En France, les services publics sont essentiels à notre vie collective: école, soins, justice, transports, sécurité ou encore régulation économique. Les principes qui les fondent restent modernes: égalité, continuité et adaptabilité.
Cette place centrale est aujourd’hui remise en cause par le recul des services publics. Dans de nombreux territoires, ils disparaissent. Leur dématérialisation, loin de favoriser un rapprochement de ces services pour les usagers, éloigne au contraire de nombreux publics de l’accès aux droits. Le périmètre des services publics est également revu à la baisse.
Dans ce contexte, les services publics ne seraient plus en mesure de répondre à leurs missions sans le professionnalisme, l’intégrité et le dévouement des femmes et des hommes qui les incarnent au quotidien. Ces femmes et ces hommes, ce sont avant tout les fonctionnaires.
Les Françaises et les Français ne s’y trompent pas, quand une large majorité de nos concitoyens déclarent avoir une bonne opinion des fonctionnaires, comme le montre un récent sondage.
Au-delà de ces femmes et de ces hommes, la force de notre fonction publique c’est le statut des fonctionnaires, qui oblige et protège ses agents.
Ce statut n’est pas un héritage désuet du XXème siècle, c’est une opportunité. Constitué d’un ensemble de droits et devoirs, le statut est un cadre qui a su se moderniser, de sa création en 1946 aux quatre lois de 1983, 1984 et 1986 qui forment aujourd’hui le statut général des fonctionnaires.
Ce statut repose sur trois principes fondamentaux et toujours d’actualité.
Le premier principe, c’est l’égalité. L’entrée dans la fonction publique se fait par la voie du concours, qui garantit l’égal accès aux emplois publics et la sélection par la compétence. Le concours est le meilleur rempart face au copinage, au favoritisme et au clientélisme.
Le deuxième principe, c’est l’indépendance. Les fonctionnaires doivent être protégés de la conjoncture et de l’arbitraire politiques. La fonction publique française repose donc sur le système dit de la carrière, où le grade est distinct de l’emploi.
Le troisième principe, c’est la citoyenneté. Les fonctionnaires disposent des mêmes droits que les autres citoyens (liberté d’opinion, droit syndical et droit de grève pour prendre les plus emblématiques), tout en se conciliant avec des obligations propres à la fonction publique, en matière de neutralité, de déontologie, de discrétion ou d’information du public.
Ces principes sont aujourd’hui menacés par le projet de loi de transformation de la fonction publique, qui sera examiné en séance à l’Assemblée nationale la semaine prochaine et qui a recueilli l’opposition de l’ensemble des organisations syndicales de la fonction publique.
Avec cette réforme, le gouvernement entend élargir massivement les possibilités de recruter des agents contractuels, en lieu et place des fonctionnaires, notamment sur les emplois de direction. Le risque est double: multiplier les risques d’emplois de complaisance, au détriment de la compétence, et réduire fortement les perspectives de carrière des fonctionnaires qui ont fait le choix de s’engager en faveur de l’intérêt général.
À l’inverse des dernières réformes relatives à la fonction publique, le projet de loi conduira également à renforcer la précarité des agents publics. Il introduit par exemple le contrat de projet, à durée déterminée allant d’un an à six ans, qui pourra être rompu de manière unilatérale par les employeurs publics sur des motifs très larges. Il permet aussi de détacher d’office, c’est-à-dire sans l’accord des fonctionnaires, ces derniers, sous forme d’un contrat de droit privé, auprès d’opérateurs privés en cas d’externalisation de services ou de missions.
En revanche, le projet de loi est silencieux sur la reconnaissance de l’engagement de nos concitoyens au sein de la fonction publique et sur les possibilités d’évolutions professionnelles, notamment par le biais de la formation continue, tout au long de leur carrière.
Par ailleurs, le projet de loi affaiblit de manière inédite le dialogue social au sein de la fonction publique. D’une part, il fusionne certaines instances, au détriment de celles compétentes en matière d’hygiène, de sécurité et de conditions de travail, alors même que la santé au travail est un enjeu primordial dans un contexte de restructurations. D’autre part, il réduit les attributions des commissions administratives paritaires qui sont aujourd’hui consultées sur toutes les décisions individuelles. Pour le gouvernement, ces instances sont sources de rigidité, alors qu’elles n’ont aucun pouvoir décisionnel, qu’elles garantissent la transparence de ses décisions et qu’elles permettent souvent de renforcer l’acceptabilité des décisions auprès des agents.
Enfin, le gouvernement a fait le choix de mépriser les organisations syndicales, en ne tenant pas son engagement plusieurs fois répété de publier les projets de décrets en même temps que le projet de loi, ainsi que le Parlement, en souhaitant recourir à près d’une dizaine d’ordonnances.
En résumé, ce projet de loi n’est rien d’autre qu’une nouvelle étape dans une dégradation organisée des services publics, en stigmatisant ceux qui les mettent en œuvre.
Une autre réforme était possible pour moderniser le statut et favoriser l’attractivité des carrières publiques. Cela passait par une révision de la forme et du déroulement des concours afin de mieux ouvrir la fonction publique sur la société d’aujourd’hui; par le renforcement de la formation continue pour permettre aux agents de mieux s’adapter aux inévitables mutations professionnelles; et par le rapprochement de l’organisation des trois versants de la fonction publique afin d’encourager les mobilités.
C’est la vision que défendront les députés socialistes et apparentés aux côtés des agents et des syndicats aujourd’hui dans la rue et à l’Assemblée nationale la semaine prochaine.
Cette tribune est signée par Valérie Rabault, députée du Tarn-et-Garonne et présidente du groupe Socialistes & apparentés, ainsi que par Marietta Karamanli, députée de la Sarthe et Boris Vallaud, député des Landes.
A voir également dans le HuffPost: