L’avis du nutritionniste

Le ménage du printemps de votre dedans

Comme à peu près n’importe quel sujet d’actualité, la nutrition vit des cycles selon les saisons. À Pâques, on parle du chocolat. À Noël, c’est au tour des buffets et de l’alcool. L’été, ce sont les pique-niques et le barbecue…

Quelle originalité  !

Je vous avertis donc, je ne serai pas bien plus imaginatif que les autres en déblatérant aujourd’hui sur les cures détox. C’est simplement parce qu’elles vivent systématiquement un regain de popularité à l’approche du printemps. On n’a pas bougé et on a mal mangé tout l’hiver. On veut se remettre en forme et faire fondre les kilos. Repartir sur de bonnes bases. Effectuer le petit ménage du printemps de notre dedans, comme on nettoie nos armoires et nos fenêtres à l’arrivée de la saison du renouveau.

Le web est une mine d’or de recettes de cures détox de toutes sortes, comme les classiques décoctions aux ingrédients acides ou piquants. Si ça fait mal, ça doit nettoyer  ! La détox se présente ainsi sous de nombreux visages. Plus récemment, toutefois, l’industrie s’est emparée du concept pour donner naissance à la forme sous laquelle elle est désormais la plus populaire : la détox (ou cure) à base de jus.

Vous savez de quoi je parle. Des bouteilles au design parfait qui mettent en valeur leur contenu coloré de jus de fruits et de légumes, mélangés avec des herbes et des épices. 

Généralement ornées de termes comme « biologique », « naturel », « antioxydant », « sans gluten » ou « pressé à froid », elles se targuent d’être vivifiantes, détoxifiantes, nettoyantes ou énergisantes.

En gros, les fabricants de ces cures vous recommanderont de consommer quelques bouteilles de jus par jour, pendant une période dépassant rarement une semaine. Selon les allégations attribuées à ces produits, dans ces petites bouteilles semble sommeiller un élixir plus puissant que tous les remèdes connus. La cure détox permettrait de nettoyer le corps, d’éliminer les toxines, d’offrir une pause à l’organisme, d’améliorer l’énergie et de favoriser la perte de poids. Parfait pour effacer la saleté de l’hiver de nos artères  !

On aurait envie d’y croire, mais en réalité, la science n’est pas au rendez-vous pour appuyer ces dires. Bien peu des bénéfices promis sont réels. Par exemple, votre corps n’a pas besoin d’aide pour se purifier, se détoxifier ou se nettoyer. Votre foie et vos reins effectuent déjà ce travail avec brio. Et si ce n’est pas le cas, rendez-vous d’urgence à l’hôpital le plus près. Ce n’est pas une bouteille de jus qui permettra de remplacer des organes défectueux, qu’elle coûte 5 $, 10 $ ou 100 $.

Malgré tout, une des promesses de ces liquides arc-en-ciel est généralement fiable. Comme ces cures de jus contiennent très peu de calories, ceux qui suivent les recommandations des fabricants peuvent perdre du poids assez rapidement. Mais au risque de détruire vos illusions, les chutes draconiennes du chiffre sur la balance proviennent généralement d’une perte d’eau et d’un peu de muscles, pas de la fonte de gras. Et dès le moment où on retrouve ses habitudes alimentaires habituelles, les kilos s’accumulent à nouveau. Il s’agit d’ailleurs d’un des grands avantages des entreprises qui vendent des produits amaigrissants. 

Comme les bénéfices semblent réels pendant la cure, et qu’ils cessent quand on l’arrête, on ne met pas en doute leur efficacité. Si ça ne fonctionne pas, c’est notre faute, pas celle du produit. Il faut donc en acheter à nouveau.

Si les cures détox n’avaient comme effet que de vider inutilement le portefeuille des gens prêts à croire aux miracles, ce ne serait pas la fin du monde. Il est toutefois bien démontré que les produits amaigrissants participent à nous faire embarquer dans des cycles répétés de gain et de perte de poids et qu’ils détruisent l’estime de soi.

Et c’est probablement ce qui me dérange le plus de ces cures. Je les perçois comme des bombes à retardement accessibles à tous, présentées comme une solution miracle et vendues à grande échelle. Pour certains, il suffira de les utiliser une seule fois pour développer une relation malsaine envers les aliments et leur corps, ou même un trouble alimentaire.

Les vraies bonnes habitudes durent longtemps, pas l’espace de quelques jours. Elles sont «  plates  » et moins miraculeuses que les promesses de ces entreprises, mais ce sont elles qui ont fait leurs preuves. Vous voulez faire le ménage du printemps  ? Ce n’est pas à l’intérieur de vous qu’il faut commencer, mais bien dans votre panier d’épicerie. Remplacez les aliments ultratransformés par des aliments frais. Ce n’est pas plus compliqué. Ils ne bénéficient peut-être pas de budgets aussi élevés pour en faire la promotion, mais ce sont eux qui vous procureront le plus de bénéfices, peu importe la saison.

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