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La métamorphose numérique de l'industrie musicale

Yoann Soubeyrand |

Pour la première fois en plus d'une décennie l'industrie musicale a enregistré une (très faible) croissance en 2012. Après le tsunami internet, qui a fait voler en éclat son modèle économique, le monde de la musique semble reprendre pied... et commence à s'adapter à son nouvel environnement numérique.

Avec une progression de 0,3 % de son chiffre d'affaires mondiale en 2012, l'industrie musicale repart de l'avant après plus d'une décennie (il faut remonter à 1999 pour retrouver trace d'une croissance positive) qui a laminé une industrie naguère prospère. La vague de fonds du piratage, et plus globalement de la révolution numérique, a déboussolé un secteur qui était naguère des plus profitables.

Plus d'offres légales, moins de pirates ?

Et 13 ans après ? Après des restructurations. Après surtout un long travail d'adaptation. Le marché de la musique a retrouvé des couleurs grâce... au numérique. Consciente que le salut ne viendrait que par ce qui avait failli la tuer, l'industrie musicale s'est progressivement repositionnée depuis plusieurs années autour des enjeux numériques.

Bien sûr, le piratage n'a pas disparu et demeurera longtemps encore un phénomène majeur. Mais dans le même temps, une frange de plus en plus importante d'internautes (peur du gendarme Hadopi ? effets de la sensibilisation ?) répugne au piratage, qu'il s'agisse de téléchargement ou de streaming illégaux.

Et comme dans le même temps les acteurs du secteur ont multiplié les offres légales (Spotify, Deezer, Pandora, Vevo, Muze), la donne a évolué au fil des ans. Et les chiffres de croissance 2012 sont en réalité l'arbre qui cache la forêt d'une renaissance de l'industrie musicale basée sur des offres légales numériques appelées à compléter (si ce n'est remplacer) l'offre physique du CD. Une renaissance qui demeure aujourd'hui très fragile et très variable selon les pays.

Les émergents pointent le nez

Et les meilleures nouvelles viennent paradoxalement des pays émergents (où le piratage était pourtant omniprésent avant même Internet). À en croire Gabriela Lopes, directrice des études de marché de la Fédération internationale de l’industrie phonographique, "l’Inde est d’ores et déjà entrée dans le top 20, et est déjà un marché dominé par le numérique. C’est ce qui se passera également en Chine, on l’espère, dans les prochaines années".

Les nouvelles sont tout aussi encourageantes du côté du Brésil, où le secteur a enregistré une croissance de 12 % sur un an. Autant de marchés jeunes et en forte croissance qui offrent de belles perspectives aux professionnels du secteur.

Mais la métamorphose de l'industrie musicale est également perceptible en Europe, avec notamment l'exemple suédois tiré par la locomotive Spotify. En Suède donc, le marché du streaming a augmenté de 55 % en 2012, alors que le marché du CD continuait sa descente aux enfers (-15 %). Contre-exemple, la France où la croissance a été négative (-4,4 %) et où la part du numérique demeure encore à la traîne derrière les supports physiques (60 % du marché pour le CD). Toutefois, selon les observateurs, le marché hexagonal devrait également redevenir positif dans les deux années à venir.

Les artistes, perdants de cette nouvelle donne numérique ?

Si le marché musical s'est massivement renouvelé au cours des dix dernières années, un élément demeure inchangé :. Pourtant, certaines voix redoutent que les artistes soient les grands perdants de la nouvelle donne numérique. En jeu, deux problématiques imbriquées : la question de l'hyperconcentration du secteur et celui du partage des revenus.

Les géants du Web (Apple et Google en premier lieu) sont les grands gagnants de la réorganisation du marché. Apple, via iTunes, s'approprie 80 % du marché mondial du téléchargement mondial de musique. Une position quasi monopolistique qui pose d'autant plus de questions que le modèle économique de la marque à la pomme ne repose pas sur les revenus liés au téléchargement.

"Quand Apple est arrivé avec l’iTunes Store et ses beaux iPod, ils ont imposé un prix à perte sur le téléchargement. Ils s’en moquent, puisqu’ils s’y retrouvent en vendant des appareils, mais les artistes sont les perdants", explique le directeur général de l'Adami (l'association qui représente les artistes-interprètes) Bruno Boutleux.

Problème connexe : comment répartir les revenus entre des plateformes de distribution hégémoniques (YouTube de Google est au streaming ce qu’iTunes est au téléchargement), les maisons de production et les artistes ? La situation est actuellement plus que crispée sur ces enjeux entre les différents acteurs et les accords se négocient aux forceps. La survie de la création dépend pourtant de sa juste rétribution.

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