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Voiture, logement, services : le Net réinvente l'économie du partage

Le premier OuiShare Fest, un grand rassemblement européen consacré à l'économie collaborative, s'est tenu à Paris début mai. Sophie Lochet, PHILIPPE DESMAZES. Sophie Lochet

Les services d'échange de biens ou de talents se multiplient, sans forcément toujours faire recette.

Un trajet de Paris à Arcachon en covoiturage pour 40 euros, trois fois moins cher que par le train. Une nuit chez l'habitant dans un bel appartement à Rome au prix imbattable de 50 euros. Ou un déjeuner typique pour 10 euros cuisiné par un voisin de plage. Durant les vacances, les Français affluent sur les sites de partage pour dénicher leurs bons plans, qui n'en finissent pas de gagner de nouveaux adeptes.

Les pionniers de cette nouvelle économie sont nés dans les années 2000 avec une promesse ­attrayante: offrir aux internautes des gains d'argent en partageant des biens ou des talents qui n'étaient pas exploités jusqu'alors. Airbnb, géant américain de la location de logements entre particuliers, a été fondé en 2008. BlaBlaCar, le champion français du covoiturage aux 3 millions de membres, a été lancé dès 2004.

Longtemps réservés aux initiés, ces sites ont gagné en notoriété et fait des petits. Aujourd'hui, plus rien ne semble résister à cette nouvelle mode, grâce à laquelle on peut tout aussi bien louer la pelouse de son jardin à des campeurs, échanger ses journaux avec ses voisins ou stocker des meubles d'inconnus dans sa cave.

Deux raisons expliquent l'engouement récent des internautes pour le partage en ligne de leurs biens. La conjoncture économique, d'abord. «Beaucoup de Français se tournent vers ces solutions pour payer moins cher», constate Rémy Oudghiri, directeur du département tendances au sein de l'institut Ipsos. Ces initiatives sont ensuite portées par l'arrivée de nouvelles technologies, notamment les smartphones, qui connectent plus facilement l'offre et la demande de particuliers. Sur Lyft, une application de covoiturage créée par un ancien banquier de Lehman Brothers, les particuliers qui s'improvisent chauffeurs sont géolocalisés sur une carte et les courses peuvent être commandées d'un clic.

Un modèle encore fragile

En France, il n'y a pas d'utilisateur type de ces services. «On remarque simplement qu'ils sont un peu plus jeunes que la moyenne de la population française et un peu plus actifs», note Rémy Oudghiri. Ces Français sont en revanche plus enclins à prendre des risques que la moyenne. Ils se montrent aussi plus ouverts aux rencontres, qui font partie intégrante de l'économie du partage. Les sites cherchent à rassurer leurs membres en les laissant s'évaluer entre eux, et développent des systèmes d'assurance parallèles, pour couvrir les biens mis à disposition.

Les estimations sur le poids de cette nouvelle économie sont encore rares. Rachel Botsman, experte du sujet, l'estime à plus de 100 milliards de dollars dans le monde. «Mais il est très difficile de donner un chiffre précis, car cela crée de nouveaux marchés pour des biens qui n'étaient pas monétisés auparavant et touche à un très grand nombre de domaines», explique-t-elle au Figaro.

Portées par ces perspectives de croissance, les levées de fonds autour de ces sites se succèdent. Les revenus restent pourtant balbutiants. Lorsqu'ils ne reposent pas sur des systèmes de troc, la plupart de ces services prélèvent un pourcentage sur les transactions. Il faut atteindre des volumes importants pour espérer s'en sortir. Airbnb, valorisé 2,5 milliards de dollars, a décidé de temporiser sur sa stratégie d'expansion internationale. TaskRabbit, un site sur lequel les internautes payent en échange de leur temps, vient lui de se séparer de 20% de ses effectifs.

