Google prédit un sombre avenir pour la vie privée

Vie privée érodée, droit à l'oubli inexistant, insécurité online : tel est l'avenir prédit par Eric Schmidt et Jared Cohen, de Google. Pour eux, la lutte pour nos données sera l'un des plus grands défis des décennies à venir...

Par FabienSoyez

  • 4 min

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Chez Google, on ne se contente pas de créer sans cesse de nouveaux outils, d’améliorer le moteur de recherche symbole de la firme, et de collecter des données tous azimuts. On prédit aussi l’avenir.

Dans leur ouvrage intitulé « Le nouvel âge numérique » (‘The new digital age’), Eric Schmidt, directeur exécutif de Google, et Jared Cohen, directeur de Google Ideas (le think tank de la firme), prédisent le monde de demain, un monde entièrement connecté, où nous vivront au milieu des robots, de la cyberguerre et de tout un tas de gadgets futuristes.

Pas de bouton « supprimer »

Mais il y a quelque chose de pourri au royaume du « nouvel âge numérique ». Selon les futurologues de Google, la vie privée, la sécurité des données, ne seront peut être plus qu’un lointain souvenir. Impossible de se passer du numérique, et de vivre comme un ermite : pour eux, impossible d’avoir une vie réelle enrichissante sans avatar numérique. En gros, si dans le futur vous n’êtes pas sur Internet, vous n’êtes nulle part. L’identité numérique formerait la base de la réputation d’une personne…

D’où le risque découlant de cette existence à travers le réseau : celui de la cybercriminalité. Jusqu’ici, les conséquences dans le monde réel étaient encore infimes. Mais dans le futur, affirment Schmidt et Cohen, le piratage, les fraudes et le vol d’identité seront monnaie courante, bien plus qu’aujourd’hui. « Le droit à l’oubli », quant à lui, sera difficile à garantir… Le risque, donc, serait de voir votre vie réelle « piratée » à travers le monde virtuel.

Au Huffington PostJared Cohen explique : « Dans le futur, l’absence d’un bouton « supprimer » représentera un défi pour les citoyens du monde entier. » Surtout pour les enfants, « qui utilisent les nouvelles technologies rapidement et de plus en plus tôt ». Selon le directeur de Google Ideas, ancien conseiller des secrétaires d’Etat américaines Condoleezza Rice et Hillary Clinton, « les parents doivent sensibiliser leurs enfants le plus tôt possible sur la vie privée en ligne et sur la sécurité, bien avant de leur parler des oiseaux et des abeilles ».

Finie la vie privée ?

A moins que les lois en la matière ne soient renforcés et que les gens ne luttent pour elle, la vie privée devrait être réduite à la portion congrue. Sur NPR, la radio publique américaine, Eric Schmidt et Jared Cohen prophétisent et imaginent un monde où les gens vivant dans des pays sans une vraie « culture de protection de la vie privée », perdront leur vie privée… Ils attaquent plus précisément la Chine, la Corée du Nord, l’Arabie Saoudite, la Libye et autres Etats dictatoriaux. Mais apparemment, pas de craintes à avoir en ce qui nous concerne, nous qui avons une vraie histoire en la matière !

Le site Atlantico.fr a traduit un extrait de l’interview radio d’Eric Schmidt et Jared Cohen : « En Occident, les gouvernements trouveront en temps voulu un équilibre entre l’usage légitime par la police des données confidentielles, et l’usage incorrect par d’autres. Mais dans beaucoup de pays, il n’y a aucune histoire de la vie privée, et le gouvernement peut y aller et en gros créer un état policier sans aucune protection du citoyen, et personne ne remarquera rien. Et une fois que ces systèmes sont en place, ce sera difficile de les réformer. « 

Ah, il est loin, le temps de l’Île aux Enfants… Bien sûr, selon les futurologues de Google, tout ceci n’arrivera que si personne ne se bat pour sa vie privée et sa cyber-sécurité… Google se garde bien de s’auto-critiquer, mais en appelant à la lutte pour la protection de la vie privée, la firme se tire-t-elle une balle dans le pied sans s’en rendre compte ? Pas du tout, pour Eric Schmidt, qui affirme que Google « en a beaucoup fait », respecte la vie privée à travers sa collecte de données et continue à « travailler très très dur » pour cela.

Devrons-nous changer de nom ?

Le directeur de Google préfère balayer les critiques d’un revers de la main, et continuer à prédire l’avenir, tel un oiseau de mauvaise augure : « de votre naissance jusqu’à votre mort, votre profil online sera façonné, de plus en plus, par des évenements en ligne, par ce que les gens diront de vous, et il sera très difficile de contrôler tout cela. Et la réalité est que les enfants d’aujourd’hui dissémineront de plus en plus de choses sur eux, qui s’accumuleront au fil du temps. L’hyper-connexion du monde changera tout. »

Critiqué de toute part, Google tente désormais de se faire le champion de la vie privée. Le mois dernier, Eric Schmidt avait critiqué l’utilisation future des drones civils, potentiellement dangereux pour la vie privée. Bien plus tôt, l’été 2010, il avait accordé une interview au Wall Street Journal.

Celui qui affirmait il y a trois ans que « si vous faites quelque chose et que vous ne voulez que personne ne le sache, peut-être devriez-vous déjà commencer par ne pas le faire », redoutait déjà un monde pris sous un déluge d’informations, mal préparé pour affronter ce tsunami.

A l’époque, il avait imaginé un avenir où un jeune de 18-19 ans pourrait faire valoir son droit de changer de nom, pour se refaire une virginité numérique, et se débarrasser de ses traces, en ligne pour toujours…

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