être adoubée par le groupe et la peur panique d'en être exclue sont certes des classiques de cet âge. Souvenons-nous du temps où notre destin dépendait d'une besace US Army… Mais c'était avant que les réseaux sociaux et leur redoutable pouvoir amplificateur n'exacerbent ces fondamentaux dans des proportions insensées. Aujourd'hui, pour survivre dans cet implacable marigot, il convient de gérer son image avec un soin maniaque. Et avec une compétence dont certains hommes politiques pourraient s'inspirer. La fameuse photo de profil Facebook – un détail pour beaucoup d'entre nous –, par exemple, semble désormais tenir un rôle capital dans l'édification de la légende personnelle d'une ado.

Le « like », baromètre de notoriété sur Facebook.
Le "like", baromètre de notoriété sur Facebook. Illustration Cathy Karsenty

Ainsi, l'ingénue qui conserve dans les mains la mignonne héroïne manga de ses 12 ans prend un gros risque. Elle a peu de chances de survivre à l'enquête de moralité numérique que ne manquera pas d'opérer le gang des pestes de 3e A. Surtout si la pauvre a jugé suffisant de n'accepter "que" 122 amis…

Pour contribuer au storytelling de la jeune fille épanouie, les "photoshoots" (sic) entre copines du collège tendent à devenir un passage obligé. Timides ou complexées s'abstenir. Après chaque séance, chacune met fébrilement en ligne son portrait préféré, souvent copieusement retouché (d'où ce teint de mutante) sur le site PicMonkey. Il ne reste qu'à guetter les "like".

Hara-kiri virtuel

La course aux "like"
80 "like", apprend-on de source informée, constituent un score honorable. Mais 5 pauvres commentaires (dont un du grand frère, la honte…) confinent au hara-kiri virtuel. Il ne reste, pour restaurer une aura effilochée, qu'à poster en urgence une photo "en soirée". Le commentaire personnel devra alors être soigné. "Vendredi soir aux Planches" (fameux before parisien quand on n'a pas les 16 ans requis en boîte de nuit) ; "Avec Kiki et Popo, mes bébés d'amour" (deux amies pour la vie, très court vêtues elles aussi). L'idée étant de suggérer que l'on vit des moments d'exception, hélas rares quand on entre en classe de seconde. Instagram et Snapchat, moins répandus, peuvent aussi voler au secours de la socialité en Bensimon. Mais la photo de vacances en famille à Bénodet ou sur le poney autrefois chéri n'est jamais une option…

Les ravages de la disgrâce
Les parents novices en la matière, toujours prêts à brandir les devoirs bâclés, sont tentés de juger dérisoire cette addiction, quasi générale entre 13 et 16 ans, à la nano-célébrité. Ce serait balayer un peu vite la vulnérabilité que cache ce personal branding compulsif. Depuis que l'on peut l'évaluer en ligne, à la seconde, jamais la "popularité" dont nos ados nous rebattent les oreilles n'a été si cruciale. Ni les disgrâces, amoureuses notamment – instantanément publiques –, aussi douloureuses.

Jamais la « popularité » dont nos ados nous rebattent les oreilles n’a été si cruciale.
Jamais la "popularité" dont nos ados nous rebattent les oreilles n'a été si cruciale. Illustration Cathy Karsenty


Pour être populaire, on le sait bien, il faut se conformer aux standards esthétiques du moment. Ne nous en déplaise, ils sont aujourd'hui plus proches de ceux de Spring Breakers, le teen movie culte mais trash, que de ceux de la jeune fille rohmerienne.

Tumblr, PicMonkey, Twitter & Co.

Le réseau social Ask, qui monte en puissance chez les moins de 17 ans, fait à cet égard froid dans le dos. Basé en Lettonie depuis à peine trois ans, il compte désormais 53 millions de membres dans le monde, dont la moitié au moins n'a pas atteint l'âge de la majorité.

Dans cet échange planétaire, les ados se lâchent, se provoquent, se draguent et s'insultent, le principe étant de recevoir autant (et plus) de messages anonymes que provenant de ses amis. Le suicide au mois d'août dernier d'une jeune Anglaise de 14 ans (lire l'article du Figaro, NDLR ) qui n'a pas résisté à une vague de détestation verbale sur son profil a relancé la polémique. David Cameron himself a appelé au boycott national. Mais le site aimante toujours autant les connexions.

Lolita, Lolita go home
Sous couvert de savoir "ce que l'on pense d'elles", beaucoup de lolitas déclenchent donc en une phrase ("Tu les aimes, mes fesses ?") des questions et des remarques anonymes à diffusion… mondiale. Prétexte à vacheries perfides et méchancetés dévastatrices sur des cuisses en trop ou des seins en moins. Sans aller jusqu'au drame, beaucoup de ces échanges ont déjà causé pleurs et crises d'angoisse nocturnes chez les moins aguerries. À côté de cette foire impitoyable aux vanités, la jungle du bureau semble bien… policée.

Elles passent trop de temps sur...

Les sites de retouches de photos, PicMonkey en tête, dans l'espoir vertigineux d'éradiquer d'invisibles défauts : rides (si si !), yeux trop petits, dents pas assez blanches… Le résultat poupée de cire est souvent saisissant.
L'e-boutique de la marque italienne Brandy Melville : la griffe culte du moment, à laquelle on doit ces T-shirts largement échancrés sur le soutien-gorge et ces shorts dévoilant le pli fessier.
Les Tumblr, Twitter, Pinterest consacrés au thigh gap. À savoir la distance entre les deux cuisses en position debout, pieds serrés, qui attesterait dans la rumeur ado qu'on est vraiment mince et donc belle si elle est suffisamment large. À prendre au sérieux si cela vire à l'obsession.

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