Preuve de leur impact néanmoins, ces sites commencent à inquiéter les acteurs de l'économie traditionnelle. À New York, la justice a condamné un utilisateur d'Airbnb à payer une amende pour violation de sa loi hôtelière, qui stipule que des particuliers ne peuvent tirer de revenus d'une location de moins de vingt-neuf jours. En France, le projet de loi Duflot sur le logement devrait contenir un volet encadrant ce secteur.


• Louer sa voiture

Le site français BlaBlaCar, créé en 2004, compte aujourd'hui 3 millions de membres. «C'est très pratique pour bouger et c'est beaucoup moins cher que le train», explique Benjamin, graphiste, qui a dépensé seulement 20 euros pour voyager de Limoges à Paris. Cette expérience, peu onéreuse, a été une vraie découverte. «J'ai déjà voyagé avec un couple de retraités, des chercheurs en physiques et un motard de la garde présidentielle», précise Benjamin. BlaBlaCar dispose aussi d'une application mobile, utilisée par 20 % de ses utilisateurs. Aux États-Unis, l'application Lyft, uniquement disponible sur smartphones et tablettes, propose le même type de services et vient de lever 60 millions de dollars. Plus original, LuckyLoc permet de louer des voitures et des utilitaires pour 1 euro, en rendant un véhicule de location à son lieu d'origine. La start-up vient de lever 300.000 euros.

Frédéric Mazzella, président-fondateur de BlaBlaCar: «Nous transportons 600.000 passagers par mois».

• Louer son temps

Internet permet de tout louer, même son propre temps. Sur TaskRabbit, les internautes peuvent demander à des personnes de leur rendre un service (faire les courses, faire le ménage ou réparer un meuble ou un ordinateur) contre de l'argent. Les membres sont sélectionnés au préalable par le site, afin de s'assurer de leur fiabilité. Créée en 2008, l'entreprise assure avoir multiplié son chiffre d'affaires par onze depuis 2001. Elle vient pourtant de licencier 20% de ses effectifs. Pas de quoi inquiéter Jean-Jacques Arnal, PDG de Stootie, une application française qui permet elle aussi de louer des services. «L'économie collaborative, c'est fascinant mais ça prend du temps, car il faut être ouvert à d'autres usages», explique-t-il. Sur Stootie, on privilégie la diversité: on peut louer aussi bien une aide au déménagement qu'un téléphone.

• Louer ses talents

Vous savez cuisiner, dessiner ou écrire? Cela intéresse forcément des internautes. De nombreux sites se consacrent ainsi aujourd'hui à la location de talents à moindre coût. Sur super-marmite.com, on achète des plats préparés par des cuisiniers amateurs qui habitent dans les environs. Le site 5euros.com propose aux internautes de recourir à divers services pour un minimum de 5 euros. Roxane, graphiste, a par exemple demandé à une illustratrice de réaliser le portrait de son chat. «Je découvre des services auxquels je n'aurais jamais pensé!» s'exclame-t-elle. Le site, créé par l'équipe à l'origine du célèbre viedemerde.fr, a été lancé début juillet et ne compte pour l'instant que 70 vendeurs. Pas encore de quoi détrôner Fiverr.com, le site israélien dont il s'est inspiré, et qui réunit près de 1,5 million d'utilisateurs actifs.

• Louer son logement

Créé en 2008, Airbnb réunit plus de 300.000 petites annonces de logements dans le monde, pour des prix généralement bas. Outre l'aspect financier, ses utilisateurs apprécient aussi de pouvoir séjourner dans des lieux plus originaux qu'à l'hôtel. Le service réserve parfois de mauvaises surprises. Éric, monteur, a loué un appartement à Londres mais n'a jamais rencontré son propriétaire. «On ne sait jamais trop qui il y a derrière les annonces», explique-t-il. «On peut s'aider des commentaires pour faire son choix et être sûr de tomber sur quelque chose de bien», tempère-t-il. D'autres sites permettent d'échanger un logement avec celui d'une autre personne, notamment pour les vacances. Une solution peu onéreuse - si on omet le montant des assurances - mais qui implique une confiance mutuelle entre les locataires.

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