Christophe Dané (Omnicom) "Ad-exchanges et branding me semblent difficilement compatibles"

Le directeur général en charge des activités digitales du groupe évoque l'essor de la performance, l'arrivée du RTB et les promesses du mobile.

JDN. Omnicom a décidé de refondre son offre digitale. Pourquoi ?

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Christophe Dané, directeur général d'Omnicom, en charge du digital. © S. de P. Omnicom

Christophe Dané. Je suis arrivé au sein du groupe il y a un an avec pour mission de redéfinir le positionnement de l'agence sur le secteur du digital. Notre approche était jusque-là très cloisonnée, chaque canal étant appréhendé en silo : SEO, SEA, display, affiliation... Cette approche donnait parfois le torticolis aux clients qui se retrouvaient face à de (trop) nombreux interlocuteurs. C'est cet aspect, couplé au constat qu'il existait de plus en plus d'effets dominos entre les différents canaux de communication digitaux, qui nous a incité à revoir notre organisation. Nous avons donc décidé de procéder au regroupement des activités digitales autour de 3 grands pôles : Visibilité, Engagement et Performance. Notre but est d'axer notre offre autour des objectifs du client plus que des spécialités auxquelles il fait appel.

Pourquoi avoir décidé de procéder à une telle segmentation ?

Nous voulons donner de la visibilité aux marques par le biais d'opérations spéciales et vidéos impactantes qui affectent positivement et durablement les taux de mémorisation de la marque. L'engagement s'obtiendra, lui, plus souvent sur les réseaux sociaux où les actions de community management doivent permettre de mettre en place une relation privilégiée entre la marque et sa communauté. Bien évidemment, comme sur les réseaux sociaux, il est aussi question de "metrics". Nous avons pris l'initiative de signer un partenariat d'exclusivité (agence) avec l'agence belge Social Lab, concernant l'exploitation de son outil de social analytics, Page Karma, en France. Vient enfin la performance qui s'est concrétisée par l'apparition d'une nouvelle marque, Resolution, réunissant le search, l'affiliation, le display à la performance (notamment le RTB), l'e-mailing et l'e-CRM. La performance est un véritable levier de croissance, représentant bientôt 50% de nos activités.

Le RTB est aujourd'hui porté par la performance. Le branding reste minoritaire, comment l'expliquez-vous ?

Ad-exchanges et branding me semblent, pour l'instant, difficilement compatibles. Cela tient d'abord à la nature même du système de commercialisation des espaces publicitaires. En RTB, rien ne garantit que vous serez visible tel jour à telle heure. Lorsqu'on achète sur les ad-exchanges, on est sur du chirurgical et de l'ultra-affinitaire. C'est quelque chose de très précieux, mais c'est vain lorsque l'on veut mettre en place un dispositif impactant et fort. Quelles sont nos garanties d'avoir les home-pages de tel ou tel support ? Aucune. Je caricature mais j'essaie juste de montrer pourquoi, lorsqu'une marque lance une campagne de branding de grande ampleur, elle se tourne en priorité vers du médiaplanning traditionnel, quitte à recourir, en complément, aux ad-exchanges.

Et puis, il faut bien admettre que les ad-exchanges constituent surtout une opportunité pour les éditeurs de commercialiser les "surplus" d'inventaires qu'ils dédiaient par le passé à de l'autopromotion, à des ad-networks ou à leurs annonceurs les plus importants en complément. On peut regretter que les emplacements proposés soient parfois peu visibles ou valorisants, mais je pense que le marché va de l'avant.

Au cœur des ad-exchanges se situe la donnée. First-party ou third-party, quelle est la pertinence de la data ?

Je pense que l'une des priorités reste de s'adresser à l'annonceur pour exploiter toute sa data. Cela permet, de façon très basique, d'adapter le message publicitaire à sa cible, selon qu'elle soit cliente ou non. Ce seul paramétrage va améliorer le ROI de vos campagnes. Ce n'est malheureusement pas toujours évident et les annonceurs ont encore des progrès à faire dans leur manière de faire cohabiter communication et CRM, s'ils veulent réussir à clustériser leur audience. Concernant la data tierce, le débat se pose. Je pense qu'il faut être d'une exigence absolu en ce qui concerne la qualité du prestataire et la fraîcheur des données qu'il communique. Mais le marché est "en construction". Tout cela va rapidement s'autoréguler.

Le secteur du mobile souffre lui d'un décalage entre audience et investissements. Comment l'expliquez-vous ?

Je tiens déjà à préciser que nous avons la chance de travailler avec des annonceurs qui investissent beaucoup sur ce canal, qu'il s'agisse de McDonald's, Renault ou Nissan. De telle sorte que le mobile représente déjà un peu moins de 10% de nos revenus, un ratio qui est au-dessus du marché. Quoi qu'il en soit je pense qu'une véritable prise de conscience s'opère en ce qui concerne l'importance de ce levier et à partir de certains seuils de visibilité, le mobile s'inscrit automatiquement dans un plan média.

Il s'agit de moins en moins de le traiter comme le petit dernier que l'on fait sauter automatiquement en temps de crise. Mais de nombreux obstacles se posent encore. A commencer par celui des créations et des petites bannières, en particulier, peu visibles, peu qualitatives, qui constituent encore une grande part de l'inventaire.  Je pense que le salut de la publicité mobile passe par la démocratisation de formats impactants et interactifs, permettant un véritable engagement du mobinaute.

Et la 4G ?

Effectivement, l'arrivée de la 4G va sans doute être un levier de croissance pour le marché de la publicité mobile en optimisant les temps de chargement des créations. Cela va notamment contribuer à faciliter la lecture des vidéos en mobilité, qui comme beaucoup le savent, sont un des premiers vecteurs de communication publicitaire sur mobile.


Christophe Dané est directeur général d'Omnicom Media Group (OMG), en charge des activités digitales. Après un début de carrière en tant que directeur des études en agences de publicité (CLM BBDO, CIA Le Lab), il est nommé directeur général de MEC Interaction, de 1999 à 2007, et participe à la création en 2001 de la Commission Internet de l'UDECAM. En 2007, il prend la direction générale d'Havas Digital puis endosse la double casquette de directeur associé d'Havas Media en 2008 et d'Havas Cross Media en 2009. OMG (groupe Omnicom) est composé de 3 agences médias appartenant à un réseau international (OMD, PHD et M2M), et d'une agence de brand content (Fuse).