Être freelance à Berlin7 minutes de lecture

Autrefois “pauvre mais sexy”, selon le mot de son ancien maire Kurt Wowereit, la capitale allemande s’enrichit doucement, notamment en attirant des bataillons toujours plus nombreux d’artistes, de freelances et, depuis quelques années, de start-upers. Ces jours-ci, la gentrification fait rage mais le coût de la vie reste malgré tout imbattable par rapport à ses homologues européennes. Berlin a aussi pour elle d’être une ville très vaste, peu densément peuplée et entourée par la nature : si l’on sort de ses mythiques clubs, il y règne une certaine douceur de vivre qui rend la vie de freelance très agréable.

Rencontre avec Rebeccah, freelance à Berlin

Bonjour Rebeccah, quel est ton parcours ?

Je suis Américaine et j’ai étudié la musique en Californie, puis j’ai décidé de venir à Berlin pour apprendre l’allemand. Mon copain était Berlinois, c’était une bonne motivation ! Je pensais rester un an ou deux, mais j’y suis depuis 1999. J’ai commencé à travailler en freelance dès mon arrivée et je n’ai jamais fait autre chose. Au début j’enseignais, au bout de quelques années j’ai commencé à faire des traductions et des relectures, et depuis trois ans j’écris aussi des articles et du contenu pour des entreprises. Donc j’ai continuellement ajouté de nouvelles activités à mon travail.

Quels sont les avantages et les inconvénients de la vie de freelance à Berlin ?

Être freelance, ça veut souvent dire travailler dans un café avec du WiFi. Évidemment, on peut faire ça partout mais à Berlin c’est vraiment très répandu. Je vais souvent travailler à la Hallesches Haus à Kreuzberg, et il y a toujours entre 10 et 25 personnes en train de travailler sur leurs ordinateurs. Les plus grandes tables sont souvent réservées pour des réunions. Cette habitude de transformer les cafés en espaces de travail non-officiels aide à se sentir moins seul dans son travail. Et puis j’aime beaucoup la flexibilité, et ça a encore plus de sens depuis que j’ai des enfants. Ça me permet de faire des choses avec elles. Je n’ai jamais eu envie de travailler dans une entreprise allemande et d’avoir affaire à un contrat de travail !

Le café de Rebeccah à Hallesches Haus. Crédit Rebeccah Dean.

Mais c’est devenu beaucoup plus difficile ces dernières années. Avant, je décrochais au moins un entretien pour tout ce à quoi je postulais, mais avec l’afflux de freelances à Berlin ça a changé. Le marché est devenu saturé. C’est frustrant parce que pour la plupart des boulots d’écriture on demande désormais des diplômes spécifiques : or j’ai beaucoup d’expérience mais pas les titres académiques. Par ailleurs, c’est de plus en plus mal payé, autour de 5€ de l’heure. La scène start-up fonctionne beaucoup comme ça : ils font attention à leur image mais traitent très mal les gens avec qui ils travaillent.

Qui sont tes clients, et où les trouves-tu ?

Aujourd’hui heureusement, je travaille de manière régulière avec plusieurs entreprises. Les choses sont bien plus faciles avec les entreprises allemandes qui ne sont pas des start-ups. Elles traitent les gens beaucoup mieux et sont moins à l’aise avec l’idée de les exploiter !

Quel conseil donnerais-tu à un ou une freelance qui souhaiterait se lancer à Berlin ?

Ça aide vraiment de parler au moins un peu d’allemand. Je pense qu’il faut faire l’effort de l’apprendre, et d’essayer de comprendre la mentalité allemande dans le monde du travail. Je n’avais pas envie de travailler directement dans cet environnement mais je comprends comment ça marche, et ça m’évite d’être cantonnée à l’univers impitoyable des start-ups.

Le coût de la vie

Nourriture : À partir de 8€ dans le petit resto du coin, autour de 20€ pour un restaurant plus sophistiqué

Logement : Les prix sont extrêmement variables selon les quartiers et augmentent très vite, mais compter autour de 900€ par mois pour un deux-pièces et 2000€ pour un quatre-pièces dans un quartier déjà gentrifié

Coworking : Autour de 150€ par mois pour un poste fixe et 15€ par jour pour un poste nomade

Transport : Autour de 20€ pour une longue course en taxi / 63€ par mois pour la carte de transport en communs / 45€ pour celle “des freelances”, valable à partir de 10 heures du matin.

Voyage : Vols pour la France aux environs de 120€ aller-retour

Les repères des freelances

Betahaus est LE coworking berlinois, à la fois pionnier et maison-mère d’autres espaces. Créé en 2009, betahaus occupe aujourd’hui tout un immeuble de Kreuzberg. Ça représente tout de même 5 niveaux, 5000 m2 et 500 membres, qui sont entrepreneurs, makers, freelances, start-upers, mais aussi des ONG ou des PME. Pour 99€ (“Club Membership”) ou 200€ par mois (“Professional Membership”), les membres ont accès non seulement aux salles de coworking, de réunion et espaces événementiels du betahaus, mais aussi aux petits qu’il a faits à Barcelone, Sofia, Hambourg et Tirana, et à une quinzaine de lieux partenaires partout dans le monde. Pratique si on veut s’adonner au digital nomadisme.

Ce “centre pour des pratiques contemporaines” a été créé par des artistes en 2011 dans le quartier de Neukölln (il s’est installé dans un nouvel espace en 2017). Il est assez représentatif de la scène berlinoise, où les artistes sont nombreux : c’est un espace de coworking qui se veut être un centre d’expérimentation pour des pratiques “artistiques et durables”. Dédié à des artistes désireux de s’engager dans une approche collaborative mais aussi très ancré dans la communauté qui l’entoure, Agora Collective organise ses activités dans 1000 m2 et autour de quatre piliers : Nourishment (food), Experimentation (art), Production (work), Education (learn)”.

Le Kreative Arbeitsgemeinschaft Oberschöneweide, ou “Lieu de travail coopératif et créatif Oberschöneweide” en VF, est une communauté de coworking installée dans une ancienne halle industrielle au bord de la Spree. Elle aussi fondée par des artistes en 2013, KAOS accueille des projets artistiques, de design et de fabrication (son côté maker). Elle compte une cinquantaine de membres : des graphistes, designers de mode, maçons, photographes, architectes, artistes, réalisateurs, métallurgistes, etc.

Amédée
Génie indépendant

Génie indépendant depuis des siècles, je partage aujourd’hui mes aventures avec vous, indépendants de tout poil et de tous horizons. Actu, bons plans, témoignages ou libres palabres, je vous apporte les meilleures infos pour que vous puissiez profiter au mieux de votre indépendance.

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